Ils sont venus des quatre coins de la Kabylie et d'autres régions du pays pour braver l'interdit. L'interdiction de manifester, de s'exprimer. La marche à laquelle a appelé le comité pour la libération du blogueur Merzoug Touati, qui coïncide avec la célébration la Journée mondiale des droits de l'homme, a drainé près d'un millier et demi de marcheurs. Pour les manifestants, pas question de céder la rue à la peur et de s'incliner devant les tentatives d'intimidation de l'administration. C'est sur l'air d'une chanson engagée de Ali Ideflawen, intitulée La Prison de Berrouaghia, que la procession s'est ébranlée de l'esplanade de la maison de la culture Taos Amrouche de Béjaïa vers la place de la Liberté d'expression Saïd Mekbel. Cette fois, la marche n'a pas été empêchée, contrairement à celle du 20 novembre dernier qui a été violemment réprimée par la police. Sur l'itinéraire de la manifestation, pas l'ombre d'un uniforme bleu en dehors des agents de la circulation. Les agents en civil se sont faits discrets. Le sens de l'organisation impeccable dont a fait preuve le comité a démontré le niveau de conscience et de civisme chez les citoyens, capables de se mobiliser pacifiquement. La maman du détenu d'opinion, encadrée par deux militants, avance la tête levée au-devant de la procession. Elle a déclaré plus tard, en s'adressant à la foule rassemblée autour de la stèle de Saïd Mekbel : «Si vous êtes tous là, cela veut dire que mon fils n'a rien fait de mal.» Et de remercier les manifestants de «l'avoir aidée et soutenue». Lors de la manifestation, des centaines de jeunes militants ont brandi des pancartes sur lesquelles on pouvait lire : «Liberté pour Merzoug Touati», «Le silence tue», «Libérez la liberté» ou encore «Liberté d'expression, basta la répression». Devant le siège de la wilaya, les marcheurs ont crié à tue-tête le fameux slogan hostile au régime : «Pouvoir assassin». Tout le long de l'itinéraire, les marcheurs ont repris des chansons engagées, à l'exemple de ce titre du chanteur Oulahlou Idjadarmiyen (les gendarmes), qui évoque les événements du Printemps noir, ou encore Gtiyi abrid (laissez-moi passer) de Ali Ideflawen. Dans la foule, des syndicalistes, des représentants d'ONG et des défenseurs des droits de l'homme, des parlementaires, des élus locaux, des représentants de partis politiques et autres comités citoyens et mouvement associatif ont tous marché pour un seul mot d'ordre : «La libération du blogueur Merzoug Touati, injustement condamné à 7 ans de prison ferme et la libération de tous les autres détenus d'opinion, victimes de l'injustice.» Les acteurs de la société qui se sont exprimés au mégaphone ont réitéré leur détermination à maintenir la pression ainsi que cette mobilisation pacifique jusqu'à la libération du détenu. Pour rappel, Merzoug Touati a été condamné à 7 ans de prison ferme et croupit depuis 23 mois à la prison de Blida où il a été transféré récemment. Ses avocats ont introduit un recours auprès de la Cour suprême dans le but d'obtenir l'examen du dossier du prisonnier afin qu'il puisse bénéficier de l'annulation du jugement et retrouver la liberté.