A cette catastrophe se sont ajoutés les incidents des centrales nucléaires essentiellement dus aux pannes des systèmes de refroidissement des réacteurs, conséquence des inondations et du raz-de-marée. Devant cette épreuve et les dommages énormes qu'a subis la population du Japon, nous tenons tout d'abord à exprimer notre solidarité et compassion pour le peuple digne du Soleil-Levant. Séisme et tsunami sont des phénomènes complexes, et leur compréhension demande des connaissances et des travaux théoriques et expérimentaux pluridisciplinaires qui associent la physique du globe, la tectonique et la sismologie, la géo-mécanique et l'hydrodynamique. Le séisme de la fosse de subduction du Japon du 11 mars dernier illustre cette complexité en indiquant plus de 9 m de déplacement vertical des fonds marins sur environ 600 km de longueur de la rupture sismique à l'est de l'île de Honshu. Ce soulèvement moyen sur une grande distance explique le déplacement du volume d'eau gigantesque et son déferlement (10 m de hauteur de vagues) sur les côtes japonaises. Les paramètres sismiques de la zone de rupture et la propagation instantanée de celle-ci (en moins de 3 mn) expliquent la violence des vagues et l'ampleur de la catastrophe. A l'heure actuelle, les données sismiques, tectoniques, géodésiques et géophysiques continuent d'être récoltées et de fortes répliques affectent encore les îles du Japon. Suite à cet événement sismique majeur et catastrophe planétaire, il est normal et légitime de se poser quelques questions sur l'occurrence des séismes et des tsunamis associés en Méditerranée, et plus particulièrement sur nos côtes. Et il est du devoir du scientifique de sensibiliser, sans alarmer, la population sur les risques naturels que tout un chacun doit connaître et apprendre à vivre avec. Le nord de l'Algérie étant une région sismique située le long de la limite entre les plaques tectoniques Afrique et Eurasie, la question de l'aléa et risques sismiques et du tsunami est primordiale. Un traitement adéquat de cette question implique la prévention et la protection de nos concitoyens et des zones littorales avec leurs infrastructures économiques. Le risque est réel en Méditerranée, car les quelque 10% des tsunamis qui ont été observés dans le monde, ont eu lieu en Méditerranée. Il serait imprudent de ne pas tenir compte de ce type de risque. L'océan Indien était considéré comme une zone à faible risque jusqu'au tsunami de 2004 qui a fait des centaines de milliers de victimes. Les derniers événements tsunamigéniques ne sont pas si anciens en Méditerranée. En 1908, un tremblement de terre de magnitude 7,5 à Messine (Italie), avait généré un tsunami qui avait fait 40 000 morts sur les côtes en Sicile et en Calabre. Sur la côte algérienne, Ibn Khaldoun rapporte dans Kitab El Ibar sa rencontre avec une dame âgée qui lui a décrit le tsunami survenu suite au séisme destructeur d'Alger du 3 janvier 1365 ; elle a décrit la hauteur des vagues qui ont couvert sa maison. Le séisme d'Oran de 1790 étudié à travers les archives espagnoles est associé à un tsunami qui a inondé plusieurs localités autour de la mer d'Alboran. En 1856, la région de Jijel et Béjaïa est affectée par une séquence de forts séismes (21 et 22 août) ressentis jusqu'à Batna au sud et aux Baléares et à Gênes (Italie) au nord ; un travail récent et détaillé (publié dans la revue Journal of Seismology) à partir des archives et documents de l'époque, décrit ce séisme et le tsunami qui a ravagé la ville de Jijel, et mentionne une hauteur de vagues de 3,75 m marquée dans le port de Béjaïa. D'autres travaux de recherche (publiés récemment dans Marine Geology) analysent la présence de dépôts-traces relatifs à l'occurrence de vagues de très haute énergie, sur la côte algérienne et date l'occurrence de deux épisodes de tsunami qui ont eu lieu lors des deux derniers millénaires. Les séismes du nord de l'Algérie peuvent dépasser largement la magnitude 7, comme cela a été le cas le 10 octobre 1980, détruisant la ville d'El Asnam et ses environs (Mw=7.3). Ces observations ne sont pas aléatoires, elles sont liées aux travaux scientifiques réalisés et publiés dans des périodiques internationaux. Un grand nombre de travaux de recherche publiés décrivent les ruptures sismiques et analysent leur capacité à générer de fortes magnitudes à terre et en mer. Le tout dernier séisme côtier de Zemmouri, en 2003, a déclenché un tsunami qui a provoqué une vague de 2 m sur les Baléares. Il est à présent urgent et nécessaire d'identifier et de cartographier à des échelles appropriées les zones inondables par les vagues de haute énergie (tsunamis) sur le littoral algérien. En parallèle, il est également important d'œuvrer en faveur d'une réelle sensibilisation et éducation qui permettront d'apprendre les bons gestes salvateurs. A ce propos, et à titre d'exemple, la vague de tsunami (crête de l'onde) est très souvent devancée par un retrait de la mer, lequel dure quelques minutes avant l'arrivée de la déferlante d‘inondation. Et le fait que nos concitoyens puissent bénéficier de cette information, beaucoup de vies humaines pourraient être sauvées. Admettre que le risque de tsunami existe est déjà une précaution prise. Nous sommes confiants que seules l'information scientifique et l'éducation, sans alarmisme, peuvent encourager la prise de conscience des phénomènes naturels pour une sensibilisation salvatrice. Cela doit susciter des mesures de prévention basées sur des études scientifiques et équipements scientifiques appropriés le long de nos zones côtières.