Niché au sud de la localité côtière Larhat, à environ 12 km de Tipaza, le poste de vigie érigé sur le dejbel Laâri Tabount se situe à 680 m d'altitude.Il est construit en parpaing. Son existence date de 1990. Le long du chemin sinueux et étroit, on a eu l'impression qu'il n'y a point de vie humaine dans cet arrière-pays. Les chaînes de montagnes vertes, gigantesques et abruptes, rendent les déplacements excessivement difficiles pour les habitants qui continuent à survivre au prix de multiples sacrifices et efforts, au milieu de cette nature impitoyable. Durant notre parcours, avant d'arriver à notre but, nous n'avons aperçu pas même une silhouette. Le chant strident et ininterrompu des cigales brise le silence effrayant de cet environnement. Des pistes serpentent parmi les montagnes. Il faut encore emprunter une autre direction pour escalader cette haute montagne. Au bout de deux heures et demie de route, nous avons atteint notre destination : le poste de vigie ouest de la wilaya de Tipaza. Il domine cet espace verdoyant aérien à perte de vue. C'est un point culminant qui favorise une meilleure observation. A l'ouest, la forêt domaniale de Beni Zioui s'étend sur les territoires de deux communes : Beni Milouk et Damous. Légèrement au sud, le douar faiblement visible, Ighil Yer, fait partie de la commune de Larhat. Selon nos interlocuteurs, c'est un endroit isolé et habité par quelques familles, dans lequel se conjuguent toutes les misères du monde. C'est le silence. Au sud du poste de vigie, se dresse cette énorme montagne à laquelle s'accroche le douar Tazrout. C'est la région des oliveraies d'antan. A l'est, les douars Mechtita et Beni Bakhti surgissent timidement des massifs forestiers. Au sud-est, c'est la localité d'Aghbal, territoire des pruneaux, qui trône dans cette série de montagnes. Le massif forestier, forêt domaniale Tazrout Hassène, s'impose avec sa superficie de 3800 ha et occupe des parties des communes de Messelmoune, Gouraya, Aghbal et Larhat. A l'horizon lointain, au sud, une ligne de crêtes délimite les wilayas de Tipaza et de Aïn Defla. C'est un territoire qui a été utilisé par les hordes criminelles durant les années 1990. L'administration des forêts, dans le cadre du plan de développement rural, s'est investie dans des divers travaux pour faciliter la vie aux habitants. Une mission difficile, car elle nécessite la mobilisation de toutes les parties impliquées dans la gestion des affaires publiques locales. La superficie des forêts de chêne-liège diminue, tandis que les forêt de pin d'Alep, commencent à prendre de l'ampleur. Les feux de forêts de 1998 ont occasionné des dégâts énormes. Deux gardiens se relayent autour de ce poste de vigie durant cette saison de grandes chaleurs. Ils sont recrutés en qualité d'ouvriers saisonniers. Pour atteindre leur lieu de travail, ils doivent faire beaucoup d'efforts. La présence d'une antenne de transmissions à côté a facilité la tâche aux gardiens, qui alertent les responsables des forêts de Gouraya à la moindre apparition d'un nuage de fumée. C'est difficile pour les gardiens de travailler sans jumelles. Ce poste de vigie n'est pas pourvu de tous les équipements nécessaires. Une section de la garde communale, au milieu de ce difficile paysage, se charge de la sécurité. Un coup d'œil et une brève discussion avec ces éléments armés nous ont permis de constater qu'ils vivent dans le dénuement total. Ils ne reçoivent pas de visites, au moment où leur responsable se pavane dans des véhicules climatisés neufs et se permet des festins royaux. Nos interlocuteurs, qui ont terminé de manger, n'avaient rien à nous offrir que leur sourire et leur sagesse. Ils ont préféré se mettre autour d'un semblant de table pour jouer aux dominos. Quelle ambiance ! Des panneaux solaires sont plantés à l'intérieur d'une cour, pour alimenter les lieux en énergie. Il ne s'agit plus d'évoquer les problèmes d'eau, de transport, de santé, des écoles... En poursuivant notre chemin par une autre piste, nous marquons une courte halte pour rendre visite au marabout de Sidi Salah. Il est totalement abandonné. Arrivés au niveau de la RN 11, les interminables files de voitures se croisent et nous rappellent des folies de la saison estivale. Les images de cette aventure commencent déjà à défiler dans nos esprits. Il est inadmissible de croire que cette wilaya qui bénéficie des aides très énormes de l'Etat, puisse avoir des familles algériennes, qui continuent à défier cette terrible adversité. Des hommes assumant la sécurité des biens de l'Etat, les télécommunications et d'autres en alerte pour préserver le patrimoine forestier, voilà tout simplement des personnes à qui on doit au moins transmettre un salut, histoire de les faire sortir de cet anonymat terrible, assassin.