L'unique peur, mais de taille, reste celle du soutien indirect du Conseil militaire à une des candidatures dites indépendantes. Sous l'effet d'une chaleur accablante et d'une effervescence politico-électorale, plus du tiers (1,13 million) de la population mauritanienne est appelée à se rendre massivement aux urnes, aujourd'hui 11 mars pour élire, dans la différence et la pluralité, le nouveau président qui occupera le palais présidentiel de la République islamique de Mauritanie en remplacement du colonel Ely Ould Mohammed Vall. Après une série de consultations (communales, parlementaires et sénatoriales) outre un référendum constitutionnel, considérées par l'ensemble des analystes et acteurs comme transparentes, l'élection présidentielle constitue (les 11 et 25 du mois courant) l'ultime phase et le couronnement d'un processus de transition démocratique entamé il y a de cela dix-neuf mois par le Cmjd (Conseil militaire pour la justice et la démocratie) qui a engagé et réussi le 3 août 2005 un coup d'Etat tranquille et sans effusion de sang contre l'ancien régime «totalitaire» de Mouaouiyya Ould Sid Ahmed Tayyae, actuellement en exil avec sa famille au Qatar. A ce scrutin stratégique considéré comme un véritable examen quant à la neutralité de l'institution militaire, une compétitivité assez tolérante et loyale s'est installée parmi un nombre important de candidats (11 indépendants et 08 représentants de partis politiques, toutes tendances confondues). A part les quartiers généraux des prétendants à la magistrature suprême, l'essentiel de toute la campagne électorale d'une quinzaine de jours se tient, de jour comme de nuit, sous des tentes tout le long des trottoirs et espaces libres. Il est à signaler que jusqu'à une heure tardive, la présence et l'engagement féminin sont remarquables. Nouakchott ne dort pratiquement pas! Il est clair, comme il m'a été révélé par un ancien colonel à la retraite, que le travail soutenu par le Conseil militaire et le gouvernement en place a laissé beaucoup d'impact sur le quotidien et l'imaginaire des Mauritaniens. Une quasi-rupture avec les systèmes précédents est facilement constatable aussi bien dans la gestion des affaires publiques que dans la démarche «mesurée» et «structurée» de la transition démocratique. D'aucuns avancent même l'idée que ce qui a été conclu, structurellement et institutionnellement, en moins de deux années, est de loin plus conséquent que ce qui a été réalisé pendant les trois dernières décennies. L'unique peur mais de taille reste celle du soutien indirect du Conseil militaire à une des candidatures dites indépendantes. Il s'agit en l'occurrence de celle de Sidi Mohammed Ould Cheikh Abdallah, un proche, dit-on, par alliance de l'un des colonels les plus influents du Cmjd. Sans majorité absolue au premier tour, il serait «sans aucun doute» l'un des deux candidats à se disputer le second tour. Face à lui, l'on parle d'une figure emblématique de l'opposition en la personne de Ahmed Ould Dadda. Homme de punch et d'Etat, tirant, par ailleurs, sa légitimité de l'image historique ancrée dans la mémoire des Mauritaniens de son frère Mokhtar Ould Dadda, le père fondateur de l'Etat mauritanien après son indépendance en 1961. L'autre figure montante du plus jeune des candidats, l'ancien gouverneur de la Banque centrale et «le candidat des femmes et de la jeunesse» comme on aime le qualifier, Zeine Ould Zeidane pourrait créer la bonne surprise de cette élection décisive. Dynamique et compétent mais ses 41 ans font son tort aux yeux de la première et deuxième générations. Demain sera-t-il un jour nouveau? Les Mauritaniens le pensent et le vivent. C'est leur grand pari.