Annoncée hier depuis Tanger par le ministre espagnol des Affaires étrangères, Miguel Angel Moratinos, la tenue de la première rencontre informelle entre le Maroc et le Front Polisario, sur la question du Sahara occidental pour le 9 de ce mois en Autriche, n'est pas forcément de bon augure. Intervenant au lendemain du discours marquant le 10e anniversaire de son accession au trône, dans lequel il a insisté sur son attachement » au plan d'autonomie, le roi a piégé la future rencontre. A quoi bon, en effet, se perdre dans des discussions formelles ou informelles quand un protagoniste s'accroche mordicus à sa proposition et refuse tout débat qui n'intégrerait pas son projet d'autonomie ? C'est là la quintessence de la réaction du Front Polisario, qui ne comprend pas pourquoi le Maroc s'entête à court-circuiter tout effort des Nations unies pour trouver une solution mutuellement acceptable. Le discours du roi a donc logiquement suscité les critiques acerbes du Front Polisario, qui l'accuse de « saper les efforts de l'ONU » pour régler le conflit du Sahara occidental. Cette ambiance constitue un avant-goût de ce que seront les conclusions du rendez-vous de Vienne. « Le Maroc sape les efforts déployés par le secrétaire général de l'ONU et son envoyé personnel, Christopher Ross, et ferme la porte à toute solution du conflit qui l'oppose au peuple sahraoui », a affirmé à l'APS Abdelkader Taleb Omar, un responsable du front Polisario. Pour ce responsable, le discours du roi du Maroc « portait en lui les germes de la déstabilisation de la région » et « entravait les efforts visant à construire le Maghreb ». Toujours dans son discours de jeudi, Mohammed VI a réitéré l'« attachement (du Maroc) à l'initiative d'autonomie » proposée pour le Sahara occidental. Or, comme le souligne à juste titre Abdelkader Taleb Omar, ce discours s'inscrit « en porte-à-faux » avec les résolutions du Conseil de sécurité de l'ONU qui « appellent à engager des négociations directes « de bonne foi et sans conditions préalables ». En remettant sur la table « son préalable » inacceptable pour le Polisario mais surtout contraire aux résolutions de l'ONU, à la légalité internationale et même aux objectifs de Christopher Ross qui a plaidé une solution qui satisfait les deux parties, Mohammed VI ôte toute crédibilité à la réunion de Vienne. Il est en effet impossible d'imaginer que les délégués sahraouis, si jaloux de l'indépendance de leur pays, puissent palabrer uniquement sur la « meilleure autonomie » possible, comme le suggère la partie marocaine. Mais il est clair que le royaume tente de gagner du temps à travers ses louvoiements pour pérenniser le statu quo dont il tire grandement profit. « Dialoguer autour d'un monologue… » Et au-delà de l'accueil indigné du Polisario à la thèse annexionniste du roi, c'est l'optimisme de l'émissaire de l'ONU, Christopher Ross, qui en prend un sérieux coup. Ce dernier s'était déclaré, lors de sa dernière tournée dans la région, « optimiste » quant à l'organisation d'« une première rencontre informelle » entre le Maroc et le Front Polisario pour discuter de l'avenir de ce territoire. A la veille de cette rencontre informelle, le roi du Maroc oppose un soutien, très formel celui-là, au plan d'autonomie. Il est à se demander à quoi servirait une réunion à l'ordre du jour préétabli. Et unilatéralement ! Ce premier cycle de rencontres informelles va, au mieux, ressembler aux quatre séries de négociations officielles ayant eu lieu à Manhasset (New York) et qui avaient buté sur l'intransigeance marocaine. Fortement soutenu par la France, l'Espagne et à un degré moindre par les Etats-Unis depuis l'élection d'Obama, Rabat joue l'empêcheur de tourner en rond. Et dès que la cause sahraouie gagne des sympathies, le roi sort son chéquier pour s'offrir de puissants lobbies à Washington, chargés de bloquer aussi longtemps que possible une résolution ou un changement de position de l'Administration américaine. Le ministre des Affaires étrangère de sa majesté, Taieb Fassi Fihri, a souhaité hier « la fin du conflit du Sahara occidental » en précisant que son pays milite pour « une solution pacifique et politique en faveur du Sahara marocain ». Il aurait sans doute été mieux inspiré de demander à son invité du jour, Miguel Angel Moratinos, de restituer les deux enclaves de Ceuta et Melilla qui, elles, sont bel et bien marocaines…