De nombreux parents exploitent leurs enfants en les obligeant à ramener chaque jour un sac rempli de pain sec, sous peine de châtiments corporels. La mendicité dans les Ziban s'étend et prend de l'ampleur par les temps qui courent et renvoie (pour les anciens) à l'époque d'avant la révolution de novembre 1954. Elle est favorisée, disent-ils, par la paupérisation de larges franges de la société. Cette dernière est elle-même bouleversée par les mutations profondes du tissu socioéconomique et particulièrement par la délitescence des liens familiaux et autres attaches tribales qui assuraient naguère la cohésion, et surtout la solidarité entre membres d'une même communauté urbaine et a fortiori rurale. Ces sages, sans être des spécialistes, expliquent l'augmentation spectaculaire du nombre de personnes vivant aujourd'hui de secours officiels, d'aumônes et autres libéralités dans les Ziban. Deux facteurs qui ont, pense-t-on, encouragé un afflux considérable des populations des wilayas limitrophes, en plus de l'exode rural en raison du boom économique qu'a connu le secteur agricole local. A Biskra ville, aucun endroit n'est épargné par le spectre affligeant de ces personnes âgées en guenilles, ou de jeunes femmes en hidjab respectable, souvent entourées de gamins pieds nus pour susciter la compassion. D'autres font mine d'allaiter ou de bercer un nourrisson affamé qu'elle aurait emprunté pour la journée, disent les mauvaises langues, à des mamans complaisantes qui joignent ainsi l'utile à l'agréable puisqu'elles reçoivent, en contrepartie, une somme rondelette à la fin de chaque journée de « travail ». Trottoirs, carrefours, places de marchés et parvis de mosquées, sont les endroits stratégiques que se disputent ces émigrées de l'intérieur et transforment en cour des miracles. Les cités n'échappent pas à une forme plus insidieuse de mendicité : des parents indignes exploitent leur progéniture en âge d'être scolarisée. Ces familles venues de nulle part exigent de leurs enfants, analphabètes malgré eux, qu'ils fassent du porte-à-porte pour demander du pain sec. Généralement c'est une bande de trois à quatre gamins et gamines, forcés à ne revenir au bidonville qu'après avoir rempli des sacs plus hauts qu'eux. Selon une enquête faite par des étudiants du département de sociologie de l'université Mohamed Khider de Biskra, de nombreux parents exploitent leurs enfants en les obligeant à ramener chaque jour un sac rempli de pain, lequel sera vendu aux éleveurs de bétails entre 50 et 80 DA l'unité, sous peine de châtiments corporels ou autre maltraitance parentale. Le plus aberrant dans cette activité, c'est qu'elle peut déboucher sur le délit, sinon le crime, car des gamins munis de sacs, faisant mine de quémander, sont utilisés par des malfaiteurs pour leur signaler les habitations dont les propriétaires sont momentanément absents, pendant que d'autres mineurs font carrément le guet lors des fric-fracs éclair, précise l'enquête.