Brrr ! Un petit mot qui en dit long sur les températures qui se sont installées confortablement ces derniers jours dans le pays. L'autre petit mot de ces derniers jours : aïe ! Celui prononcé par le porte-monnaie. C'est que devant un tel froid, il faut se prémunir. Radiateur, écharpe, bonnet, lampe halogène... Cela, pour l'environnement extérieur. Quant à maintenir par tous les moyens la température corporelle à 37,5°C, les lentilles, la « loubia » et... la harissa sont, semble-t-il, les meilleurs ustensiles. Un petit tour dans les magasins de la capitale en raconte long... Pour un environnement extérieur moins agressif Le froid mord les oreilles, gèle les doigts des pieds, transforme la morve en stalactite et la respiration en vapeur d'eau. Et voici que tous les programmes se bousculent. Le brushing, ce sera pour une autre fois ; entre le vent et la neige, tous les efforts du monde n'y paraîtront pas. L'élégance et la tenue correcte exigée sur les lieux de travail seront pour un autre jour. Ce qui compte, c'est d'avoir chaud. On se barricade d'écharpe et de cache-nez qui peut servir à l'occasion de mouchoir. Le bonnet camoufle tant les épis sur la tête qu'il camisole du froid. Les talons, on les laisse au placard et les messieurs ont une bonne excuse pour ne pas se raser la barbe : elle tient chaud. Les petits vendeurs à la sauvette ont déjà tout compris. Installés non loin des arrêts de bus et des gares, ils proposent à des prix défiant toute concurrence une panoplie d'accessoires. Le porte-monnaie en prend un coup juste après la fête de l'Aïd avec le mouton à 30 000 DA. Et elle ne pouvait pas arriver plus tôt cette fête. Le contrecoup sur le budget aurait été moins rude et la peau de mouton (qu'elle doit être chaude !) aurait au moins eu le temps de sécher. Pour se protéger du froid : le bonnet à 100 DA, les gants entre 50 et 150 DA, le châle à 350 DA. Système D oblige. Il faut répondre à l'urgence. Pour certains, c'est l'occasion de se refaire une garde-robe. Un manteau par exemple... à partir de 5000 DA. Des bottes au-delà de 1000 DA. Les plus rusés achètent à la friperie pour trois fois moins. Et s'autorisent même, du coup, quelques pulls en plus. C'est quoi déjà le textile le plus chaud ? Coton, moere, cachemire... ? L'acrylique, à éviter. Il conserve le froid. Une fois protégé contre ce monde extérieur insipide et glacial, quelle douceur que de rentrer chez soi. Sauf que chez soi, ce n'est pas toujours ça. A part la « tabona » qui faisait l'affaire les années précédentes (pour sûr, les températures ne descendaient pas au-dessous de 10°C), aujourd'hui c'est un radiateur qu'il faut. D'ailleurs, les gosses ont le nez qui coule à la maison. 19 000 DA, le fameux radiateur à gaz. De quoi souhaiter que les prochains hivers soient encore plus rigoureux. Juste histoire d'amortir. Les résistances électriques coûtent entre 900 et 1600 DA, les radiateurs électriques font 7500 DA. Ceux-là sont abordables. C'est la facture d'électricité qui le sera moins. De deux choses l'une, soit on casque tout de suite, soit dans trois mois. Autre ingéniosité, les lampes halogènes rechargeables, pour faire face aux coupures de courant. Elles coûtent entre 1700 DA et 2000 DA. Mais si le porte-monnaie a trop mal, il reste encore les vieilles recettes de grand-mère. Pour avoir chaud, il faut commencer par remplir son ventre de tous ces bons plats qui permettent d'affronter ce climat. Les gens ont compris leur affaire, ils se sont jetés sur les haricots blancs, les lentilles et les pois cassés. La « chorba loubia », disputée par chaque région du pays comme étant sa spécialité, fait des heureux. Il faut du rouge dans l'assiette. Le rouge, ça tient chaud. Que la sauce soit agrémentée de « dersa » ou qu'on y ajoute une cuillerée (ou une louche) de harissa, l'essentiel est de faire monter la température. Rush sur les légumes secs, les tisanes et la harissa D'ailleurs, les prix des légumes secs sont encore abordables : entre 35 et 60 DA. A cela se sont ajoutées les plantes que vendent certains dans les marchés. Une bonne tisane au thym pour élever la température du corps et l'affaire est dans le sac. Juste avant de se coucher, pour remplacer le radiateur que l'on n'a pas pu se payer. A tout ceux qui n'ont pas cédé à la pression du temps calamiteux et glacial, aux bourrasques de madame qui n'arrive plus à touiller la marmite tellement ses doigts ont froid et à l'insistance des enfants qui quémandent leur droit à traîner à la maison en tee-shirt : la météo annonce dès mardi un retour à la normale.