L'insuffisance rénale chronique évolue souvent vers un stade terminal. La maladie passe, dans la plupart des cas, sous silence. La majorité des patients sont orientés pour une urgence métabolique sans aucun diagnostic préalable. Et à ce stade, la biopsie rénale, cet examen primordial en néphrologie, n'est pas réalisable. Car, le rein est totalement détruit», nous a expliqué le Pr Seba, chef de service d'hémodialyse au CHU Nedir Mohammed de Tizi Ouzou. Dans cette wilaya, le nombre d'insuffisants rénaux ne cesse d'augmenter chaque année. L'on enregistre près de 200 nouveaux cas chaque année dans la wilaya de Tizi Ouzou. En effet, pour le malade qui a atteint le stade terminal, l'hémodialyse lui devient comme un traitement inéluctable. Mais cela n'est pas chose aisée dans la mesure où le nombre de machines affectées au services d'hémodialyse que ce soit au CHU ou au niveau des autres hôpitaux de la wilaya de Tizi Ouzou, demeurent toujours en deçà de la demande. Le CHU fonctionne avec 28 générateurs, dont certains ne sont pas fonctionnels en permanence. «Il faut souligner que le service du CHU de Tizi Ouzou couvre une population de trois wilayas. Il assure même les urgences durant la nuit. En effet, pour les urgences, le médecin doit faire appel au néphrologue pour examiner le malade», a ajouté notre interlocuteur qui estime que la greffe rénale reste la seule issue pour les insuffisants rénaux afin de se détacher du générateur, mais pas pour tous les malades malheureusement. Et pour cause, il existe, en effet, des patients qui souffrent d'un problème d'incompatibilité avec le donneur. Sur ce, en absence de contres indications majeures, comme des pathologies vasculaires et le cancer, tous les malades, dont l'âge ne dépasse pas 60 ans, peuvent se faire greffer à partir d'un donneur sain. Notons que dans la wilaya de Tizi Ouzou, l'on a enregistré, jusque-là, une trentaine de greffes alors qu'une vingtaine d'autres sont prévues pour l'année 2009. Dans la salle d'hémodialyse du CHU Nedir Mohamed, les malades sont soumis à trois séances de quatre heures par semaine. «C'est un calvaire. On est condamné comme ça. On ne vit pas mais on survit seulement. Sincèrement, c'est dur pour un dialysé. Car, après une séance on ressent une amélioration mais quelques temps plus tard, on se voit envahir par une fatigue générale et une envie pour les vomissements», nous dira une dialysée. Des associations pour défendre les malades «J'effectue des séances d'hémodialyse depuis 1988, quand j'avais 32 ans», ajoute cette dame, dont les complications l'ont privée d'une greffe. Aussi, si les malades sont régulièrement consultés par des médecins et résidents, il n'en demeure pas moins que l'on a constaté un manque en matière de personnel paramédical au niveau du centre d'hémodialyse. «Il y a effectivement un manque de paramédicaux, notamment durant les périodes de congés», a souligné le Dr Lynda Badaoui. Outre la galère du générateur, les insuffisants rénaux font face à de nombreuses difficultés, notamment dans les étapes à suivre avant la greffe. D'ailleurs, c'est pour cette raison, sans doute, qu'une association a été créée, en 2005, pour défendre les droits de cette catégorie de malades. «Les problèmes des pré-greffés sont multiples. Alors qu'ils ont des donneurs, il leur faut plus d'une année pour faire toutes les analyses nécessaires. Il y a des radios qui exigent des déplacements vers Alger, Blida et Sidi Fredj», nous a affirmé un jeune de 34 ans qui suit des séances à l'hôpital d'Azazga. Là aussi, 48 patients ont été admis au service d'hémodialyse qui fonctionne avec 14 générateurs, dont 2 sont exclusivement réservés pour les urgences, nous a précisé Dr Yebbal qui nous ajouté que, faute de places, de nouveaux malades sont orientés directement vers le privé. «On prend en charge régulièrement 48 patients. Tous ont atteint le stade terminal. L'extension du service est une nécessité. Car, il faut souligner que le nombre d'insuffisants rénaux augmente chaque année. Je voudrais dire aussi que le service fonctionne avec deux médecins spécialistes et deux généralistes ainsi que dix paramédicaux», ajoute Dr Yebbal qui indique, par ailleurs, que six personnes ont bénéficié d'une greffe alors que deux autres sont en attente pour le mois de septembre en cours. A l'intérieur de la salle d'hémodialyse, des dialysés n'ont pas laissé passer l'occasion de notre présence sur les lieux pour nous faire part de leur galère. «Venez voir. Le parterre n'a pas été nettoyé. Voila, il n'y a pas d'hygiène dans cette salle. Le service n'est pas désinfecté. Les lits se dégradent de plus en plus. On a toujours eu peur de ces séances car, elles nous deviennent très éprouvantes en raison des mauvaises conditions qui règnent à l'intérieur de la salle», nous a précisé un malade. Les familles dans le désarroi Par ailleurs, si les patients sont condamnés à l'hémodialyse, leurs parents en souffrent encore plus. Ainsi, le cas des membres de la famille Kebaïli du village Aït Saâda, dans la commune de Tadmaït, wilaya de Tizi Ouzou, est édifiant à plus d'un titre. Le décès de leur fille après plus de huit ans de souffrance confirme amplement le calvaire des familles des malades. «Il y a eu négligence. Nous avons sollicité une greffe hépatorénale, le foie et le rein, pour ma défunte sœur. Nous avons également demandé au ministère de la Santé une prise en charge à l'étranger. Mais, il y a eu aussi des blocages administratifs. Dès lors, son cas s'est compliqué de jour en jour et son état a atteint le stade final. A ce moment là, même les médecins ont perdu espoir. La défunte a continué quelques jours clouée au lit alors que ses souffrances se manifestaient de manière aiguë jusqu'à son décès», nous dira Malika Kebaïli, la sœur de la défunte, qui appréhende, d'ores et déjà, le même scenario avec sa frangine cadette. A ce titre, elle ajoute : «Les mêmes symptômes se manifestent aujourd'hui, chez ma sœur Lycia. Elle a des calculs au niveau du rein puis, les deux ont été affectés, et ce, à cause d'une maladie appelée loxsalose de calcium. Après les contrôles médicaux et les différentes analyses effectuées, les médecins nous ont signifié qu'il s'agit d'une maladie rare et héréditaire. Selon des spécialistes, l'oxalose est la thésaurismose d'oxalate de calcium qui se révèle le plus souvent par des lithiases récidivantes, en raison de l'insolubilité de l'oxalate de calcium dans les urines. La néphrocalcinose associée aboutit presque constamment à l'insuffisance rénale terminale avant l'âge adulte, suivie de l'accumulation des cristaux d'oxalate dans divers tissus, particulièrement les os. La transplantation hépatique ou, plus souvent, hépatorénale représente le seul traitement curatif», précise-t-elle avant de lancer un appel en guise de SOS aux responsables concernés afin de lui faciliter les démarches administratives pour faire bénéficier sa sœur d'une prise en charge à l'étranger avant qu'il ne soit trop tard car, dit-elle, sa maladie se complique chaque jour davantage. Dans la ville de Tizi Ouzou, un jeune de 32 ans, insuffisant rénal qui effectue des séances d'hémodialyse depuis quatre ans, semble continuer ses jours dans un climat de désespoir, tels sont les propos de sa mère venue dernièrement à notre bureau pour publier un SOS afin de solliciter l'aide des âmes charitables. «Je ne sais plus quoi faire. Alors que mon mari est actuellement hospitalisé dans un établissement psychiatrique, mon fils qui souffre d'une insuffisance rénale qui a atteint le stade terminal. On veut lui donner un rein pour l'extraire de ce calvaire mais il a un problème d'incompatibilité avec le donneur. Il est actuellement au bord du désespoir. Moi, à chaque fois, je suis contrainte d'aller voir où prêter de l'argent pour subvenir à ses besoins. Aujourd'hui, je suis criblée de dettes», avoue-t-elle. Un témoignage qui en dit long sur le calvaire qu'endurent continuellement aussi bien les insuffisants rénaux que leurs familles.