Ahmed Ben Bella venait des Etats-Unis. Il était à New York d'abord pour la cérémonie d'admission de l'Algérie au sein de l'ONU. Et à Washington ensuite, où il s'était entretenu avec le président américain de l'époque, John F. Kennedy. Les Cubains, nous assure-t-on, n'ont pas oublié le discours qu'il prononcera à La Havane et qui scellera la relation entre les deux pays. Ou plutôt la consolidera, car elle était déjà vieille de quelques années. Depuis 1959, juste après que Cuba fut débarrassée de la dictature de Batista. A cette date, apprend-on, Cuba entendait soutenir la lutte de libération des Algériens. Et ils le feront sans attendre, avec une première mission auprès du GPRA (Gouvernement provisoire de la République algérienne). Une aide militaire, des armes, sera alors accordée. Puis médicale. C'est ce geste que l'Algérie refusait d'oublier. La suite, dira t-on, sera logistique. C'est Dario Urra Torriente, qui nous la racontera. Cet ancien combattant fut parmi les premiers Cubains à venir en Algérie. Juste après l'établissement des relations diplomatiques. C'était au mois de décembre 1962. Il se souvient encore de certains quartiers d'Alger, et de la ferveur des Algériens. Et aussi de l'agression marocaine de 1963, cette guerre des sables qui a fortement marqué les Cubains qui avaient alors décidé d'apporter une aide militaire à l'Algérie. 700 soldats cubains avec des blindés et des armes anti-char, prendront le chemin de l'Algérie. L'internationalisme cubain était né. Cette brigade arrivera le 21 octobre 1963 au port d'Oran. Un deuxième groupe, puis un troisième la rejoindront par la voie des airs. Aucun d'entre eux ne participera aux combats, le cessez-le-feu ayant été décrêté entre-temps. Néanmoins, la brigade combattante cubaine demeurera pendant six mois dans la région du Sud-Ouest algérien. L'Algérie recevra aussi la visite d' Ernesto Che Guevara, en fait plusieurs visites, puisque le célèbre combattant effectuait des déplacements depuis Alger vers Genève où il prendra part à la première Cnuced (Conférence des Nations unies pour le commerce et le développement). Et en Afrique, où il conduira l'aide cubaine aux mouvements de libération africains, participant même lui et ses soldats, à des combats. L'internationalisme cubain n'a pas que des formes militaires. C'est encore une fois en Algérie que se sont déplacés les premiers médecins volontaires cubains. Nous avons rencontré l'un d'eux. Le Dr Pablo Resik Habib, conserve une bonne mémoire malgré ses quatre-vingts ans. Lui était médecin depuis 1957. Il avait refusé de quitter son pays en 1959 alors que 3000 autres l'avaient fait sans le moindre remords pour se réfugier aux Etats-Unis. Lui et d'autres encore, arriveront en Algérie en 1963. Ils seront aussitôt affectés dans différentes localités, comme Blida, Constantine, ou Sidi Bel Abbès. «Qui les payait ?» lui a-t-on demandé ? L'Algérie assurait l'hébergement, tandis que Cuba leur octroyait un petit pécule. De l'argent de poche. Ce qui n'a pas altéré outre mesure leur volonté. La preuve dira-t-il, les quelques membres de cette brigade encore en vie, se rencontrent quand ils peuvent pour égréner leurs souvenirs. De bons souvenirs, assure-t-on. Ils ont quitté l'Algérie en larmes. Ils étaient persuadés qu'ils avaient reçu plus qu'ils que ce qu'ils avaient donné. Qu'en est-il alors de l'internationalisme cubain que l'on retrouvera sous sa forme militaire dans la Corne de l'Afrique, et en Angola ? Il n'est pas terminé. Il prend tout juste d'autres formes, politiques celles-là, nous assure Dario Urra Torriente, habitué aux coups de feu, et qui n'a pas oublié ces fameux bidons d'huile d'olive à destination de l'Amérique latine, avec un double fond rempli d'armes. Mais pour lui, c'est la fin du romantisme. Il est temps, ajoutera-t-il, de garder les pieds sur terre.