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Hôpital, quelle est ta santé ? (3ème partie et fin)
Publié dans El Watan le 14 - 09 - 2010


L'égarement mandarinal
A vrai dire, ce «décretum discordia» (décret de la discorde) tend à réhabiliter le pouvoir des vieux birbes qui vont bâillonner un peu plus l'esprit critique «des jeunes assistants auxquels ils font subir leur haine de marâtre pour les démoraliser.Le «moi profond» de ces patriarches est asocial et leur évolution démoniaque a altéré la sagesse de l'âge canonique. Ah, si ces chefs daignaient écouter leurs subalternes, ils y découvriraient leurs maîtres et le progrès y trouverait sa voie ! C'est pourquoi d'aucuns reconnaissent que pour maintenir une erreur, rien ne vaut une solide position mandarinale. La force du code moral est ainsi devenue énigmatique et la fantaisie des mandarins a fini par pousser l'éthique à la dérive, sous l'action renforcée de leurs compères, les malandrins. L'âge avancé de ces chefs n'aurait-il pas affaibli leurs capacités intellectuelles ?
L'hôpital voudrait bien lutter contre l'«Alzheimerisation» de ses facultés médicales, mais il est l'otage de la caducité de ses ordonnanciers qui sont atteints de «gâtisme». En effet, le mandarinat confirme, par son pouvoir mythique et irresponsable, l'esprit délétère du patriarcat ainsi que les sautes d'humeur d'une gérontocratie sujette à d'obscurs troubles de la sénescence qui accentuent, par la veulerie de son caractère, le conflit intergénérationnel. Que les jeunes médecins tiennent bon, car l'art de vaincre est dans l'art de subsister. Qu' ils ne tombent pas dans les provocations des décadents lorsqu'ils déploient leur sinistre puissance pour les pousser dans des caves d'aveugles. Qu'ils sachent que la société attend de ces vieillards de faire «amende honorable» pour leur permettre, en tant que relève, de féconder la médecine, rendue stérile par leur égarement mandarinal.
Les vieux artistes du scalpel ébréché appréhendent l'arrivée des jeunes techniciens de la célioscopie qui pourraient leur soustraire une notoriété, et surtout leur prendre ce filon argentifère qu'est devenue la chirurgie. Quand on pense que sous d'autres cieux s'opposer aux progrès (scientifique et technique) est assimilé à un crime contre l'humanité ! Somme toute, lorsque l'hôpital n'arrive pas à questionner le sens de ses projets, il dépérira en abandonnant ses missions dans le jeu des intérêts de commerce de vie ou de mort. Ce décret, désormais «pavé de l'ours», est à l'origine du goulot d'étranglement installé sur les voies de recrutement des malades dans le secteur public. Ce qui a conduit les fourbes à réduire de façon drastique de nombre de lits des services. Cette «litectomie» (fermeture dissimulée de lits) est vue comme une filouterie malthusienne. Bien que le lit de l'hôpital soit un produit des luttes sociales et un droit acquis des citoyens, il est surtout un critère de référence pour la budgétisation de l'hôpital. Ces maux se sont accentués depuis que le discours sur la contractualisation se fait convaincant.
N'est-il pas étonnant qu'à l'hôpital la nuit tombe à midi et que les installations hospitalières ne fonctionnent à plein temps que 3 à 4 heures par jour (le matin lorsque tous les chefs y sont présents) ? L'organisation anarchique des hôpitaux à mission universitaire donne un sentiment de contraste entre l'animation le matin, l'assoupissement l'après-midi et le coma la nuit. En outre, l'utilisation du temps partiel des équipements et des locaux (notamment les appareils de radiologie, de laboratoires, de salles d'opération…) augmente le prix de revient de chaque acte, prolonge la durée d'hospitalisation et expose le malade aux risques d'infections nosocomiales. Quelle bonne conduite serait attendue de professionnels confinés dans un climat empesté par une «novercalia odia» (haine de marâtre) que des patrons portent en bandoulière ? C'est à croire que ces vieux lions voudraient dévorer leur progéniture (les disciples) à qui ils imputent leur décrépitude.
Des ambulances pour fermer l'hôpital
Faut-il continuer à croire en ce concept faisant de l'hôpital un être vivant qui doit interagir avec la cité (dont il est la matrice), sans veiller à sa santé ? Alors qu'il est, par-delà son implication dans la sécurité sanitaire, un important pourvoyeur d'emplois que nos conseillers municipaux ont dû oublier. Le maire (ce «mire» mal élu qui émarge avec l'autre «mire», médecin paysan, sorti du théâtre de Molière, sur le registre des sociopathes) considéré jadis comme le mât de la cité, ne peut plus voir l'hôpital de sa commune qu'en- deçà du portail. Même la présidence du conseil d'administration qui relevait de ses compétences ne lui incombe plus. En effet, depuis que quelques bourgmestres ont porté l'écharpe des soupçons, c'en est fait du corps municipal. Néanmoins, certains élus députés se sont mis à doter les hôpitaux (de leurs circonscriptions électorales) d'ambulances.
Si l'intention est bonne, qu'ils sachent que cette option n'est qu'un placébo aux effets nocifs. Car il s'agit de fourgons dotés de civières et de sirènes, chargés d'assurer aux malades un trajet plutôt aléatoire. Voir le nombre exponentiel des transferts de malades vers les grands hôpitaux (qui peinent de la fugue de leurs praticiens attirés par le lucre). Ces évacuations sont assurées par ce qu'il convient d'appeler «l'ambulance du député», du fait que l'élu de la cité croit que le secours aux malades, à défaut de médecin (au niveau de l'hôpital local), nécessite une évacuation. Le service de santé semble être ainsi instrumentalisé par le politique qui voudrait déprofessionnaliser les lieux pour transporter ailleurs le drame social.
Cet élu doit savoir que l'ambulance ne fait qu'empirer les maux de la cité et qu'il sache également que la solution salvatrice, pour ses mandats (malades), passe inéluctablement par le pourvoi de son secteur en médecins spécialistes et autres personnels qualifiés, ainsi qu'en équipements performants et s'impliquer avec sincérité dans une politique de santé publique ayant pour objectifs la prévention, la restauration et la promotion de la santé de ses concitoyens. Autant attirer l'attention de cette personnalité publique que l'ambulance n'est plus cette voiture de circonstance affectée à l'évacuation des patients, mais un véhicule spécialement conçu et catalogué selon des catégories dûment définies et arrêtées par les instances compétentes pour assurer la prise en charge et la continuité des soins durant le transport du malade.
Ces ambulances sont aussi classées par rapport à la nature de leurs missions (transport de malade, de blessé ou de parturiente), de leur aménagement (climatisation, nettoyage hygiénique du véhicule…), de leurs équipements médicaux (gaz, autres instruments et dispositifs médicaux) et aux moyens de communication dont elles sont dotées ainsi que de la formation et de la qualification du personnel travaillant à leur bord. L'ambulance est en réalité une unité médicale mobile de réanimation et une cellule hospitalière très active, et bien qu'elle soit médicalement sécurisée et techniquement équipée, il n'en demeure pas moins nécessaire le pourvoi de l 'hôpital local en personnels compétents et en équipements efficients.
L'authentique ambulance ne trouve, en fait, son utilité que dans une hiérarchisation des structures de soins soumises au contrôle d'une agence régionale d'hospitalisation bien structurée et ayant pour rôle principal l'information, l'animation et le contrôle. D'ailleurs, dans le cadre de l'investissement utile et de l'obligation de résultat, l'hôpital dit rural risque un jour la fermeture pour manque d'entrain. Car l'inactivité dans certains services déforme le peu de personnel existant qui devient incompétent. Il faut, par conséquent, fermer ces services, devenus par leur léthargie dangereux pour la valorisation des ressources humaines et les redéployer sur les unités où le volume de travail nécessite un renforcement d'effectif.
N'est-il donc pas temps d'attirer sur l'établissement de santé l'attention de l'opinion publique qui doit se rendre compte de l'importance et de l'acuité des problèmes posés dans le secteur d'hospitalisation afin d'en faire un ardent défenseur ? Aujourd'hui, les élus pensent pouvoir secouer le «domus médicalis» à coups d'ambulances et faire dans «l' aurea mediocritas» par précaution, particulièrement ceux qui voudraient répondre aux interpellations de leurs mandants lesquels voient que leur structure de santé anémiée souffre de déréliction originelle et encourt l'arrêt définitif, du fait même de la gouvernance sanitaire qui serait tenue en échec à défaut d'un rendement rationnel.
Place de floriculture à l'hôpital Eu égard au thème retenu par l'OMS pour la Journée mondiale de la santé 2010, intitulé
«Santé et Urbanisme», il est normal qu'une scannographie des hôpitaux soit prise et traitée dans un schéma de cohérence spatiale où l' établissement public de soins devrait avoir une position de choix dans «l'éco-cité».
A l'instar de la cité, l'hôpital est concerné par l'urbanistique, en tant qu'étude du développement, puisqu'il subit également la désocialisation de la culture qui génère l'incivilité. Celle-ci s'exprime sous forme d'agressivité compensatrice au niveau des UMC (Urgences médico-chirurgicales) où le personnel hospitalier n'échappe pas aux aléas des mutations sociales et des «logiques spécieuses» les ayant provoquées et qui sont sources de violence.
Hélas, sous le drame de l'incompétence généralisée, la surface des espaces verts dans nos villes, rapportée à leur démographie, ne dépasse point l'empreinte d'une patte de chevreau (matyet ejdhi). L'hôtel Dieu (hôpital cette «Bit Rahma»), tout comme l'Hôtel de Ville, occupait une belle place dans l'architecture de la ville, où il se posait en merveilleux repère, a succombé au déclin du civisme. Les paysagistes voient, avec une obscure passivité, la mort de l'horticulture en général et de la floriculture en particulier. L'art de l'aménagement des «green spaces» est bêtement tombé en désuétude, cédant le site aux facteurs de tension dramatique, stress, angoisse, inquiétude, appréhension, frayeur…, suicide. Plusieurs études rapportent que regarder des jardins fleuris permet, dans un délai très réduit, d'apaiser le stress de façon significative. Admirer la nature, pendant de longues périodes, contribue au soulagement des patients, à l'amélioration des résultats cliniques (abaissement de la tension artérielle et musculaire, modération de l'activité cardiaque et de l'activité électrique du cerveau) et à positiver les humeurs.
Au moment où d'éminents gestionnaires aux Etats-Unis constatent les capacités à améliorer les résultats médicaux et à promouvoir les résultats économiques par le recours aux jardins, le rôle de 1'horticulture ne semble nullement retenir l'attention de nos administrateurs ni celle de nos médecins. Nos hôpitaux implantés dans d'idylliques paysages ne fleurent plus. Ils ne sont plus à même de fournir l'air salubre ni offrir ce cadre radieux qui inspirait tant de schémas sédatifs. Les espaces verts, envahis par des ordures et des vespasiennes aux odeurs nauséabondes n'incitent plus aux promenades tonifiantes d'antan. Les aires agrémentées, les charmilles ombragées, les bosquets touffus, les haies luxuriantes taillées en figures géométriques qui servaient d'antidote contre la lassitude et la douleur sont abandonnées à la crise urbaine dont les conséquences incommodantes sont ressenties de la manière la plus désagréable au sanatorium (cet établissement au bel-air), où le souci de l'esthétique est transi par le mépris du naturel. Pourtant, l'homme et la nature ont un destin commun !
La recherche scientifique, un néon pour le néant
Le contribuable cherche à connaître la véritable inscription sociale de la science comme recommandée par l'Unesco afin de combattre l'usage douteux de son argent. La recherche scientifique à l'hôpital constitue un des moyens essentiels d'enrichir la médecine et de contribuer à son progrès dans l'intérêt de l'humanité dit-on ! Elle constitue un support stratégique de la gouvernance sanitaire et le développement des missions hospitalières. Il a été démontré que les cellules de recherches intégrées dans un service hospitalier peuvent, même avec des moyens relativement modestes, obtenir des résultats substantiels, voire brillants, et il est aussi à constater qu'avec d'importantes subventions on n'y trouve que dalle.
Point n'est besoin d'aller chercher la boîte noire de l'hosteau ayant fait naufrage dans le delta du mécompte pour s'apercevoir que, sans une culture de brevet, la découverte scientifique serait un plagiat et affaire de contrefaçon. Il faut avoir à l'esprit le classement de l'université algérienne dans le palmarès du PNUD et le taux du BIP qui lui est accordé pour asseoir la culture de recherche scientifique. Le plus grand préjudice porté à celle-ci dans ce pays semble être causé par la nomination des gestionnaires de ce secteur par décret. Claude Bernard se serait vu évincé par ce procédé ! La recherche demeure une distraction de présomptueux, tant qu'elle reste sous l'orme du politique qui l'administre par décret. C'est d'ailleurs ce qui a provoqué l'exode des cerveaux vers des horizons où les compétences sont mieux respectées. Ces chercheurs ont compris que c'est la matière grise qui circule dans le corps de cette nation et que c'est la moelle épinière qui agite son cerveau.
Pro domo sous le couvert de la réforme
Par cette réflexion, l'auteur voudrait mettre en évidence le plâtrage du système et mesurer l'entropie d'un régime périmé dont l'impotence est entretenue par des chienlits désastreuses. Sa seule ambition est l'inéluctable appel du devoir et ce récit n'est que l'expression d'une nostalgie d'un passé chargé de bonnes œuvres. Son désir est d'appeler l'esprit patriotique à ce devoir de mémoire, de lutter contre l' anomie sociale et contre l'abolition de la conscience révolutionnaire. Cette révolution qui, dans sa proclamation, avait fait de la protection de la santé un de ses traits spécifiques. Tout comme les anciens qui ont fait connaître, avec insistance, leur passion pour la profession et le bien public, c'est l'empathie de toujours qui le pousse à se faire l'avocat de l'hôpital dans un plaidoyer «pro domo», puisque son statut de citoyen, aux reliefs patriotiques, ne lui permet pas d'aller se faire soigner à l'étranger (lui qui pense pareillement à ce chef d'Etat africain qui avait déclaré que l'on ne peut aimer son pays et manquer de respect à sa patrie) et laisser cette vanité aux «dix-neuf marsistes» et autres patriotards ayant rejoint le FLN en 1962 pour parasiter l' œuvre de feu Ben M'hidi et coparticipants qui a séduit le monde entier. Il cherche aussi à s'assurer une honorable sortie de scène et tirer décemment sa révérence.
Car, que peut faire un vieil employé de l'hôpital, qui a longtemps traîné une paire de chromosomes acquise lors de sa formation (dispensée par l'OMS dans les années 1970) qui l'incite à réagir pour continuer à servir et demeurer le militant impénitent de la santé publique ? Il ne veut pas se laisser emporter par le naufrage de la caducité, sans un épilogue digne d'un ex-AMSP. Lui, dont la carrière arrive à son terme, a en permanence apporté à l'administration sanitaire l'aide qu'il lui devait et ose se flatter de prétendre que son attitude n'a, jusqu'à présent, jamais été prise en défaut. Il voudrait dire sa fidélité à la pensée de ceux qui l'ont précédé, à qui il croit devoir un tribut de reconnaissance.
En définitive, il importe à tous les patriotes que la chose publique soit en sûreté. Sans vouloir spéculer sur les maux des hôpitaux déjà diagnostiqués par les commissions compétentes ayant moult fois conclu à une situation préoccupante, les adeptes de la santé publique pensent que cette démarche s'apparie avec le sentiment dominant qui impute à l'organisation sanitaire la péremption de son mode de gestion et l'indélicatesse de la plupart de ses gestionnaires. Le constat de ces enquêtes constitue, en lui-même, un corps de preuves qui vient, à point nommé, corroborer l'inquiétude de la cité qui se bat avec cette délicate et essentielle question du diagnostic de corruption (en tant que pourrissement dont l'indice de perception ne semble officiellement pas bien connu).
Celle-ci mine la dynamique citoyenne qui ne lui trouve ni anticorps, ni antidote. A juste titre, l'émotion soulevée et l'impulsion produite par le travail de ces équipes incitent à surmonter le siège du silence où la vérité (comme disait J.P Sartre, cet honorable ami de l'Algérie combattante) a décidé de se tenir et percer le rempart de sa condition pour affirmer son efficacité. Les anciens savaient que la responsabilité s'endosse comme une haine que la tutelle serre à coups de discipline. Ils rappellent, pour inviter à la prudence et au respect que les dieux, selon la mythologie grecque, se vengent généralement des révoltés : ils enchaînent Prométhée et punissent Sisyphe qui a su éloigner Thanatos de sa funeste entreprise.
A Dieu ne plaise que l'auteur, à la fin de son service, veuille décevoir son ministère ; d'autant plus qu'il est administré par un homme dont l'esprit de commisération envers les faibles et son périple à la tête des mouvements associatifs ne sont plus à démontrer. Et comme la mission primordiale de toute association d'intérêt général est de faire sortir le service public de l'expectative, l'actuel ordonnateur principal de la santé (qui fut, faut-il le rappeler un grand acteur de la vie sociale) est le personnage qui convient le mieux, en ce moment, pour soigner l'institution sanitaire. A présent, la vie est si médicalisée qu'il faudrait bien veiller à la santé de l'hôpital dont certains en font un être biologique au point de considérer sa mauvaise gestion comme un délit majeur.
Aussi, pour bien compléter ce plaidoyer, qui se veut un sursaut en vue d'une bonne gouvemance hospitalière, il n'y a pas mieux que de paraphraser Monsieur W. Churchill et déclarer : «La santé des hôpitaux est un capital trop précieux pour qu'elle soit laissée aux seules mains des médecins». Le bien-être du citoyen ne peut être l'apanage du corps médical, mais une prérogative qui incombe à la communauté nationale. Puis, nul ne doit faire l'ignorant lorsqu'il a connu le fond de l'argumentation, et comme disait Goethe : «… rien de plus effrayant que l'ignorance agissante.» Ce grand homme qui, mourant, criait : « mehr ligth, mehr ligth » (plus de lumière, plus de lumière … !) cette lumière devant permettre aux éclairés de lutter contre les ténébrionidés qui s'accordent le droit de cité à l'hôpital. Tout comme il incombe aux sages de ce beau pays d'éclairer le peuple afin de maintenir son éveil et d'assurer «l' illustrare veritam» (mettre la vérité au grand jour) pour le triomphe de l'intérêt général, le bonheur de la nation et la gloire de l'humanité.


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