Ceux qui voulaient faire durer le suspense, pour des raisons commerciales, afin de maintenir intact l'intérêt du public et des médias, ont été roulés dans la farine par Alberto Contador. L'Espagnol avait son propre plan et il l'a mis en pratique quand il l'a voulu et où il l'a voulu. D'abord dimanche, sur les pentes du Verbier, il est parti tout seul, sans que personne puisse le suivre, même pas Lance Armstrong, supposé être l'alter ego de Contador. En 5 560 mètres, le patron du Tour a mis sa main sur la course. Il a gagné l'étape et remis les pendules à l'heure. Comme cela ne suffisait pas encore aux yeux de certains, il en a ajouté une couche avant- hier dans l'étape du Grand- Bornand. Et, en grand d'Espagne qu'il est jusqu'au bout des ongles, il a laissé la victoire aux deux frères Schleck, les seuls à l'avoir accompagné jusqu'au bout. Les seuls, Frank et Andy, les successeurs, peut-être, du fameux Charly Gaul, à pouvoir se prétendre adversaires numéros 1 du maillot jaune. Armstrong lui- même a fini par reconnaître ce qui était au départ impensable pour lui : Contador est le plus fort. Un aveu fait du bout des lèvres, certes, mais un aveu de taille quand même quand on connaît l'ego démesuré de l'Américain. Le Tour est-il déjà joué ? On peut le penser sans risque de beaucoup se tromper, tant la supériorité du maillot jaune est évidente, même aux yeux de ceux qui ne veulent pas voir la réalité en- face. Entre autres, le Belge Johan Bruyneel, le directeur sportif, qui annonce son départ de l'équipe Astana, beaucoup de points communs le liant à Armstrong…Mais un accident de parcours est toujours possible et tant que la ligne d'arrivée n'aura pas été franchie sur la superbe avenue des Champs-Elysées, à Paris, Contador devra veiller au grain…aidé par Lance Armstrong qui a publiquement déclaré : « Je suis son domestique. » Comme s'il voulait avoir encore sa part de gloire dans la chronique d'une victoire annoncée. Décidément, on ne changera jamais celui pour lequel tout le monde éprouve des sentiments contradictoires : amour et répulsion. Le simple quidam a, pour tout ce qui sent le soufre, une passion immodérée. En attendant, il y a encore des étapes à couvrir pour refermer le livre d'une course qui aura été des plus ennuyantes cette année pour cause de tracé d'un parcours fait en dépit de toute raison. La formule même du Tour devrait être repensée si l'on veut que « la plus belle course du monde » garde ce statut prestigieux qui a fait la gloire et la fortune de bien des champions. Et même de ceux qui ne l'étaient pas. A l'image du regretté Abdelkader Zaâf, cet algérien casseur de baraques, encore vivant dans l'esprit de tous ceux qui aiment le Tour, ce bel album d'images qui font rêver.