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La fraternité religieuse à la limite de la haine patriotique (2e partie)
Publié dans El Watan le 28 - 12 - 2009

Si une seule partie de ce dernier est malade, tout le reste souffre de fièvre et d'insomnie, et il les a aussi représentés comme les pierres d'une construction qui se renforcent et se soutiennent mutuellement, car les uns pour les autres, les croyants constituent des miroirs, des lumières secourables. En se conseillant mutuellement, en fermant les yeux sur les petits défauts en évitant de se faire du tort et de la peine puisqu'ils augmentent en force et en puissance, inspirent crainte et respect à leurs ennemis. Et il y a aussi pour eux une excellente façon de se porter secours, c'est de s'empêcher mutuellement de faire du mal. Un jour, l'Envoyé de Dieu avait dit à quelqu'un : «Porte secours à ton frère, qu'il soit injuste ou opprimé !» Cette formule était le slogan des Arabes antéislamiques, et l'homme auquel parlait l'Apôtre ne pouvait donc que s'en étonner en bon croyant. «Ô Envoyé de Dieu, répliqua-t-il, nous avons su comment lui porter secours quand il est opprimé, mais comment donc quand il est injuste ?» «En l'empêchant de l'être !», lui répondit le Prophète Mohamed (QSsSL).
Ainsi donc doit agir la vraie fraternité religieuse entre les peuples, sans peur, ni reproche ni complaisance, puisque vérité et justice doivent exister avant tout, même et surtout quand il y a litige entre un musulman et un non-musulman. Pour illustrer la véritable image de l'Islam dans sa beauté native, plus frères et plus croyants encore seront ceux qui partageront la nourriture et toutes les choses nécessaires de la vie, quand cela s'impose.
Le couronnement de cette fraternité est l'amour en Dieu, degré suprême de la foi, puisque le vrai croyant aime Dieu avant tout, loin de toute autre considération mondaine. Arrivé à ce stade ultime, il pourra déguster la saveur de la foi et se complaire dans le réconfort de sa fraîcheur. Et dans ce vaste champ de fraternité et de solidarité, l'émulation reste de mise, puisque «lorsque deux êtres s'aiment en Dieu, le plus cher d'entre eux, aux yeux de Dieu, c'est celui qui aime le plus ardemment son compagnon», rapporte la tradition musulmane.
Transcendant majestueusement les appartenances raciales, ethniques, linguistiques et autres, l'Islam renouvelle dans la foi pure et originelle la fraternité initiale de tous les fils d'Adam et Eve. Parce que la haine est l'aversion éprouvée envers une chose, et comme elle possède une qualité détestable, l'Islam a interdit aux croyants de se détester les uns les autres pour des motifs qui ne sont pas légaux ou purement passionnels car les croyants sont des frères qui s'aiment.
Comme il est mentionné dans le Coran au Verset 10 de la Sourate 49 : «Les croyants ne sont que des frères».
Il est donc du devoir de chaque croyant d'être sincère envers lui-même et de prendre garde de détester sous l'effet de la passion, la familiarité ou l'habitude, puisque ce ne serait plus pour Dieu et ferait partie alors de la haine interdite dans la logique de la fraternité religieuse. Comme le Prophète Mohamed (QSSSL) disait que «ma communauté sera atteinte par la maladie des communautés, qui est l'insolence, l'ingratitude, la course aux richesses, les querelles au sujet des largesses de ce bas monde, ainsi que la haine et l'envie mutuelle, au point qu'il en résultera l'iniquité et l'anarchie». En Islam, la haine motivée par des raisons valides d'ordre religieux, comme celle éprouvée envers les péchés et les actes d'immoralité, est non seulement permise mais constitue même une des caractéristiques de la foi car quelle que soit l'échelle suivant laquelle on analyse le lien de fraternité des musulmans aujourd'hui, on ne peut que constater à quel point celui-ci est superficiel.
Et le pire, c'est qu'il semble se fragiliser un peu plus chaque jour qui passe et nul besoin pour le constater de procéder à une analyse approfondie de la situation de la communauté musulmane mondiale contemporaine, riche de plus d'un milliard de personnes, puisqu'il suffit pour cela que chacun fasse l'état des lieux des rapports intra-communautaires au sein des quelques milliers de musulmans de sa propre localité ou, mieux encore, entre les quelques dizaines de personnes qui composent sa propre famille. Les récits historiques sont toujours là pour témoigner des changements négatifs qui ne cessent d'affecter la communauté musulmane depuis quelques années. Et s'il est vrai que les problèmes d'ordre social, économique, moral ou familial qui s'abattent de plus en plus sur les pays musulmans résultent de nombreux facteurs, ils n'en reste pas moins que les dérives liées à la haine et à la jalousie occupent une place de choix parmi ces derniers.
Et c'est bien là l'une des principales causes de la faiblesse et de l'inconsistance des musulmans actuellement, au point que chaque communauté patriotique à travers les pays occidentaux s'autorise le droit de faire de l'Islam sa principale cause de haine communautaire car le talon d'Achille est bien dans la fraternité religieuse des musulmans d'aujourd'hui et non dans le respect des droits de l'homme des pays démocratiques occidentaux, qui sont loin de comprendre le sens de la fraternité religieuse face à leur haine patriotique et la peur de l'autre. Parce que la maladie des communautés a déjà envahi la communauté musulmane, de ce début du XXIe siècle, qui, pour des raisons d'ordre purement matériel, ont oublié qu'il n'est de pire mal pour un croyant, que de mépriser son frère car le croyant est entièrement sacré pour son frère en Dieu, pourquoi suite à cette affaire de dénigrement de la part des médias égyptiens sur le peuple algérien, de nombreux journalistes algériens expatriés au Qatar et travaillant au sein d'une chaîne d'information internationale ont fait de ce match de football entre les équipes algérienne et égyptienne une occasion de fête, puisque pour fêter la qualification de leur équipe nationale au Mondial sud-africain, 12 moutons ont été égorgés à cette circonstance pour un couscous typiquement algérien, préparé par les mains expertes d'une présentatrice algérienne et dont des journalistes égyptiens de la chaîne ont répondu présent à l'invitation de leurs collègues algériens afin de démontrer que la fraternité religieuse est de loin supérieure à la haine patriotique, qui ne fait que faire dévier le croyant de son devoir envers Dieu, celui d'aimer et de se faire aimer.
Parce que dans l'expansion territoriale de l'Islam du VIIIe au XIe siècle, il n'y a pas eu de persécutions, ni même de conversions forcées et de destructions de villes ainsi que des mises à sac, que grâce à la tolérance des musulmans, de cette période, des gens assez indifférents religieusement, par souci d'ordre et de paix, se sont ralliés à la conquête de l'Islam car les conquérants arabes, une poignée de chameliers qui n'étaient que des bédouins constituant la première force militaire de l'Islam se sont ouverts aux contingents levés parmi les populations subjuguées, au point que ces contingents prolongèrent le mouvement initial des nomades du désert puisque les Iraniens pousseront les territoires de l'Islam vers l'Asie centrale, les Syro-Egyptiens vers l'Afrique du Nord, les Berbères d'Afrique du Nord vers l'Espagne et la Sicile.
Durant leurs conquêtes, les Arabes étaient accueillis comme des libérateurs par les vieilles populations du monde sémitique de Syrie et de Mésopotamie et par les Egyptiens, car ces peuples, outre la parenté ethnique et linguistique qui liait certains d'entre eux aux Arabes, étaient soumis depuis longtemps à Rome puis à Byzance à l'ouest et à l'Empire perse sassanide à l'est, mais comme ils étaient en état de révolte permanente contre les administrations de Constantinople et de Ctésiphon, et comme toujours en Orient la révolte était à coloration religieuse et à fond social, la conquête musulmane a été si rapide qu'il n'y a pas eu hiatus, coupure, mais bien continuation de l'état préexistant dans tous les domaines, à l'instar des institutions, rouages et personnel administratifs, procédures, bureaux, impôts et, enfin, monnaies.
Donc, il n'y a pas eu de désorganisation au point que les populations soumises fournirent tout naturellement les cadres de l'administration et l'outillage mental de peuples cultivés et que les nouveaux convertis chrétiens, juifs ou perses ont joué un rôle décisif dans l'élaboration de cette civilisation syncrétique qu'est la civilisation «musulmane» parce que même dans la codification de la grammaire arabe et même dans l'établissement du texte définitif du Coran, selon la version rédigée du calife Othmane, les non-Arabes avaient le droit d'intervenir car ils étaient des fils des vieux peuples de l'Orient rompus aux techniques intellectuelles et pourquoi l'Orient musulman, c'est-à-dire les anciens territoires sassanides (Mésopotamie et Iran) et byzantins (Syrie et Egypte), se comportaient ainsi comme le creuset d'une civilisation de synthèse qui s'étendra ensuite sur l'ensemble du domaine de l'Islam, qui allait du côté oriental vers l'Asie centrale et du côté occidental vers l'Ifriqiya (Tunisie et Est algérien), le Maghrib Al Aqsa (Extrême Occident), la Berbérie, l'Espagne et la Sicile.
Au vrai, la conquête musulmane, qu'on peut qualifier de civilisation universelle, a sauvé l'Occident de sa nuit barbare, car c'est grâce à la conquête musulmane que l'Occident a repris contact avec les civilisations orientales et, à travers elles, avec les grands mouvements mondiaux de commerce et de culture. Alors que les grandes invasions barbares des IVe et Ve siècles avaient entraîné la régression économique de l'Occident mérovingien puis carolingien, la création du nouvel empire islamique entraîna, pour ce même Occident, un étonnant développement et a permis à la relance de sa propre civilisation, pourquoi aujourd'hui l'Islam doit être considéré par les Occidentaux comme un creuset où se sont fondus Arabes, Chrétiens, Juifs et Perses et non comme une menace sur les identités occidentales.
Comme les musulmans contemporains sont impuissants par cause de leur maladie communautaire héritée suite à une longue colonisation occidentale et une ignorance au point de mélanger entre les préceptes de la religion musulmane et les pratiques de la tradition antéislamiques ; et puisque en Occident, il existe une haine patriotique grandissante loin de la vérité historique d'une fraternité religieuse, l'Islam en Europe est attaqué en permanence, au point même que son saint livre sacré, le Coran, est souvent traité comme source du terrorisme car certains Occidentaux font tout dire à ses textes, tout en ne sélectionnant que les extraits servant à leurs thèses tout en les sortant de son contexte historique, au point de faire semblant d'ignorer l'orientation générale du Coran qui préconise qu'il n'y a nulle contrainte en religion et cela même si en réalité ils savent que comme dans toute nation, les terroristes ne constituent qu'une très infime minorité, c'est pourquoi c'est avec le monde musulman que l'Occident doit les combattre et non pas contre lui puisque la «guerre sainte» existe dans «le Coran».
Elle désigne avant tout le combat intérieur du croyant pour atteindre la perfection individuelle et si la lutte armée, pour défendre la foi et la terre, est bien prévue par le Coran, elle se fait appeler «djihad mineur» par le Prophète Mohamed (QSSSL) car le «djihad» est avant tout pour le croyant musulman la volonté de lutter contre le mal et pour la victoire du bien, comme il est dit dans le Coran au Verset 8 de la Sourate 60 : «Ne combattez pas ceux qui ne vous ont pas fait de mal.» C'est pourquoi il ne faut jamais douter mais toujours garder la raison, car c'est avec la force de nos esprits que nous pouvons réaliser l'impossible et c'est avec la science, le savoir, alliés à la foi ouverte au service de l'humanité, que nous pouvons faire croiser le destin de tous les peuples même si aujourd'hui, chacun de nous, en Occident comme en Orient, tend à prendre le chemin inverse afin de l'éviter, comme pour des raisons de haine patriotique, on a choisi le moyen le plus facile afin de faire voler en éclats des décennies d'un travail acharné pour aboutir à un rapprochement dans le cadre de la fraternité religieuse monothéiste.
M. A. : Ancien élève de l'Ecole
des sciences philologiques de la Sorbonne


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