La Ligue algérienne des droits de l'homme (LADDH) a lancé, hier, un appel à la société civile (associations, syndicats et partis politiques) pour s'organiser afin d'encadrer le mouvement de protestation. Pour Maître Mustapha Bouchachi, «ce mouvement est un acquis qu'il ne faut surtout pas discréditer». «On n'a pas connu une réaction pareille depuis déjà dix ans». Tout en affirmant que la Ligue est contre toute violence, le président de LADDH interpelle les acteurs de la société civile à encadrer ces jeunes émeutiers dans un rassemblement ou une marche pacifique pour pouvoir formuler des revendications politiques. Rien n'est encore décidé pour l'instant, mais le président de LADDH a affirmé que certains responsables des syndicats autonomes ont déjà contacté la Ligue pour programmer ensemble des rencontres prochainement, pour envisager des actions pacifiques. Bouchachi a rappelé la nécessité d'encadrer le mouvement en considérant que l'Etat craint beaucoup plus la protestation pacifique que la manifestation violente «car les actes de violence sont souvent utilisés par le régime pour porter atteinte aux revendications légitimes», a-t-il argumenté. Bouchachi a interpellé la conscience de la société civile et celle des partis de l'opposition qui semble complètement démissionnaire. Tout en qualifiant le mouvement de protestation de légitime, le premier responsable de LADDH a estimé que les dernières hausses des prix de l'huile et du sucre n'expliquent pas à elles seules le mouvement de protestation. Pour le conférencier, le problème est beaucoup plus profond, les raisons sont multiples mais les plus importantes c'est l'éradication du marché informel, sachant que presque chaque famille algérienne compte un membre qui travaille dans l'informel. «Il y a des familles n'ayant aucun revenu qui vivent de l'informel». Et de poursuivre : «ces jeunes qui travaillent dans l'informel, à vendre et à revendre, sont souvent des jeunes universitaires qui n'ont pas trouvé du travail». Pour Bouchachi, une décision pareille ne devait pas être prise ou appliquée de la sorte. «Il aurait fallu faire une étude et installer une commission capable d'apporter des solutions adéquates». Le conférencier cite une autre raison, «la corruption qui est à l'origine de l'explosion». Le premier responsable de LADDH refuse qu'on qualifie les jeunes émeutiers de «voyous». «Ces émeutiers sont les enfants de l'état d'urgence». Et d'ajouter : «ils n'ont connu ni les événements de 88, ni ceux de la décennie noir mais depuis leur naissance, ils ont vécu dans l'interdit». Bouchachi a conclu que cette explosion sociale est le résultat de la fermeture des espaces d'expression et l'interdiction des rassemblements et des manifestations notamment à Alger, et ce, depuis 18 ans. Sur le silence des hautes autorités notamment du président de la République et de son Premier ministre, Bouchachi a estimé que «le régime en place n'est nullement préoccupé par les revendications de son peuple, la seule chose qui l'intéresse, c'est bien sa pérennité».