L'option du report de l'élection présidentielle fait son chemin. Endossée par le parti islamiste, le MSP, qui avait justifié son initiative par la préservation de la stabilité du pays et la nécessité de s'accorder une courte période de transition pour enclencher des réformes profondes devant déboucher sur l'organisation d'un scrutin libre et démocratique, la perche a été saisie au vol par le parti Taj de la majorité présidentielle. Lequel a appelé, pour sa part, à une conférence nationale inclusive avant la présidentielle. Cet activisme autour du report de l'élection présidentielle a, du coup, éclipsé la bruyante campagne en faveur d'un 5e mandat pour Bouteflika portée à bout de bras par les partis de la majorité présidentielle. A bien décoder la sémantique des discours et les repositionnements de ces formations qui passent allègrement d'un genre musical à un autre, sans craindre le ridicule, tout indique que la problématique nouvelle qui s'invite aujourd'hui dans le débat n'est désormais plus tant de savoir si Bouteflika serait partant pour un 5e mandat – l'énigme semble résolue – mais de s'interroger si l'élection présidentielle aura bien lieu dans les délais constitutionnels prévus. Rien n'est sûr si l'on se fie à ce battage politico-médiatique fait autour de la question du report du scrutin. Evoqué du bout des lèvres il y a quelques mois sans convaincre grand monde, le projet ne laisse plus indifférent, même les plus sceptiques. Selon toute apparence, la décision semble bel et bien actée en haut lieu. Et cela suffit pour légitimer l'entorse qui sera faite à la Constitution en ne respectant pas les délais électoraux. Le système qui a tordu le cou plus d'une fois à la Loi fondamentale n'est pas à une coquetterie politique près ! Qui empêchera un autre coup de force institutionnel ? La question qui se pose est plutôt de savoir pourquoi Bouteflika, pour lequel on avait tracé une voie royale pour un 5e mandat, qui n'était qu'une simple formalité électorale s'est-il rétracté dans les derniers cent mètres – ou lui a-t-on imposé de revoir ses prétentions – pour se contenter d'une rallonge de son mandat en cours ? Selon toute évidence, les décideurs sont revenus à de meilleurs sentiments politiques en validant l'incapacité de Bouteflika à assurer un nouveau mandat long de 5 ans après tous les dénis et l'abondante littérature sur le sujet qui ont marqué le mandat en cours. Les dernières images du Président diffusées par la télévision nationale à l'occasion de la commémoration du 1er Novembre ont amené les derniers récalcitrants parmi ses partisans les plus zélés à douter même de ses capacités à assurer le minimum exigé par la loi électorale d'un candidat : lors de son passage devant le Conseil constitutionnel pour le dépôt de candidature. Aussi, pour lui aménager une sortie par le haut afin de lui éviter un départ «précipité» qu'il vivrait très mal pour avoir rêvé d'une présidence à vie, on lui a taillé ce costume sur mesure d'un mini- mandat dit de «transition». En plus de régler un problème d'ego, le report de l'élection présidentielle apparaît comme une solution de compromis, une paix (provisoire) négociée entre les clans du pouvoir engagés dans la course à la succession devant leur échec à s'entendre sur un candidat du consensus. Mais ce n'est que partie remise. L'équation de l'après-Bouteflika demeure inchangée.