Les accrochages se poursuivaient, hier, entre les forces de sécurité irakiennes qui tentaient de prendre le contrôle d'un camp au nord de Baghdad et les Moudjahidine du peuple, des opposants à Téhéran utilisés par Saddam Hussein au début des années 1980. « Les affrontements ont repris au moment où la police irakienne établissait un poste dans le camp Ashraf et hissait le drapeau irakien sur sa nouvelle position », a affirmé le lieutenant-colonel Ibrahim Al Karaoui, de la police de la province de Diyala où est situé le camp. « Nous contrôlons 75% du camp actuellement », a-t-il ajouté, précisant en outre que les négociations entre le général de la police provinciale de Diyala, Abdel Hussein al-Chammari, et les responsables de cette organisation opposée au régime de Téhéran étaient suspendues. Cet ancien camp militaire d'environ 25 km2, situé à 80 km au nord de Baghdad et à 80 km de l'Iran, servait initialement à l'entraînement des jeunes recrues avant d'être alloué par Saddam Hussein aux Moudjahidine pour qu'ils combattent à son côté le régime iranien. L'armée américaine avait remis en mai le contrôle du camp, qui abrite 3500 personnes, aux forces irakiennes parallèlement à son retrait des villes irakiennes. Aucun journaliste n'a été autorisé hier à y entrer. Les informations ainsi que les bilans sont fournis par les protagonistes sans être confirmés de source indépendante. Abdallah Al Tamimi, médecin de l'hôpital de Khalis, une localité située à 25 km du camp, a indiqué que deux policiers étaient morts de leurs blessures dans son établissement. « Le premier est décédé d'une hémorragie cérébrale causée par un coup de bâton sur la tête et l'autre d'un coup de poignard à la gorge qui a tranché l'artère », a-t-il affirmé. Des affrontements à huis clos La police a fait état de 110 blessés parmi les militaires et les policiers et de l'arrestation de 50 résidents du camp. Pour sa part, le porte-parole du camp, Shahriar Kia, a assuré que 7 habitants étaient morts et 385 blessés. Les Moudjahidine multiplient les communiqués aux journaux à travers le monde et diffusent des photos et des vidéos dont la véracité ne peut être attestée. Ils ont organisé une manifestation d'une cinquantaine de personnes à Paris. « C'est notre territoire et nous avons le droit d'y pénétrer pour y imposer la loi irakienne et ils (les Moudjahidine) doivent se soumettre à la souveraineté de notre pays », a affirmé à la télévision le porte-parole du ministère de la Défense, le général Mohammad Askari. Les opposants iraniens ont été désarmés en 2003 par les forces américaines. Les responsables irakiens, dont beaucoup ont vécu en exil notamment en Iran, ont affiché leur désir de se débarrasser de ces opposants qu'ils accusent d'avoir été « les exécuteurs des basses œuvres de Saddam Hussein ». Pour leur part, les Moudjahidine accusent Baghdad d'agir « à la demande du guide suprême Ali Khamenei ». « Certains attaquants parlent persan et des membres de la Force Qods des gardiens de la révolution (CGR) sont impliqués dans la planification et l'exécution de cette attaque », a indiqué hier un communiqué. Le président du Parlement iranien, Ali Larijani, s'est réjoui de la tentative de prise du contrôle du camp. « Bien qu'elle soit tardive, cette action du gouvernement irakien est louable », a-t-il déclaré. Pour leur part, les Etats-Unis ont annoncé qu'ils « surveillaient étroitement la situation pour (s')assurer que les habitants du camp Ashraf sont traités conformément aux engagements écrits de l'Irak de les traiter humainement ». Fondés en 1965 avec pour objectif d'abord de renverser le régime du shah, puis le régime islamiste, les Moudjahidine ont été chassés d'Iran dans les années 1980.