Ces trois cités les plus importantes du pays croulent sous les ordures et toutes sortes d'immondices, sans oublier les façades décrépies des immeubles infestés de rats et de cafards, et où les jeunes délinquants, organisés en véritable bandes, sont devenus les maîtres de la ville. Les raisons qui ont donné naissance à ces appellations n'existent plus aujourd'hui, à l'image d'Oran que je viens de redécouvrir après 35 ans d'absence. Forcé à vivre sous d'autres cieux plus cléments, je n'ai pas cessé, durant cette période, de m'informer grâce à des amis, restés en Algérie et m'enquérir sur tout ce qui touche Oran, de près ou de loin, la ville qui m'a vu naître, il y a de cela 53 ans. Après avoir réglé l'épineux problème du service national, j'ai décidé, après 35 ans d'éloignement, de rentrer au pays, non pour passer des vacances (il n'en existe plus en Algérie), mais pour des raisons familiales strictes. Le premier contact, c'était à l'aéroport d'Es Senia, d'abord un personnel (douaniers et policiers, mis à part quelques-uns) pas très accueillant et n'hésitant pas d'ailleurs à vous poser des questions insidieuses et malveillantes, peu respectueux et scrupuleux de l'éthique professionnelle, et des règles les plus élémentaires de la morale. Le fait le plus marquant au sein de cette infrastructure, c'est le manque flagrant d'organisation et l'anarchie qui y règne. Arrivé au centre-ville, je découvre celle qu'on nomme hypocritement et cyniquement El Bahia, une piètre copie de son homonyme Salavador de Bahia, une ville brésilienne sur la côte atlantique. Je découvre une ville où pullulent, le long des rues et routes, les décharges, les dépotoirs et autres sacs en plastique aux différentes couleurs. Le marché de poisson se fait au milieu des rues, en plein soleil et sans aucune mesure d'hygiène. Il s'agit d'un crime contre notre terre. Si la situation ne change pas, notre pays entier sera une décharge à ciel ouvert. Il est évident que la population n'a jamais été sensibilisée correctement sur ce problème. Si des sanctions (grosses amendes par exemple) étaient prises à l'égard des populations, ce problème disparaîtrait. Le manque d'hygiène au niveau des plages et des restaurants, à titre d'exemple, est flagrant et répugnant. Force est de constater aujourd'hui que notre pays n'est pas du tout prêt à accueillir les touristes, il n'est même pas capable d'accueillir les Algériens résidant à l'étranger. Nous avons donc beaucoup de chemin à faire. Il n'y a pas d'infrastructures, pas d'hôtels répondant aux normes internationales, pas de personnel qualifié. Après les retrouvailles familiales et des promenades en ville, j'ai vite constaté que la ville d'Oran était devenue l'incarnation par excellence de l'insécurité en tout genre, une ville où tous les moyens sont bons pour vous chiper votre sac, votre portable, votre porte-monnaie, vos bijoux et même des voitures. Des informations rapportées par les différents journaux de la presse nationale font état de vols commis par des voyous sur des personnes même à l'intérieur de leur véhicule, surtout au niveau de l'axe qui mène du port vers la localité d'Aïn Turk, particulièrement durant la période estivale. Une ville où, me semble-t-il, le dispositif sécuritaire mis en place s'avère peu efficace à côté des bandes organisées qui sèment la panique et la terreur dans la ville. Des événements douloureux et tristes, des actes d'une rare atrocité, des crimes parfois en plein jour sont commis dans des quartiers tels que Saint Pierre, Maraval, les Planteurs, M'dina J'dida, Gambetta, Choupot et autres. Ces épisodes tragiques surviennent, toutes proportions gardées, dans d'autres villes du pays, mais à Oran, c'est démesuré. Parfois, je me dis qu'il y a une sorte d'impunité, un laisser-faire de la part des pouvoirs publics chargés de faire régner l'ordre et la sécurité. Ou alors, le nombre de bandits et de réseaux criminels sont tellement nombreux que les dispositifs mis en place s'avèrent insuffisants et inefficaces. Oser s'aventurer dans les dédales de M'dina J'dida ou El Hamri, c'est courir de gros risques, pouvant être parfois fatals, c'est-à-dire jusqu'à causer la mort. Se promener en famille, de jour comme de nuit, s'avère une entreprise périlleuse et aléatoire et on continue d'appeler cette ville El Bahia, qu'elle impudence, c'est une honte innommable ! Devenu nostalgique malgré moi, à cause d'un présent morose et lugubre, je me rappelle que durant les années 1970, des amis à moi, venant de tous les coins du pays passer des vacances à Oran, trouvaient cette ville gaie, joyeuse et tranquille. Les balades nocturnes, dans les rues de la ville ou du côté du Front de mer, étaient réellement un immense plaisir. L'étranger, quand il se rendait à Oran pour une visite, était protégé et n'avait pas besoin d'être escorté pour être sécurisé. Où en est-on actuellement ? Même les Oranais respectables, ou ceux qui en restent, ne se sentent plus en sécurité. Un ami d'enfance me confia qu'il n'osait pas sortir tôt le matin pour voyager de peur d'être agressé. Récemment, deux jeunes originaires de la ville d'El Amria (une localité pas loin d'Oran), allaient perdre la vie pour une histoire banale de portables, ils n'ont dû leur salut qu'à l'intervention de quelques braves gens. Même les forces de l'ordre en faction, dans les différents axes de la ville, ne vous sont pratiquement d'aucun secours, c'est tout juste s'ils arrivent à se défendre eux-mêmes. Des amis oranais de souche n'ont pas caché le fait qu'ils sont armés de couteaux et d'outils tranchants, afin qu'ils puissent faire face, le cas échéant, à toute agression ou atteinte à leur personne. Jusqu'à quand pourra durer cette impunité et cet état de jungle qui caractérise la ville d'Oran. Permettez-moi cette réflexion, moi qui suis d'Oran, ce ne sont pas les bandes de voyous et délinquants qui sont aussi puissants et invincibles, mais c'est le dispositif sécuritaire mis en place qui présente des failles et des lacunes et semble être très dérisoire face à la montée fulgurante et foudroyante de la criminalité et du banditisme. Beaucoup de personnes, interrogées sur le sujet et son impact sur une ville comme Oran, nous révèlent fatalement et avec résignation que l'échec scolaire et l'arrêt précoce du processus scolaire sont les responsables majeurs de ce fléau et cette violence. A mon humble avis, c'est un schéma réducteur de la réalité, c'est un argument qui ne tient pas la route. Si être chômeur c'est se permettre de commettre des actes odieux et abjects envers de paisibles citoyens, juste pour le prétexte qu'un chômeur est démuni de moyens financiers et qu'il doit vivre, et bien la réponse à ce genre de raisonnement, c'est ridicule, absurde et grotesque. J'étais chômeur pendant de longues années, mais cela ne m'a jamais incité à m'attaquer aux biens d'autrui. Il s'agit d'un problème d'éducation et de morale. Une autre histoire qui vous confirme que l'insécurité à Oran a de beaux et longs jours devant elle. Un policier, voulant appliquer la loi à M'dina J'dida s'est fait tabasser par des voyous et des malfrats, presque à mort en 2007. Quelle a été la réaction des pouvoirs publics (la sûreté d'Oran) ? Ils ont trouvé la plus simple ! Ne plus envoyer de flic dans cet endroit. C'est ainsi que M'dina J'dida appartient, de jour comme de nuit, aux multiples groupes de malfrats et de délinquants qui sillonnent les lieux et n'hésitent pas à commettre leur forfait en toute impunité en semant la terreur parmi les citoyens, impuissants et désarmés. La montée ou la croissance de la délinquance et la criminalité placent la ville d'Oran en pole position, à l'échelle nationale, c'est triste et décevant comme distinction, une ville qui possède pourtant des atouts géographiques et humains pour faire figure d'une cité moderne et fréquentable. Beaucoup de gens qui vont me lire s'étonneront de cette description, de ce récit, ils diront peut-être que c'est exagéré et démesuré, que ce portrait est digne d'un village du far west, à la différence qu'au far west, les citoyens sont armés tandis qu'à Oran il n'y a que les criminels et les délinquants qui le sont. Pour ceux qui doutent encore ou traduisent mes propos de fantaisistes ou d'extravagants, je les invite, seuls ou en famille, à aller passer quelques jours à Oran, après ils pourront eux-mêmes juger l'étendue des dégâts. Le tableau noir que je viens de dresser sur la ville d'Oran n'est pas le résultat d'une fiction ou d'un roman policier, mais c'est malheureusement la réalité devenue un aspect inéluctable vécu telle une fatalité par les pauvres citoyens de cette cité. Aussi, c'est une vérité que seuls les hypocrites et les aveugles refusent de voir. Les déclarations des autorités cloîtrées dans leurs bureaux depuis leurs salons veloutés sont loin du compte et de la réalité que seul le citoyen d'Oran peut rendre compte et apprécier, puisqu'il la vit tous les jours. Etant Oranais, je suis très triste et affligé pour le devenir de la ville qui m'a vu naître et où j'ai passé l'essentiel de ma jeunesse. Jadis, une ville de villégiature et de tourisme, Oran est devenue, par les temps qui courent, une ville infréquentable et triste, les visiteurs étrangers ne se bousculent plus au portillon, ils viennent beaucoup plus par nécessité. Le plaisir et l'évasion ne sont pas inscrits au menu, du moins pour l'instant. Que les gens sages et respectueux de leur ville fassent preuve d'orgueil et de fierté afin que cette ville retrouve son charme d'antan et ses lettres de noblesse afin qu'elle puisse être fréquentable de nouveau. Tout le monde est concerné par cette renaissance : pouvoirs publics et citoyens. La situation dans laquelle se trouve la ville mérite un débat, c'est urgent. Il va de la survie de la ville et de ses habitants. Faire preuve de civisme, c'est donner une raison à son existence, ne pas le faire, c'est renier cette raison et s'inviter à vivre une vie indigne des êtres humains. Je rentre en Suisse, le cœur serré et triste, je ne vous cache pas mon pessimisme. Des lendemains heureux et prometteurs ne sont pas inscrits dans l'agenda actuel, on est encore au stade du rêve et du désir. Nous aimons l'Algérie et notre souhait le plus cher est de la voir en tête des pays développés. C'est en mettant sur la table tous les problèmes que l'on peut faire avancer les choses.