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un séisme de magnitude 8 et son tsunami sont fort probables en Méditerranée orientale Mustapha Meghraoui. Physicien géologue spécialiste des séismes à l'Institut de physique du globe (université de Strasbourg)
-En 2008, vous participiez à une étude pour savoir si le tremblement de terre de Zemmouri était susceptible de provoquer d'autres séismes. Où en est-on aujourd'hui ? Cette étude est liée aux enseignements du séisme du 21 mai 2003. Elle a été poursuivie dans deux voies différentes : d'abord, une modélisation a montré que le relâchement des contraintes suite au séisme principal a contribué à recharger les failles juxtaposées pour un séisme futur dans la région. Ce travail de «radiographie» (tomographie), suivi de la sismicité de la région, a fait l'objet de deux publications dans la revue Journal of Geophysical Research. Ensuite, un suivi des déformations sismiques de 2003 à 2010 par l'interférométrie Radar (InSAR), appelée «permanent scatterrers», a révélé que l'activité libérée équivaut à un total d'énergie sismique équivalent à une magnitude de 6,3. Ces résultats publiés suggèrent notamment un retardement du rechargement des contraintes (une récurrence plus longue) ou bien une réduction de l'énergie pour un futur séisme dans la région. -L'épicentre de Zemmouri était en mer. Est-ce que la catastrophe de Sumatra a pu éclairer les scientifiques sur ce qui s'était passé en Algérie ? Si oui, comment ? Le séisme du 21 mai 2003 n'a pas induit de tsunami sur la côte algérienne. En revanche, la côte des Îles Baléares, en Espagne, notamment l'île d'Ibiza, a reçu une séquence de vagues de plus de 2 m d'amplitude avec des dégâts dans les ports espagnols. La question qui reste posée porte sur l'ampleur de ces vagues et leur impact pour un séisme supérieur à celui de 2003. Les séismes de Sumatra (2004, Mw 9.2) et de Tohoku-Oki (2011, Mw 9.0) nous ont fait découvrir la réalité physique des ruptures liées aux séismes géants qui nécessitent de 500 à 1000 km de longueur de faille. Ces séismes, qui génèrent des vagues de plus de 10 m de hauteur, sont peu probables en Méditerranée occidentale, mais très possibles en Méditerranée orientale. -Justement, un scénario catastrophe prévoit que si un séisme équivalent à celui de l'année 365 en Crète venait à se reproduire, les côtes égyptiennes et libyennes seraient dévastées… Le séisme de Crète de 365 de magnitude supérieure ou égale à 8 et son tsunami est un évènement de référence. Sa répétition est fort probable. La seule inconnue étant la période de retour de cet événement. Des projets de recherche en cours s'attachent à déterminer le cycle sismique associé. -Où en sont les recherches menées par des scientifiques en Algérie ? Pourquoi l'accès à l'information, comme le suivi des séismes en Algérie en temps réel, est-il si difficile ? L'accès aux données d'observatoire pour les travaux de recherche sur les zones sismiques en Algérie et la formation de nos étudiants doivent être ouverts et accessibles aux chercheurs nationaux et internationaux. En ce qui me concerne, et lorsqu'il y a un séisme dans notre pays, je suis obligé d'aller chercher les données de la sismicité sur le site du Centre sismologique euro-méditerranéen ou bien sur celui de l'USGS (Institut d'études géologiques des Etats-Unis). Le Programme national de la recherche du ministère de l'Enseignement supérieur et sa direction de la recherche ont donné une impulsion significative aux équipes de recherche pour mener des travaux et améliorer nos connaissances sur les caractéristiques tectoniques et physiques des zones sismiques. Pour exemple, le PNR (programme national de recherche) prend en charge des travaux de recherche en cours pour une estimation réaliste de la période de retour des forts séismes dans la région de la Mitidja. En parallèle, la collaboration avec nos collègues du Centre du génie parasismique (ministère de l'Habitat) et du Réseau algérien des sciences de la mer (http://rasmer.org) contribue à une meilleure définition de l'aléa et du risque sismiques en Algérie. Avec les instituts spécialisés tels que l'Institut national de cartographie et télédétection, l'ASAL et l'Ecole de géodésie d'Arzew, les universités d'Alger, de Sétif, d'Oran, de Tlemcen, de Annaba et d'autres encore, une véritable dynamique existe avec une production scientifique de qualité sous forme de thèses en master et doctorat. L'accès aux données publiques permettra de faire fructifier les travaux de recherche et de multiplier les résultats utiles pour la réduction du risque sismique.