Contrairement au discours en vogue depuis la chute des prix du pétrole, ce n'est guère le manque d'argent qui retarde la concrétisation des projets de développement inscrits au profit des communes du pays. Dans la wilaya de Boumerdès, c'est plutôt les bons managers qui font défaut. Moins de trois mois après son installation, le wali, Mohamed Salamani, fait un constat des plus amers de l'état de développement au niveau local. Lors d'une récente réunion interne avec les directeurs de l'exécutif, il a fait état de 1250 milliards de centimes qui ont été octroyés aux communes de la wilaya depuis plusieurs années, mais qui ne sont toujours pas consommés. Une situation qui donne une idée assez claire sur le degré d'engagement et de dynamisme des responsables locaux, notamment des élus, pour améliorer le vécu des populations locales. La somme de 1250 milliards devait servir à la réalisation de 172 projets, tels que des routes, des réseaux d'assainissement, de gaz et des infrastructures de base. Le retard dans la consommation des budgets touche aussi bien les subventions affectées au titre des PCD, que celles qui sont dégagées sur le budget communal, le budget de wilaya ou le FSCL. Selon nos sources, le wali incombe cet état de fait aux conséquences désastreuses sur tous les plans, aux élus en général et aux P/APC en particulier. Certes, ces derniers ne sont pas exempts de tout soupçon, mais d'aucuns savent qu'ils n'ont pas les coudées franches pour répondre aux attentes de leurs administrés. A titre d'exemple, l'APC de Ammal a bénéficié de huit opérations depuis 2011 sur le budget de wilaya, pour un montant global de 29,8 millions de dinars. Néanmoins, sept d'entre elles n'ont pas vu le jour à cause de lourdeurs bureaucratiques. «Le ministère de l'Intérieur parle de décentralisation, alors qu'il n'a qu'à commencer par les choses simples. Parfois, on attend 30 jours pour que le chef de daïra réponde à nos courriers. Idem pour le contrôleur financier, qui met un temps fou pour étudier les dossiers. Et parfois, il les rejette pour de petites futilités», déplore un élu à l'APC, qui se plaint aussi du manque d'encadrement. Selon lui, le service des marchés de la commune fonctionne avec un technicien supérieur uniquement, incapable d'assurer le suivi de tous les projets. Un élu à l'APC de Bordj Menaïel évoque les contraintes liées à la complexité des démarches à suivre pour changer les intitulés des projets non lancés à temps à cause de leur inadéquation avec les besoins de la population ou de l'insuffisance des enveloppes initiales. «Pour annuler un projet et utiliser son argent pour un autre, il faut faire une demande au wali et attendre parfois plus d'une année qu'il l'approuve. Comment voulez-vous faire face à ces obstacles pour que les projets soient réalisés dans les délais ?» s'offusque-t-il. Notre interlocuteur cite notamment l'exemple des opérations liées à l'acquisition du matériel roulant pour étoffer le parc communal, dont les montants ne sont pas stables sur le marché. L'édile local relève un autre handicap, celui lié à l'obligation de passer par l'Anep pour la publication des avis d'appel d'offres, soulignant que «plusieurs avis d'appel d'offres sont sortis infructueux pour la simple raison qu'ils sont parus dans des journaux à faible tirage». Ces contraintes et tant d'autres reviennent comme un leitmotiv dans la bouche de tous les élus. La commune de Boumerdès dort sur un matelas financier de plus de 300 milliards de centimes, alors que plusieurs quartiers, à l'instar de la cité 11 Décembre, Foes et Boukerroucha, pataugent dans des problèmes d'un autre âge. Des projets d'écoles primaires à Sahel et Figuier ne sont pas encore lancés alors que les élèves étudient dans des classes en préfabriqué et surchargées. Annoncé en 2012, le projet d'extension du siège de l'APC risque de ne jamais voir le jour, malgré la disponibilité de l'argent. La commune manque cruellement d'encadrement, mais elle n'a pas le droit de recruter. Selon nos sources, les cahiers des charges pour le lancement des consultations et des marchés sont établis par une boîte privée. La plupart du personnel de la commune est composé de jeunes recrutés dans le cadre des dispositifs du pré-emploi. Le poste de secrétaire général est occupé depuis 12 ans par un technicien en urbanisme. Et dire que la décentralisation, qui cache une volonté de brader le pays, est la seule solution dans le contexte actuel qui permettrait de booster le développement local.