On ne compte plus toutes les fois où l'ensemble algérien de musique andalouse, conduit par l'exigeant Rachid Guerbas, s'est produit à Constantine au Théâtre régional ou même au palais de la culture Malek Haddad, depuis sa création, voilà maintenant huit ans. Cependant, chacune des prestations de cette pléiade de talents incontestés étonne, émeut, mais surtout force l'admiration, à chaque apparition. C'est que le maître Guerbas a réussi le pari fou de réunir les trois tendances de la musique andalouse algérienne en un seul ensemble, incarnant la quintessence du malouf (Constantine), le gharnati (Tlemcen) et la sanaâ (Alger). La symbiose entre ces trois écoles classiques était parfaite, et le pari encore une fois gagné, grâce à la complicité et surtout l'humilité des musiciens qui forment cet ensemble. L'émotion était donc au rendez-vous mercredi dernier au théâtre constantinois lors de l'ouverture de la 3e édition du festival national du malouf, confiée aux soins de l'Ensemble algérien de musique andalouse. Ce dernier, véritable bouquet de talents, n'a point laissé indifférents les nostalgiques, ébahis par ces habiles enchaînements auréolés par une prestation musicale d'un raffinement inouï. Le public présent, malheureusement peu nombreux, dégustera avec une joie indescriptible chaque morceau qui lui a été offert. L'istikhbar de Khaled à la mandoline, ou celui de son compère Djoued de l'école tlemcénienne étaient d'une grande délicatesse. Le jeune Abbes Righi au oud arbi aura droit à un solo émouvant, sous les yeux émerveillés de son maître Larbi Ghazzel, un des piliers du malouf constantinois, et se révélera par là même un digne représentant de l'école constantinoise. Samir Boukredera s'est offert, à l'instar des autres musiciens, une prestation solo à la hauteur de son talent. Son génie ne fait plus aucun doute. La prestation exceptionnelle de Azzeddine Bouabdallah au violon, ainsi que sa voix angélique, apporteront une touche solennelle au jeu de l'ensemble. La présence des maîtres Razkallah Abdelkader, dirigeant de l'orchestre de la radio et de la télévision algérienne, ainsi que le cheikh Zerrouk Mokddad et Benchobbal au jeu imposant, ne feront que rendre plus majestueuse la prestation des vingt-deux musiciens ayant accompagné Rachid Guerbas dans cette audacieuse aventure musicale qui, comme il le précisera lui-même, a fait l'objet de lourdes critiques de la part des conservateurs, lesquels avaient prédit l'échec du projet. Enfin, dans ce bouquet musical, Hania Bakhti s'impose comme étant l'une des plus belles fleurs. Sa voix sublime s'accorde délicatement au oud, se mariant allégrement au jeu d'un ensemble musical, qui nous aura fait rêver le temps d'une soirée des plus féeriques.