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La ville des uns… : Un imaginaire de la ville
Débat
Publié dans El Watan le 15 - 07 - 2009

S'il ne se résolvait qu'en une question d'urbanisme et d'architecture, pour lancinante et angoissante qu'elle puisse être, le problème de Constantine serait aujourd'hui et demain une affaire d'experts et de techniciens.
En vérité, au-delà de tous les discours de spécialistes qui la décrivent et qui en projettent les possibles configurations, Constantine ne peut survivre que dans l'imaginaire qu'en nourrissent ses populations, aussi nombreuses que diverses. C'est sans doute cet aspect éminemment culturel qui échappe encore aux riches interventions et débats institutionnels de ces derniers mois. Constantine, comme les grandes villes du bassin méditerranéen qui ont forgé le parcours de l'humanité, ne peut être que dans ses franchises et nulle part ailleurs. Ni dans les utopiques gratte-ciel du Bardo, ni dans les hideuses constructions de Ali Mendjeli. Je voudrais dire en quoi ce retour vers les ancrages culturels fondamentaux de la cité permet de mesurer à la fois les audaces des concepteurs et leurs ambitions –jamais explicitement assertées – de rupture. Plus précisément de rupture d'avec une histoire urbaine de la ville - décevante à force de rendez-vous ratés - qui n'est, depuis bien longtemps, ni consignée ni enseignée à ses nouveaux habitants. Constantine, érodée depuis l'Indépendance, perd sa médina et ses vieilles pierres patinées et leur message, autrefois auréolé de gloire, s'habille de silence.
Le projet présidentiel de modernisation de Constantine sur le site du Bardo, pour audacieux qu'il soit, se condamnerait à n'être qu'un regrettable artefact, adossé à la médina toute proche, marquée de stigmates. Cela fait plusieurs années que l'on évoque dans les bureaux de la haute administration l'urgence d'une réhabilitation de la cité millénaire et des plans ont été proposés – sans suite - par différentes commissions. Et tout engage à penser qu'elle sera, à l'exemple probant de la Souika, livrée par pans entiers aux démolisseurs et aux vautours qui leur font un délirant cortège. Le centre de la conurbation constantinoise future, qui correspondra le mieux aux mirages de l'économie de marché et du libéralisme et à leurs « projets structurants », émergera du néant comme un espace sans attaches, sans mémoire. Suscitera-t-il de nouvelles générations mutantes et post-modernes, voire même « geek » ? Il écrasera certainement les ombres obliques du Vieux Rocher vérolé et saupoudré de fantômes. Et surtout, soulignera à l'envi la fragilité de ses héritages culturels désormais injuriés.
La médina constantinoise – cité décadente - n'en finit pas de descendre à l'étiage de toutes les infamies. Jusqu'à quel point les édiles qui prétendent parler pour elle l'ont méritée ? Du fait même de leur inanité, elle court à la ruine, dans son attelage sépulcral. Nue et délabrée, ne se prévalant que d'un bilan de faillite, elle semble donner raison à tous ceux qui commercent au Bardo une douteuse rupture urbanistique. Les Constantinois ont d'émouvants et vrais désirs d'avenir, pour eux et pour leur ville. Est-ce faire le pari de l'archaïsme, que d'appeler à continuer, loin des lubies futuristes, nos rêves d'une cité humaine, remembrant son passé pour rendre intelligible son présent ? Et qui saura encore parler à nos espérances.
L'auteur est Professeur habilité de littératures francophones et comparées, Université Mentouri Constantine.


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