La très célèbre Cora de Chelghoum Laïd, un gigantesque bazar à ciel ouvert, se conjugue à tous les temps. Qu'il pleuve ou qu'il neige, des centaines de visiteurs entre dragueurs, affairistes et commerçants fréquentent les lieux matin jusqu'au soir. La palme des fréquentations de cette population cosmopolite, qui y afflue chaque jour que Dieu fait, revient incontestablement à la gent féminine. C'est à croire que la totalité des ménages se sont vidés de leurs mamans et filles. Qu'elles soient fonctionnaires, femmes au foyer, célibataires ou mariées, les nanas à Chelghoum Laïd ne jurent que par la Cora. Un haut lieu du commerce tous azimuts où foisonnent des dizaines de luxueux magasins spécialisés dans les filières des cosmétiques, de l'habillement, de la literie, du prêt-à-porter, de la lingerie, de la mercerie, de l'électroménager, des articles de téléphonie mobile, mais aussi des boutiques de fripe, des étals de bibelots, des chinoiseries, une noria indescriptible de marchands ambulants, etc. Il est quasiment sûr qu'à la Cora, les chalands trouvent tout ce dont ils ont besoin. Il y en a pour tous les goûts et pour toutes les bourses. Voilà enfin en quoi l'endroit, qui s'apparente au prestigieux marché Dubaï (El Eulma), exerce un attrait irrésistible, principalement sur la population féminine. Tourner le dos à cette destination et ne pas s'y rendre au moins une fois par jour, ne serait-ce que pour le plaisir de la flânerie et du lèche-vitrine, est une alternative que la totalité des femmes ou presque ont bannie de leur vocabulaire. Pizza connexion Dans la foulée de la prolifération effrénée des commerces en tout genre, une impressionnante chaîne de fast-foods, de pizzerias, de gargotes et de pâtisseries a vu le jour dans les parages de ce grand centre de négoce. Un créneau on ne peut plus porteur, d'autant plus que les « nanas » sont de plus en plus enclines à se restaurer « extra-muros ». Des mères de famille, aux basques desquelles collaient une cohorte de bambins arpentant tout au long de la journée les dédales sinueux de cet énorme bazar, n'en démordent nullement de manger avec leur progéniture au-delà du cercle familial. Déjeuner à la va-vite en se contentant de quelques portions de pizza, de hamburgers ou de m'hadjeb, afin de reprendre leur incessant rituel de déambulations, est devenu un réflexe inouï chez madame Eve. La densité et la présence exceptionnelle de femmes et de jeunes filles dans cet espace interlope n'a pas été sans provoquer le déferlement de dizaines de dandys et de vieux beaux cherchant manifestement à conter fleurette en dehors du cadre conjugal. A l'aune de chaque jour, d'interminables vagues de promeneurs et de flemmards en provenance de localités limitrophes, comme Ferdjioua, Bouhatem, Aïn Melouk, Ouled Khelouf, Téleghma, Oued Athamania et Tadjenanet, envahissent les lieux pour ne repartir qu'en fin de journée. Qu'ils soient jeunes, types très BCBG, gentlemen, ploucs ou arrivistes, à bord de carrosses rutilants, conduisant de somptueuses motos ou pilotant de vieux tacots, ils n'ont pour la plupart d'yeux que pour ces créatures féminines angéliques. Après tout, les ingrédients favorisant la drague et les contacts sulfureux sont on ne peut réunis avec ce ballet incessant de va-et-vient de péripatéticiennes notoires et de jeunes filles désirables, à la limite provocatrices. C'est ça l'autre visage de la Cora !