Il n'y a pas de pauvres en Algérie, ce n'est qu'une invention des médias », c'est ce qu'a déclaré le ministre des Affaires religieuses, il y a quelques jours, à la radio. Il en veut pour preuve de son assertion le million et demi d'Algériens qui passent chaque année leurs vacances en Tunisie et les milliers de pèlerins qui effectuent le hadj tous les ans. Voilà un ministre de la République qui nie ce que le gouvernement a assurément voulu minimiser ces derniers temps, sans avoir tout de même le culot de l'occulter totalement. Passons sur le fait inquiétant qui pousse on ne sait pour quelle raison nos « gouvernants » à ne se rappeler les pauvres que la veille de chaque Ramadhan, à travers un alignement des chiffres transmis par le ministère de la Solidarité sur le nombre de repas servis aux nécessiteux, accompagnés de satisfecit du premier responsable du secteur, M. Ould Abbès, annonçant un recul du fléau qui ne concernerait qu'un peu plus de 72 000 personnes. Or, en l'absence d'une enquête fiable sur la pauvreté, la dernière en date remonte à 2005, effectuée par le Centre national d'études et d'analyse pour la population et le développement (Ceneap), sur la base d'un échantillon et donnait un taux de plus de 11% de la population vivant sous le seuil de pauvreté, il est impossible de dire quelle est aujourd'hui avec exactitude la proportion des Algériens touchés par la misère. Il faut tout de même savoir qu'il y a une quinzaine d'années, la Banque mondiale publiait conjointement avec l'Office national des statistiques une enquête qui faisait ressortir que 23% des Algériens vivaient avec un revenu inférieur de 1,6 dollar en 1995 ! La plus forte proportion vivait dans les campagnes. Le même rapport avait recensé 177 communes rurales totalement déshéritées. Des estimations récentes et des enquêtes officieuses, non publiées et réalisées par des services de sécurité, ont estimé que la pauvreté toucherait actuellement 10 millions de personnes. Tous ces chiffres, au risque de contredire le ministre et on se doit de le faire, sont loin d'être une invention des médias et ne sont que les résultats des enquêtes et études demandées par les gouvernements successifs depuis 1995. Elles ont été à l'origine de mesures, comme le filet social, qui n'ont souvent pas eu l'effet de réduire la pauvreté et encore moins de l'éradiquer totalement, n'en déplaise encore une fois à M. Ghlamallah, tout simplement parce qu'elles n'ont pas « ciblé » les populations qui en avaient le plus besoin. Ce qui a eu pour conséquence un accroissement constant de la pauvreté, notamment chez les jeunes et les personnes âgées. Une réalité qui a fait dire à plus d'un analyste que l'Algérie est un pays riche avec une population de plus en plus pauvre. Faut-il rappeler au ministre des Affaires religieuses qu'il ne faut pas aller très loin pour constater cette amère réalité, il suffit à peine de sortir d'une des 15 000 mosquées pour voir ces dizaines de femmes et d'enfants demandant la charité.