La corruption a eu des conséquences néfastes sur les droits économiques et sociaux des Algériens. Les raisons de la colère sont plus profondes que les augmentations des prix de l'huile et du sucre.» C'est l'explication donnée par le président de la Ligue algérienne de défense des droits de l'homme (Laddh), Me Mustapha Bouchachi, aux événements violents qui secouent le pays depuis quelques jours. L'exclusion sociale qui se conjugue avec «un système politique qui a fermé tous les espaces d'expression, qui empêche les rassemblements et les manifestations pacifiques est un système qui pousse le peuple vers l'explosion sociale», a ajouté Me Bouchachi, qui s'exprimait lors d'un point de presse animé, hier, au siège de la Laddh à Alger. «L'étendue de ces manifestations consacre un divorce entre le peuple et un système politique en faillite. Y a-t-il encore un responsable du gouvernement qui puisse faire face à ces jeunes ? Le système recourt aux imams pour tenter de calmer la rue, mais même les hommes de religion ont perdu leur crédibilité du fait de leur exploitation abusive par le pouvoir politique», a ajouté le président de la Laddh. Par ailleurs, Me Bouchachi s'est élevé contre ceux qui qualifient les jeunes manifestants de «voyous». «Ce sont nos enfants, qui ont grandi dans l'état d'urgence, à qui le pouvoir n'a laissé aucune possibilité de s'exprimer et de revendiquer leurs droits par des moyens pacifiques.» Evoquant le caractère violent des manifestations, Me Bouchachi a estimé qu'«il ne s'agit là que d'une conséquence d'une gestion policière des affaires publiques. Les marches et les rassemblements sont interdits à Alger depuis juin 2001, l'état d'urgence qui dure illégalement depuis 18 ans et l'interdiction imposée aux partis politiques d'opposition et organisations de la société civile d'activer librement sont autant d'éléments qui ont créé un vide total au sein de la société». «La responsabilité incombe totalement au pouvoir», a-t-il tonné, non sans cacher son étonnement des déclarations du ministre de l'Intérieur, Daho Ould Kablia, qui s'interrogeait la veille : «Pourquoi les jeunes ne manifestent-ils pas pacifiquement ?» Dans le même sens, le président de la Laddh a dénoncé «l'utilisation disproportionnée de la violence par les services de sécurité et des arrestations arbitraires». Il a appelé, par ailleurs, les jeunes à exprimer leurs revendications de manière pacifique car «la violence risque de nuire à leur mouvement qui porte des revendications légitimes» pour «éviter que le pouvoir ne manipule cette violence pour la retourner contre des revendications légitimes». M. Bouchachi a appelé les partis politiques de l'opposition, les syndicats et les organisations de la société civile ainsi que les personnalités politiques «à agir pour encadrer ce mouvement de contestation et donner ainsi un contenu à la colère d'une jeunesse qui en a ras-le-bol». Interrogé sur le silence du président de la République et de son Premier ministre, le conférencier dit ne pas se faire d'illusions : «J'ai l'intime conviction que le destin du peuple n'intéresse plu le régime, ce qui l'intéresse, par contre, c'est sa continuité.» Me Bouchachi a saisi l'occasion pour «exiger une ouverture politique et élargir la base du système politique afin de donner plus de chance à la société politique et civile de jouer son rôle».