Le suspense continue dans l'affaire de la BNA. Hier, au dixième jour du procès, tard dans la journée, le verdict n'était pas encore tombé. Le juge, accompagné de ses assesseurs et des deux membres du jury, s'est retiré à 11h25 de la salle 5 du tribunal de Sidi-M'hamed pour délibérer. Hier, le procès a débuté à 9h30 avec à la clé une petite surprise. Alors que jeudi, le juge avait annoncé qu'il ne restait qu'une seule plaidoirie, il s'est avéré qu'il avait “oublié” une autre, également de l'avocat de l'accusé principal, Abderahmane Achour. Pendant une heure et demie, l'un après l'autre, ils sont revenus sur la genèse de l'affaire devant un président du tribunal qui n'arrivait pas, cette fois-ci, à dissimuler son impatience. D'ailleurs, le juge Belkherchi ne s'est pas empêché de le dire ouvertement à chacun des avocats qu'ils n'ont fait que répéter les mêmes “angles” des plaidoiries de leurs collègues. L'axe principal de la défense a été ainsi abordé : absence de l'“acte du crime”, en l'occurrence les fameux 1 957 chèques avec lesquels les accusés auraient détourné les 21 862 310 549,78 DA (comme précisé dans le rapport d'expertise établi le 1er octobre 2006 et demandé par le juge d'instruction de la 3e chambre du tribunal de Sidi-M'hamed). Un incident loin d'être anodin s'est toutefois déroulé en cette matinée. Au cours de sa plaidoirie, le premier avocat a remis des documents à un des assesseurs. Une “action” qui a fait réagir le juge : “Alors qu'est-ce que je fais ici, moi ?” cria-t-il presque. En colère et devant le balbutiement du jeune avocat, le magistrat l'interpella sur un ton sévère. “C'est à moi et uniquement à moi que vous devriez remettre n'importe quel document. D'ailleurs depuis quand êtes-vous avocat ?” La réponse a été de : “Huit ans Monsieur le juge”. Et la réplique était encore plus sèche : “Vous n'avez que huit ans et vous vous retrouvez dans une cour criminelle !” Une prise de bec qui vient illustrer l'urgence d'éclaircir les relations entre les magistrats et les avocats, et de là les avocats entre eux. Une autre occasion s'est présentée au juge pour critiquer les avocats qu'il a saisis au vol. En constatant l'absence d'un des accusés (en liberté provisoire), il déclara, devant la gêne non dissimulée des avocats, qu'“on a fait confiance à la défense et voilà le résultat”. Les plaidoiries terminées, après une pause de quelques minutes, le juge demanda à tous les accusés : “Qu'est-ce que vous avez à dire ?” Tous ont affirmé qu'ils étaient innocents. Le dernier à avoir pris la parole était l'accusé principal, Achour Abderrahmane, et sa déclaration a surpris plus d'un. “Je demande la relaxe et au cas où je serais condamné, qu'on m'accorde les circonstances atténuantes.” Avant de lâcher presque en chuchotant : “En tout cas, il y a d'autres qui ont volé plus que 21 milliards !” Avant de quitter la salle archicomble à 11h24, le juge déclara : “Nous allons délibérer, et si d'ici 20 heures on ne revient pas, on se donne rendez-vous pour demain à 9h30.”