Ainsi, après 24 heures de délibérations, le verdict relatif au procès de l'affaire Achour Abderrahmane et les cadres de la BNA est tombé dans un climat très tendu. Dès la matinée, les familles des 26 accusés ont pris d'assaut la salle d'audience, qui s'est avérée trop exiguë pour contenir autant d'avocats, de journalistes et public. Vers 11h30, les mis en cause ont pris place dans le box des accusés. Plus nombreux, les policiers tentent de mettre de l'ordre. A 11h30, le président Belkherchi, ses deux assesseurs et deux membres du jury entrent dans la salle. Habitué à utiliser le micro, M. Belkherchi lit à voix basse, presque inaudible, les questions importantes concernant les chefs d'accusation. L'association de malfaiteurs a été retenue avec la majorité des voix du tribunal pour 8 accusés, dont Achour Abderrahmane contre lequel d'autres griefs, dont les chèques sans provision, l'escroquerie et la complicité dans dilapidation des deniers de la banque, ont été confirmés. De ce fait, le tribunal a prononcé une peine de 18 ans de réclusion contre Achour Abderrahmane, son beau-frère Settouf Baghdad, son associé Aïnouche Rabah et Merarbi Hassiba, la secrétaire de ce dernier. Il a également condamné à 14 ans de réclusion Settouf Djamel (beau-frère de Achour), Belmiloud Mustapha (directeur de l'agence BNA de Cherchell), Mohamed Amar (directeur du réseau exploitation de la BNA) et Dahmani Ahmed (directeur régional). Deux peines de 10 ans de réclusion ont été retenues contre Kherroubi Lakous (sous-directeur de l'agence de Cherchell) et Mezeghrani Akila, qui a assuré l'intérim du directeur de l'agence de Bouzaréah. Une peine de 7 ans de réclusion a été prononcée contre Medjadji Ouar (chef de section à l'agence de Bouzaréah), trois peines de 6 ans contre Moaici Mustapha (le chauffeur de Aïnouche), Boughernout Ali (chef de section à l'agence de Cherchell) et Zedam Mohamed Amine, alors que deux autres peines de 5 ans de réclusion ont été requises contre Moussa Klii et Badlèche Moussa, tous deux associés de Achour. Le tribunal a prononcé deux peines de 2 ans avec sursis contre Louati Malika (épouse de Aïnouche) et Settouf Djamila (épouse de Achour) et deux autres d'un an avec sursis contre Nedir Mohamed (inspecteur général de la BNA) et Tamrabet Samir (directeur régional de la BNA). Par ailleurs, 5 accusés ont bénéficié de l'acquittement lors de ce procès. Il s'agit de l'ancien PDG de la BNA Chikhi Mourad, des trois commissaires aux comptes Kerkbane Mohamed, Boukort Larbi et Abed Abdelmadjid ainsi que l'expert comptable Chafi Salah. Le tribunal a retenu une amende d'un million de dinars pour les accusés condamnés à des peines de 14 et 18 ans. La lecture du verdict a provoqué un brouhaha indescriptible dans la salle, poussant le tribunal à se retirer rapidement sans même faire remarquer aux accusés, comme l'impose la procédure, qu'ils ont 8 jours pour faire cassation auprès de la Cour suprême. La salle est devenue un vrai défouloir pour les familles. Certains accusés ont été pris de crises de larmes ; d'autres, comme Achour Abderrahmane, se sont montrés très sereins et calmes. Hassiba Merarbi avait du mal à se maîtriser. Les policiers ont éprouvé des difficultés à rétablir l'ordre dans la salle. La priorité était de faire sortir les accusés, assaillis par leurs familles. La colère est montée d'un cran. Les évanouissements, les cris et les sanglots rendaient le climat électrique. Il a fallu que les familles soient évacuées vers le hall pour que le calme revienne. La BNA perd ses droits à la réparation du préjudice Une demi-heure plus tard, M. Belkherchi et ses deux conseillers reprennent place dans le tribunal pour lire le verdict par contumace contre Timidjar Omar (directeur de l'agence de Bouzaréah) actuellement en fuite. Une peine maximale de 20 ans de réclusion a été prononcée contre lui, avant que le tribunal n'entame son audience civile pour entendre les demandes des représentants de la partie civile, maîtres Chaoui et Kobtan. Ces derniers exigent le remboursement de 21,862 milliards de dinars, le montant détourné, et le paiement de 30% de sa valeur, soit 6,558 milliards de dinars pour les préjudices financiers et matériels, ainsi que 10% de la même valeur, soit 2,186 milliards de dinars, à titre de réparation. Les avocats ont demandé aussi la saisie des biens des condamnés, rejoignant ainsi le réquisitoire du parquet général. La défense a récusé les montants du préjudice et indiqué que l'expertise n'avait avancé que le montant détourné. Me Chaïb a souligné que la banque ne peut se prévaloir de ses propres turpitudes du fait qu'elle ne peut profiter de ses erreurs. Elle ne peut, a-t-il dit, profiter des dommages et intérêts. Après ces remarques, le tribunal s'est retiré pour revenir moins d'une heure plus tard avec une décision : la condamnation de l'ensemble des accusés à rembourser solidairement le montant détourné, estimé à 21 milliards de dinars, et la confiscation de leurs biens. La banque ne peut directement en prendre possession. Le tribunal vient de décider que ces biens seront remis au Trésor public et non à la BNA, qui perd les dommages et intérêts. Le procès prend fin sans pour autant qu'ait été élucidée l'énigmatique destination des 21 milliards de dinars détournés. A rappeler que cette affaire a éclaté à la suite d'une lettre anonyme adressée aux plus hautes autorités faisant état de chèques de cavalerie entre 8 sociétés fictives appartenant à Achour Abderrahmane qui gravitaient autour de National A+ et Transport Bleu (qui, elles, fonctionnent) et domiciliées aux agences BNA de Bouzaréah, Koléa et Cherchell. Pendant près de 3 ans, 1957 chèques sans provision sont encaissés par Achour au profit de ces mêmes sociétés. Pour ne pas laisser de trace, ces chèques sont restés dans 80% des cas en suspens entre les agences de Cherchell et de Bouzaréah et dans les 20% des cas entre Bouzaréah et Koléa. Une procédure de dissimulation, qualifiée de diabolique, qui n'aurait jamais été dévoilée si la lettre anonyme n'en avait pas fait état. Achour Abderrahmane s'est entre-temps réfugié au Maroc avec 4 autres personnes impliquées, dont son épouse, Aïnouche Rabah et sa secrétaire. L'Algérie a entamé les négociations pour leur extradition, obtenue 9 mois plus tard. Sur les 32 personnes initialement inculpées, 27, dont une est en fuite, ont été déférées devant le tribunal criminel pour association de malfaiteurs, escroquerie, complicité de dilapidation, chèques sans provision, faux en écritures bancaires et dilapidation de deniers publics. Des accusations pour lesquelles la peine maximale prévue est de 20 ans de réclusion. Tous les accusés ont plaidé non coupable, y compris Achour, mais le parquet général a requis de lourdes peines de 20 ans, 10 ans et 5 ans de réclusion.