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Pour une réelle coopération énergétique en Méditerranée
Publié dans El Watan le 27 - 04 - 2011

Qu'en est-il aujourd'hui, alors que souffle sur certains pays du Sud de la Méditerranée un vent de changements, aussi bien géopolitiques, économiques que sociaux, qui ne seront pas sans conséquence, tant sur le développement même de cette rive que sur le futur des relations avec les pays nord-méditerranéens.
Le moins que l'on puisse dire est que les réalisations enregistrées jusqu'ici en matière de coopération énergétique restent d'une portée limitée, en tous les cas peu ambitieuses au regard du potentiel et des besoins de la région et surtout, qu'elles ne s'inscrivent pas dans le cadre d'une approche globale axée sur les complémentarités et les solidarités actives, plus que jamais nécessaires. Aussi, n'est-il pas temps de se questionner sur «le pourquoi» de l'insuffisance de réussite de toutes ces initiatives ?
Comme il est urgent de s'enquérir du «comment», ainsi que de l'envergure et des enjeux d'une réelle coopération énergétique. S'agit-il de maintenir encore le schéma existant avec les résultats que l'on connaît, ou faut-il opérer à un réel changement à un renouveau, d'une part, dans les rapports entre les pays du Maghreb eux-mêmes et, d'autre part, entre le Maghreb et l'Europe. Il y va des aspirations au développement de nombreuses populations, voire bien plus, de la stabilité même de l'ensemble de la région euro-méditerranéenne.
Est-il nécessaire de rappeler que des déséquilibres mal gérés ou des inégalités trop criantes ont été, de tout temps, source d'incompréhensions, de tensions, voire de conflits.
Le cas est édifiant en région méditerranéenne, notamment à l'Ouest, tant pour ce qui concerne les pays du Maghreb entre eux, qu'avec leurs voisins de la rive nord. En effet, que constatons-nous en examinant la situation qui prévaut actuellement dans cette région : contraintes, différences et déséquilibres, qui ont tendance à persister, voire à s'aggraver, et ce, dans tous les domaines, notamment pour les questions énergétiques. Afin de pouvoir apprécier, d'une part, le niveau des contraintes et, d'autre part, l'importance du rôle de l'énergie et l'intérêt d'une démarche commune, il y a lieu d'abord de tirer certains constats globaux, qu'ils soient d'ordre socioéconomique ou commercial, qui ne sont pas sans impact sur le plan de la disponibilité énergétique future et donc, sur le développement de toute la région.
Les constats
1- En matière démographique, contrairement au Nord, la population des pays du Maghreb, en majorité jeune, augmente à un rythme soutenu, engendrant des besoins de plus en plus importants et, surtout, de plus en plus pressants.
2- Sur le plan économique, même si l'expression peut paraître quelque peu forte, on peut dire qu'il y a «deux mondes bien distincts» au regard de l'importance des écarts de développement et de revenus par habitant entre les pays des deux rives de la Méditerranée. Face à une zone riche qui dispose de technologies, de savoir-faire et de ressources financières, le Sud continue de se débattre dans des problèmes de développement de type basique, tels que le logement, l'eau, l'emploi, l'éducation, la représentativité, etc. Et, l'écart de développement est en rapport avec l'ampleur des besoins. Les différences de prospérité sont telles qu'elles ont un impact à caractère assujettissant sur les relations entre les pays du Nord et ceux du Sud, et ce, au détriment de l'établissement de partenariats réels et équilibrés.
3- En matière énergétique, les inégalités et les insuffisances sont également nombreuses, tant pour ce qui concerne le niveau de consommation, la disponibilité et la répartition des ressources que pour ce qui est des échanges. C'est ainsi qu'un habitant du Nord de la Méditerranée consomme trois fois plus d'énergie qu'un habitant du Sud méditerranéen. Si au Nord, les pays européens sont de plus en plus dépendants des importations de pétrole et de gaz, les réserves d'hydrocarbures au Maghreb sont importantes mais inégalement réparties, concentrées pour l'essentiel en Algérie et en Libye. Alors que les échanges intra-maghrébins restent très faibles voire insignifiants, d'importants flux énergétiques Sud-Nord se sont développés ces dernières années. Ils restent, cependant, cantonnés à une relation purement commerciale et donc, d'un niveau bien en-deçà du potentiel d'échanges qui serait offert par un partenariat basé sur des interdépendances recherchées, économiquement viables et politiquement acceptables. Les effets de ces contraintes, différences et déséquilibres sont nombreux et multiformes. Se posent alors les questions, notamment des moyens financiers et des infrastructures, de la disponibilité énergétique et de la sécurité d'approvisionnement, des dépendances et des termes d'échanges. Le résultat en est qu'il existe aujourd'hui un déficit de confiance, voire une certaine défiance, aussi bien entre Nord et Sud qu'entre les pays du Maghreb eux-mêmes. Au sud de la Méditerranée, ce déficit est même doublé d'une inégalité dans la redistribution, qui pèse lourdement sur le développement de cette rive. Le lancement de larges coopérations est ainsi entravé, réduit par des approches dépassées et des pratiques incongrues du développement et de la coopération.
Les approches
1- En effet, pour les pays du Maghreb, «le Chacun pour soi», adopté jusqu'ici et basé sur une vision essentiellement nationale des problèmes de développement, se heurte, notamment à l'étroitesse des marchés respectifs, à la faible solvabilité des demandes locales, à l'insuffisance des infrastructures et à une déficience en matière de capacité de conception et de réalisation.
Au lieu de favoriser leurs échanges ainsi que les complémentarités de leurs structures productives, afin, d'une part, de lever les contraintes liées, notamment au marché, au financement et à la capacité de réalisation et, d'autre part, de constituer des partenaires fondamentaux pour des tiers, notamment les entreprises européennes, les pays du Maghreb se sont évertués à développer séparément leurs exportations de matières premières et de produits primaires et à attirer des investissements étrangers.
La situation est qu'ils se retrouvent plutôt en concurrence, aussi bien pour écouler leurs produits à l'international que sur le marché des capitaux. A cela s'ajoute le fait que leurs exportations, peu diversifiées, restent très sensibles aux facteurs exogènes : prix du pétrole pour l'Algérie et la Libye, aléas climatiques et tourisme pour le Maroc et la Tunisie. Pour preuve de l'importance de ces insuffisances et/ou de ces manques, je mentionnerais l'exemple du commerce intra-maghrébin qui ne représente que 3% environ des échanges extérieurs de la zone.
Certains experts estiment que le retard accusé dans le processus d'intégration économique de l'Union du Maghreb arabe coûte à chacun de ces pays 2% de PIB par an. Aussi, la question qui se pose est celle de la capacité de ces pays à mobiliser, séparément, les moyens nécessaires à leur développement, compte tenu de leur situation économique et de la faiblesse des moyens financiers publics disponibles.
2- Pour ce qui est de l'Europe, principal partenaire commercial des pays du Maghreb, son approche est caractérisée par une vision, pour le moins, «courte». Elle a tendance à les considérer en de simples pourvoyeurs de matières premières énergétiques et de produits primaires et/ou en des opportunités de marché séparées, pour écouler des produits manufacturés, des produits de large consommation et des services.
La coopération entre les deux rives a souvent pris la forme d'une assistance du Nord au Sud, accompagnée de dépendances diverses, notamment commerciales, financières et technologiques ; les pays du Maghreb continuant d'importer au prix fort des technologies, sans être en mesure de pouvoir les reproduire et encore moins les développer.
Aussi, les conditions d'un réel partenariat sont loin d'être réunies. Force est donc de souligner qu'il est temps pour les pays du Maghreb de considérer les atouts qu'offre l'ensemble régional, tant sur les plans géostratégique, économique, commercial et financier que sur le plan de la force de travail constituée par une population jeune.
En outre, la nécessité de donner une dimension nouvelle à la coopération entre les deux rives n'a jamais été aussi forte et aussi pressante.
C'est ainsi, par exemple, qu'ils devront se doter d'une capacité additionnelle de production d'électricité de plus de 23 GW dans les 10-15 prochaines années, soit un doublement de la capacité actuelle.
Au total, et sans tenir compte du renouvellement des centrales existantes, ce sont près d'une cinquantaine de nouvelles unités d'une capacité de 500 MW chacune qui seraient à construire. C'est une très forte sollicitation en matière de moyens financiers et de capacités de réalisation. Pour faire face à ce challenge de grande ampleur, la coopération intra-maghrébine pourrait s'articuler, sans que cette liste ne soit exhaustive, sur :
le développement des échanges énergétiques
C'est une nécessité économique et sociale. L'énergie serait un moteur de développement et d'élévation du niveau de vie des populations locales. Elle contribuerait également à résoudre les graves problèmes engendrés notamment par l'insuffisance en eau, la sécheresse, la déforestation, etc.
Globalement, ce sont près de 20 millions de tonnes équivalent pétrole (Mtep) contre moins de 4 Mtep actuellement, qui pourraient faire, à l'horizon 2020-2025, l'objet d'échanges entre les pays du Maghreb, représentant ainsi 15% de la demande d'énergie primaire de l'ensemble maghrébin.
(I)- La réalisation de pipelines multiproduits pétroliers (LPG, essence et diesel) reliant des centres de distribution et/ou d'enfûtage, situés de chaque côté des frontières de ces pays. Une telle initiative, outre qu'elle répondrait aux besoins croissants des populations locales, mettrait fin à l'important trafic transfrontalier qui échappe à tout contrôle.
(II)- Le renforcement et l'exploitation optimisée des interconnexions électriques. Par ce biais, les échanges électriques seraient plus importants et de nombreuses contraintes, liées aux capacités de production et aux pics de la demande, pourraient être atténuées.
La réalisation de projets intégrés en partenariat à intérêts croisés et multiformes
Un plan global et optimal viserait, outre la prise en charge de l'approvisionnement en produits semi-finis et finis d'un vaste marché intérieur, à considérer des opportunités d'exportation maghrébines de produits à plus forte valeur ajoutée et donc plus rémunérateurs qu'offrent notamment, la pétrochimie, l'industrie des engrais, les industries de transformation, l'industrie automobile, les fibres textiles, l'industrie pharmaceutique, etc.
Penser en commun le développement durable
Avec la mise en œuvre de politiques communes et volontaristes, basées, d'une part, sur l'économie d'énergie et l'efficacité énergétique et, d'autre part, sur une large exploitation du solaire et de l'éolien. Les pays maghrébins ont initié, ces dernières années, un certain nombre de projets de développement durable. C'est louable certes, mais nettement insuffisant puisqu'ils le font séparément.
Ne faudrait-il pas plutôt considérer la mise en place, à l'échelle régionale, d'un grand nombre d'unités de production d'électricité solaire alliée, à la fabrication au Maghreb même des équipements et accessoires. Par ailleurs, ce projet intégré à l'échelle du Maghreb aurait un impact certain sur les développements économique et social des zones rurales avec, notamment, l'utilisation des techniques de pompage d'eau et, par conséquent, de l'irrigation pour l'agriculture, la mise en place de petites unités de transformation, de stockage, de froid, voire même le développement de l'attrait touristique de ces régions semi-désertiques.
Promouvoir la sous-traitance
Notamment la fabrication des pièces de rechange industrielles, en développant un puissant tissu de petites et moyennes entreprises (PME), qui fédérerait toutes les expertises techniques existantes et/ou pouvant être développées à l'échelle du Maghreb.
Le partenariat euro-maghrébin
Quant au partenariat euro-maghrébin, il nécessite d'être repensé et conçu sur une toute autre logique des rapports. La relation de dépendance de chacun des pays du Sud vis-à-vis de l'ensemble européen, qui prévaut actuellement, doit être rompue et transformée progressivement en un partenariat intégré. Le préalable est qu'il est temps que les pays du pourtour méditerranéen veuillent, enfin, inscrire leurs politiques énergétiques dans le cadre d'une démarche commune pour un développement régional équitable et profitable à tous.
A titre d'illustration sont mentionnées ci-après quelques lignes directrices et/ou projets de coopération :
1- la sécurisation de la relation énergétique
Le premier obstacle à la sécurité énergétique des pays européens est incontestablement l'incertitude, souvent volontairement entretenue, qui pèse sur la demande, impliquant par-là même une incertitude au niveau des importations requises.
Le niveau des réserves d'hydrocarbures dans la région est certes important, mais la mise à disposition à temps de volumes additionnels de pétrole et de gaz, dont aura besoin l'Europe, n'en est pas entièrement assurée, tant les investissements nécessaires sont extrêmement élevés et tant le risque marché est trop important pour être pris en charge par les producteurs seuls.
Aussi, il y a lieu donc d'intégrer le souci des pays fournisseurs, à savoir une sécurité des débouchés et une valorisation de leurs ressources, à la volonté de l'Europe de disposer d'un marché libéralisé, et ce, en développant des partenariats industriels ambitieux, stables et à long terme. C'est ainsi que des participations croisées Nord-Sud, à tous les niveaux de la chaîne, de la prospection à la distribution en passant par la production d'électricité, garantiraient à la fois la sécurité des approvisionnements pour les uns et la sécurité des débouchés pour les autres. Une telle option permettrait d'éviter les aléas des simples relations commerciales du binôme vendeur-acheteur. Aujourd'hui, il est plus que nécessaire de donner de la cohérence à l'industrie énergétique en traitant la question de la sécurité dans une perspective globale, du développement des réserves jusqu'à la consommation. Néanmoins, cette cohérence ne pourra être développée que dans un cadre réglementaire stable et à long terme, qui tienne compte, en toute objectivité, des intérêts des différentes parties.
2- Projets structurants :
Il reste, cependant, qu'une visibilité à long terme et une vision commune sont plus que jamais nécessaires. Elles permettraient de mobiliser les moyens financiers pour le développement de nouvelles infrastructures, notamment :
(i)- La participation au projet du gazoduc Nigeria – Algérie de sociétés de gaz européennes (notamment Espagne, France, Italie) relèverait d'un partenariat stratégique et structurant.
En effet, l'opportunité, pour les sociétés européennes, serait de former avec Sonatrach algérienne un consortium pour acheter du gaz nigérian, le transporter jusqu'à Hassi R'mel pour l'y réinjecter et le stocker. Les sociétés européennes se constitueraient ainsi des réserves, et puiseraient leur part en fonction de leurs besoins.
Ce projet aurait de nombreux mérites, notamment :
• Energétique, puisqu'il contribuerait pour près de 1000 milliards de m3, correspondant à des livraisons telles qu'envisagées de 30 Gm3/an sur 30 ans et plus, à l'approvisionnement à long terme de l'Europe, tant par gazoducs que sous forme de GNL ;
• Industriel, de par les fortes retombées économiques qui en résulteraient pour tous les acteurs concernés ;
• Economique et commercial grâce, d'une part, à un investissement à moindre coût et, d'autre part, à sa flexibilité contractuelle, technique et opérationnelle permise par le gisement de Hassi R'mel, qui aura un rôle de réservoir poumon”;
• Politique, car il pourrait, en étant à la base d'un développement local, aider à endiguer les flux migratoires des populations des pays de transit.
(ii)- Un autre projet à moyen-long terme, celui-ci à l'échelle méditerranéenne, porterait sur la réalisation d'un gazoduc MENA qui relierait plusieurs pays exportateurs de gaz du Moyen-Orient et du Maghreb à l'Europe du Sud.
Il partirait d'Irak en passant par la Jordanie pour relier l'Egypte par «l'Arab Gas Pipeline» existant, qui serait renforcé et utilisé en sens inverse, puis traverserait la Libye pour aboutir en Algérie à Hassi R'mel.
Ce projet présenterait de nombreux avantages, notamment :
* La mise à la disposition des acheteurs européens d'importantes quantités de gaz en provenance du Moyen-Orient et du Maghreb ;
• Ce gazoduc ne traverserait que des pays producteurs-exportateurs de gaz naturel et permettrait de développer des gisements de gaz existant notamment en Libye ;
• Une grande flexibilité technique et contractuelle et une importante diversification, puisque le gisement de Hassi R'mel, fonctionnant en «hub», desservirait les pays acheteurs, tant à l'Est qu'à l'Ouest du bassin méditerranéen que sous forme de GNL.
3- Un plan global de réalisation de centrales électriques, en partenariat dans le cadre de sociétés mixtes, est envisageable. L'accès des populations des pays du Sud à l'énergie devrait être à l'image de ce qu'est la sécurité de l'approvisionnement énergétique des pays du Nord.C'est là aussi un des grands enjeux d'une nouvelle coopération euro-maghrébine.
Bien que l'électrification dans les pays du Sud ait fait d'importants progrès au cours des dernières années, beaucoup reste à faire. Les différences de dotations en matière de capacité de production entre pays du Sud et pays du Nord donnent un aperçu des efforts à consentir.L'idée serait de mettre en œuvre un plan global de réalisation en partenariat, dans le cadre de sociétés mixtes euro-maghrébines de centrales de production d'électricité. Certaines centrales seraient couplées à des unités de dessalement d'eau de mer, contribuant ainsi à la résolution du problème de l'eau, devenu crucial pour l'avenir de cette région, et d'autres centrales pourraient être dédiées, pour partie, à l'exportation d'électricité.
Les réformes adoptées séparément par les pays maghrébins au cours de ces dernières années, et qui vont dans le sens d'une ouverture de leurs marchés, devraient, bien entendu, être harmonisées et rendues compatibles.
Le développement des interconnexions électriques est un facteur-clé, puisqu'il permettra de mieux exploiter les complémentarités non seulement entre pays du Sud, mais également entre l'Afrique du Nord et le marché européen.
4- Le développement durable offre également de nombreuses opportunités qui, si elles venaient à être concrétisées, permettraient de consacrer le démarrage de collaborations intersectorielles et la naissance de nouvelles approches de coopération régionale.
Pour exemple, un projet pourrait porter sur la réduction, à l'échelle régionale, des impacts du réchauffement climatique. En effet, plusieurs études montrent que la région méditerranéenne ne sera pas épargnée, loin s'en faut, en particulier sa rive sud qui sera très durement touchée dans les toutes prochaines années par ce phénomène.
Il est vital pour ces pays de prendre, rapidement et dans un cadre global et intégré, des mesures pour pallier les effets de la sécheresse, répondre aux besoins en eau et à une quasi généralisation de la climatisation dans le bâtiment, réduire les rejets atmosphériques et autres.
L'utilisation de technologies à faible émission de carbone, notamment le solaire et l'éolien, devrait être systématiquement mise en avant. Un tel projet, dont les retombées seraient nombreuses sur le plan local, contribuerait également :
Des politiques énergétiques plus cohérentes aux plans national et régional sont donc à mettre en œuvre rapidement, notamment avec la mise en place de réformes réglementaires et d'instruments économiques incitatifs (restriction en matière de rejets, tarification de l'eau, taxes sur les pollutions, subventions pour les technologies propres, etc.) adaptés aux réalités des pays méditerranéens.
Pour ce qui est de l'électricité solaire qui, comme le prévoient certains projets, serait importée par l'Europe dans le cadre de projets d'envergure, de nombreuses questions restent à débattre. Parmi les plus importantes, on mentionnera :
– Les pays du Sud doivent-ils consacrer une partie de leurs ressources propres (notamment financières) à la réalisation de centrales solaires à concentration pour exporter de l'électricité ?
– Dans le cas contraire, sur quelle base les importateurs pourront-ils réaliser et exploiter ces centrales ?
– Serait-ce dans le cadre de la concession d'un droit de jouissance d'un terrain, non pas riche en pétrole et en gaz mais… en soleil ?
– Faut-il définir une «rente solaire» à l'instar de la rente pétrolière, à savoir par exemple le paiement de quelques cents par KWh produit ?
– Quelles seraient les ressources en eau qui seraient utilisées et dans quel cadre, sachant que, d'une part, l'exploitation de ces centrales solaires nécessite d'importantes quantités d'eau et que, d'autre part, la consommation en eau, en constante progression, frôle déjà les limites, 75 à 80%, des ressources renouvelables des pays du Sud.
Les réponses à tous ces questionnements ne peuvent être considérées que dans le cadre d'un développement en commun et d'une vision globale.
5- L'option du nucléaire, qui à terme sera nécessaire pour compléter l'offre d'énergie, est également un domaine de coopération.
La plupart des pays du Sud étudient la possibilité d'introduire le nucléaire dans leur bouquet énergétique.
Lourde et contraignante, son développement devrait s'inscrire dans une dynamique régionale mettant en œuvre une coopération technique et industrielle étroite entre les sociétés électriques du Maghreb et des sociétés européennes, qui maîtrisent la technologie et le traitement des déchets radioactifs.
6- Formation et recherche & développement
Il serait illusoire, à mon avis, de vouloir développer des partenariats réels et durables sans accompagnement en matière de formation et de recherche & développement.
C'est ainsi que pourraient être implantés, notamment au Sud, des instituts régionaux de formation dans différents domaines et filières ayant trait aux industries des hydrocarbures, de l'électricité, des énergies renouvelables et du développement durable.
Les formations, couronnées par des diplômes reconnus dans toute la région euro-méditerranéenne, pourraient être assurées par des formateurs et spécialistes des pays concernés.
Ces instituts seraient appuyés par des centres de recherche et développement, qui élaboreraient des programmes de recherche appliquée sur des sujets d'intérêt commun.
Conclusion :
Je dirais en guise de conclusion que l'énergie pourrait jouer un rôle majeur, d'abord comme facteur fédérateur dans les relations intra-Maghreb et, ensuite, comme élément moteur dans la mise en place d'une coopération régionale Maghreb-Europe, équilibrée solidaire et ambitieuse.
Pour ce faire, il serait nécessaire de réunir deux dimensions indissociables que sont l'entente politique et une approche commune pour affronter les défis auxquels fait face la région.
Il est clair que le remodelage géopolitique en cours, la crise économique qui sévit et la marche, plus que jamais effrénée, de la mondialisation, imposent aux pays euro-méditerranéens de faire rapidement les bons choix, qu'ils soient d'ordre stratégique, économique ou politique.


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