Huit commandants de bord et neuf pilotes comptabilisant chacun près de 20 ans d'expérience au-dessus des nuages moisissent sur le tarmac... du chômage depuis deux longues années. Après le « krach » de Khalifa Airways, compagnie ayant appartenu au fantasque « milliardaire » algérien Abdelmoumène Khalifa, ces derniers ont été laissés sur le carreau. Air Algérie ne veut pas les reprendre. Le ciel étant fermé aux compagnies privées, que faire ?« Après la faillite de Khalifa, nous avions cru à l'avènement de nouvelles compagnies privées. » D'ailleurs, nous avions pris attache avec un ancien commandant de bord qui avait déposé un dossier d'agrément au niveau du ministère des Transports. Ils nous a demandé d'attendre que la tutelle délivre le sésame pour commencer. Un niet catégorique du ministre en place est venu briser notre rêve et mettre fin à notre espoir de regagner le ciel. Pas de privés pour l'instant. Où donc travailler ? Nous ne savons rien faire que piloter. La compagnie publique Air Algérie refuse de nous recruter », s'est indigné un des commandants de bord. Ces « aviateurs » chômeurs ont frappé à toutes les portes avant de finir au Palais du gouvernement. Ils ont ainsi demandé audience au chef du gouvernement, Ahmed Ouyahia, le 12 février, par le biais d'une lettre remise au bureau de l'organisation générale du gouvernement. Dans cette lettre, les 17 signataires ont rappelé qu'ils avaient déjà travaillé pour Air Algérie avant de rejoindre, suite à l'ouverture du marché, Khalifa Airways. Pour eux, c'était leur situation socioprofessionnelle d'alors, jugée peu confortable pour une telle profession, qui les avait poussés à quitter la compagnie publique pour le privé qui leur faisait des offres alléchantes. Des années se sont écoulées et la situation a bien changé. Plusieurs petites compagnies aériennes, nées dans la foulée de l'ouverture du marché aérien, ont fini par déposer leur bilan, laissant leurs employés en chômage. A titre d'exemple, Eco Air, Antinea, Sahara Airline, et ce, avant que Khalifa Airways ne vienne fermer une parenthèse d'une expérience remontant à un passé récent ont eu également à laisser en rade leur personnel. Face à leurs charges familiales, ces contestataires ne veulent surtout pas s'abandonner à leur destin. Ils menacent d'ores et déjà d'aller vers une grève de la faim dans le cas où la tutelle ne prendrait pas en charge leur droit au travail. « Ils veulent nous enterrer vivants. Est-ce que nous ne sommes pas qualifiés ? Ne sommes-nous pas des Algériens ? Air Algérie vient de recruter 20 pilotes qui ont zéro heure de vol. Sont-ils plus compétents que nous ? Plus rentables que nous ? C'est quoi ça ?! », s'est demandé notre interlocuteur. « Le ministre des Transports avait dit que l'arrière-pensée de la fermeture du ciel aux compagnies privées était de favoriser Air Algérie et lui permettre de refaire peau neuve. En revanche, on a vu que, dernièrement, la compagnie avait affrété 11 avions de la compagnie turque Pegasus, avec équipage. Les pilotes de ces avions sont payés 10 000 dollars chacun en plus d'une prise en charge dans des hôtels de grand standing. Cela arrange-t-il vraiment la situation de la compagnie ? », s'est-il encore interrogé. Le PDG de la compagnie, Tayeb Benouis, s'exprimant, dernièrement, sur cette question, avait juré de n'accepter aucun pilote ni commandant de bord ayant abandonné Air Algérie pour Khalifa dans des moments très difficiles. Pour le PDG, ces gens-là lui avaient laissé à l'époque des avions cloués au sol. A bien le comprendre, ceux-ci n'avaient pas respecté les clauses du contrat. Revanche ? Difficile de répondre. Les contestataires considèrent que la compagnie recourt aux deux poids, deux mesures. Comment ? Selon eux, Air Algérie a déjà recruté 20 pilotes de l'ex-Khalifa Airways. M. Benouis a tout à fait corroboré cela, en précisant qu'il s'agissait de ceux qui n'avaient pas travaillé à Air Algérie. Qu'à cela ne tienne. Est-il raisonnable de continuer à tourner le dos à des professionnels nationaux, sachant que le pays a déjà perdu des milliers de cadres ? En effet, d'autres, comme eux, ont déjà quitté le pays pour des cieux plus cléments. Près de 40 pilotes se retrouvent actuellement au Qatar, 20 à Nouvel Air Tunisie, 7 à Madagascar et 4 en Inde. Il y a aussi 5 autres commandants de bord qui travaillent pour Air Luxor, compagnie privée portugaise.