Pour Mohamed Moulessehoul, alias Yasmina Khadra, c'était la première virée à l'Est du pays ; il dira que la ville du Vieux Rocher l'a toujours fait fantasmer. Et ils étaient là, des femmes surtout, des universitaires, des étudiants, mais encore ses fans, amoureux des belles-lettres. Face à ses lecteurs, enfoncés dans un silence religieux, buvant ses paroles, Yasmina Khadra dira en préambule: «Je préfère raconter moi-même mon parcours que de laisser les autres le faire à ma place et le chahuter.» Et c'est à ce moment qu'il se mit à remonter ses origines pour permettre aux autres, les présents, de saisir, à travers les différentes étapes de son parcours personnel, qu'il a narré avec un petit sourire en coin, ce qui a façonné son univers romanesque, fondé ses convictions littéraires et affermi son engagement intellectuel. La saga de la tribu des Moulessehoul, ces seigneurs des plaines Ouest de l'Algérie, depuis les temps de la chute d'El Andalous, est faite de la bravoure de ses chefs, ses poètes inspirés, éloquents, quant à nourrir l'imaginaire de la communauté. Ponctué par des tirades, des anecdotes et autres finesses et jeux de mots, le discours de l'auteur le ramène enfin au début de son itinéraire d'écrivain. Il avouera à cet instant: «Je porte mon pseudonyme comme un trophée.» En effet, il expliquera que ne pouvant écrire sous son vrai nom, car étant militaire, sa femme, la vraie Yasmina, lui avait dit: «Tu m'as donné ton nom pour la vie, je te donne le mien pour la postérité.» Et c'est à cette époque qu'avait débuté vraiment une carrière prodigieuse, ponctuée à chaque sortie de roman par une reconnaissance allant grandissante, et ses œuvres ont été traduites dans plus de 40 langues, ce dont « aucun auteur algérien ne peut se prévaloir », précisera-t-il. Place alors aux questions des présents, et elles étaient nombreuses et toutes intéressantes, donnant ainsi au débat un aspect fort convivial. L'œuvre, la vie, les émissions télévisées, ses déclarations et l'avis de ses critiques et ses détracteurs ont été passés au peigne fin, ne gênant aucunement Yasmina Khadra qui s'y est prêté avec bonhomie et une grande humilité. En marge de la séance de signature de son dernier roman, «L'Olympe des infortunes», édité par Média-Plus, et à une question d'El Watan sur la possibilité de le voir écrire un roman sur Constantine, cette «ville» qui le fait tant «fantasmer», il dira être disposé, et ravi de le faire, peut-être pas tout de suite, «mais cela viendra».