Il faut emprunter une route sinuant au milieu de la forêt sur 17 km pour atteindre les sommets d'une chaîne de montagnes sur laquelle sont perchées les habitations de la commune rurale de Beni Mileuk, qui se trouve à l'extrémité sud-ouest de la wilaya de Tipaza. A quelques kilomètres de l'entrée de la cité, une file de camions militaires est en stationnement. Les mouvements de voitures ont presque cessé depuis le 29 juillet dernier, date de l'embuscade, perpétrée par un groupe terroriste, qui a coûté la vie à 14 hommes de troupe. Des fumées se dégagent dans les forêts lointaines. Beni Mileuk est devenue, depuis cette journée dramatique, une petite ville déserte. Rares sont les citoyens qui se baladent. « Ici s'arrête le monde », avait déclaré un ministre lors d'une visite de travail effectuée dans ce coin reculé de la wilaya de Tipaza. Les citoyens de Beni Mileuk vivent la saison estivale dans des conditions difficiles. L'absence de transport pour aller à la mer, le climat d'insécurité qui vient à nouveau de s'installer, l'absence de loisirs, l'oisiveté sont autant d'éléments qui illustrent la malvie dans cette zone rurale. Il est 13h. Un étranger à la ville est rapidement repéré par les rares citoyens assis à l'ombre. La méfiance est visible dans leurs regards. Le muezzin appelle à la prière. La mosquée est pratiquement vide. Malgré la forte chaleur, trois ouvriers travaillent sur un chantier, à proximité du CEM. Un fellah se plaint de la perte sèche enregistrée. Selon ses estimations, elle lui aurait coûté 500 000 DA. L'opération de ratissage est toujours en cours. Les fellahs ne peuvent pas rejoindre leurs champs de tomates par mesure de sécurité. Les criminels courent toujours au milieu des massifs forestiers. Les citoyens de la wilaya de Aïn Defla n'empruntent plus ce tronçon routier pour rejoindre la RN11 afin d'aller se baigner dans les magnifiques plages de cette région ouest de la wilaya de Tipaza. Le coup porté par les hordes terroristes, la semaine dernière en milieu de journée, fait craindre le pire aux citoyens de Beni Mileuk. « Les services de sécurité ne font plus appel aux patriotes lors de leurs opérations, comme par le passé », nous précise un citoyen de Beni Mileuk. « Les temps ont changé, ajoute-t-il. Les patriotes ne croient plus en l'avenir après avoir vu de leurs propres yeux les terroristes d'hier bénéficier de beaucoup plus de considération de la part de l'Etat aujourd'hui, avec en plus une situation matérielle qui a radicalement changé leur statut social, contrairement aux patriotes qui se sont sacrifiés pour que l'Algérie reste debout », conclut notre interlocuteur, écœuré par ce retournement de la situation. « Vous n'avez pas peur de repartir tout seul ? », nous demande ce citoyen. « Mais écrivez dans votre journal que le défrichement des bas-côtés n'a pas eu lieu depuis 1995, que l'état de la route, comme vous le voyez, ne cesse de se dégrader et que nous manquons de transport », indique-t-il. Evoquer la saison estivale, dans le contexte actuel, pour la population de Beni Mileuk qui préfère se terrer chez elle, relève tout simplement de l'utopie.