L'Algérie ne compte pas de pauvres, et affirmer le contraire n'est autre que l'œuvre divagante de nos médias. C'est ce que pense notre ministre des Affaires religieuses, Bouabdallah Ghlamallah, qui se réfère dans ses assertions au nombre important de compatriotes qui passent chaque année leurs vacances d'été en Tunisie voisine et à ceux qui se permettent des voyages onéreux ailleurs. Au-delà de l'indécence et de la légèreté que supposent de tels propos, il serait intéressant de savoir dans quelle Algérie vit notre ministre, quand bien même son statut lui confère automatiquement un train de vie qui le distingue du reste des Algériens. Les dizaines de nécessiteux qui jonchent nos rues et boulevards en quête de charité et dont le nombre s'accroît de manière inquiétante en ce mois de jeûne seraient-ils une invention des journaux en mal d'inspiration ? Prétendre qu'il n'y a pas de pauvres dans notre pays est une offense à ceux qui se débattent ardûment et au quotidien dans les mailles martyrisantes et humiliantes de la misère et du dénuement. Une blessure de trop pour leur orgueil malmené par les turpitudes impitoyables d'une vie que personne n'envierait. Notre ministre du culte n'a-t-il pas à ce point le sens de la réalité pour ignorer les chiffres sans cesse augmentant d'Algériens qui rompent leur jeûne grâce à un couffin donné au nom d'une solidarité qui leur permet de survivre le temps d'un mois qui se veut de piété et de partage. Cette solidarité qui permet cette année à près d'un million et demi de concitoyens de calmer leur faim d'une manière ou d'une autre à l'heure ou d'autres Algériens se goinfrent d'une multitude de mets aussi copieux qu'exquis. Fort heureusement, il s'en trouve qu'ils sont nombreux ceux qui ne pardonnent pas à leur conscience de ne pas partager ce dont la providence les a gâtés avec ceux qui n'ont pas eu le privilège de vivre décemment. C'est cette notion ancestrale de solidarité qui a de tout temps constitué un rempart contre les affres de l'indigence et les vicissitudes du besoin tant qu'elle se traduisait par un élan instinctif et sincère de générosité envers l'autre. Une expression authentique qui s'est vérifiée dans bien des circonstances pénibles notamment lorsque l'Algérie a été frappée par des calamités naturelles qui font réagir des citoyens pour prêter main-forte aux plus exposés au danger de mort. Si bien que, face à ces douloureux moments, ces gestes de magnanimité et de sacrifice ont souvent l'effet de baume qui réchauffe les cœurs les plus meurtris. A mesure que les temps se faisaient de plus en plus difficiles, certains ont dû, par la force des choses, renoncer à être généreux, devenus eux-mêmes otages du souci de lendemains plus incertains que les veilles. Du coup, l'Etat devait s'approprier davantage les actions de solidarité pour soutenir les couches les plus défavorisées, plus précisément durant ce mois de jeûne. Parce que la solidarité tient grandement chez nous des préceptes de la foi, l'on se demande si notre ministre du fait religieux a bien mesuré la teneur de ses propos ? M. C.