Fixée initialement pour la fin de l'année, la traditionnelle tripartite a finalement été avancée au mois d'octobre prochain. Les raisons du réaménagement de l'agenda du gouvernement ne sont pas difficiles à deviner. Face à la paupérisation galopante de la société, à la dégradation vertigineuse du pouvoir d'achat et à la hausse du chômage, il paraît évident que ce rendez-vous qui réunira l'Exécutif, l'UGTA et les représentants des organisations patronales aura pour but de tenter d'apaiser le mécontentement de plus en plus manifeste de la population. Bref, éviter que les ratés de la machine économique nationale et l'incapacité des politiques gouvernementales à créer de la prospérité, du travail et des richesses ne servent d'ingrédients à une crise ou pire à une révolte sociale. Mais faut-il pour autant attendre grand-chose de cette tripartite ou plutôt le gouvernement a-t-il les moyens de réponde aux attentes alors que les revenus du pays sont en constante baisse ? Peu probable, cela d'autant que les partenaires du gouvernement ne sont pas connus pour frapper du poing sur la table. Quelle crédibilité donner en effet à un dialogue social dont les principaux acteurs ne sont pas réellement représentatifs ni du monde du travail et ni même du patronat. Car s'il faut s'attendre à ce que le gouvernement, à travers cette tripartie, donne l'illusion d'être à l'écoute des doléances de la population en concédant notamment une augmentation symbolique du Salaire national minimum garanti (SNMG), il est possible qu'il tente aussi de calmer un patronat encore assommé par les dernières mesures décidées dans le cadre de la loi de finances complémentaire (LFC) et cela en lui concédant peut-être quelques petits avantages. Au-delà, la tripartite apparaît n'avoir d'autres objectifs que de cautionner une politique du fait accompli et de mener un dialogue de façade. Dans le cas où le gouvernement avait vraiment voulu lancer un débat démocratique sur la crise économique et son impact sur le pays ou ouvrir des négociations véritables sur le dossier des salaires, il aurait fallu qu'il convie à la table des négociations non pas les éternels sous-traitants avec lesquels il a l'habitude de discuter mais plutôt des interlocuteurs connus pour leur crédibilité tels les responsables des syndicats autonomes et les représentants du Forum des chefs d'entreprises. Il aurait fallu aussi, au lieu qu'il concocte une loi de finances complémentaire à la sauvette et qui a fini par bouleverser le milieu économique, qu'il prenne la peine, au moins pour sauver les apparences, d'en informer l'opinion. C'est ainsi qu'en l'absence, à cette tripartite, de contre-pouvoir et de vis-à-vis sérieux – qui ont à l'esprit autre chose que le seul souci de jouer au pompier et d'aller dans le sens du poil – , qui peut véritablement veiller à ce que le rendez-vous du mois d'octobre prochain ne se transforme pas en un marché de dupes ? Personne bien évidemment. Dans ces conditions, cette rencontre à laquelle les travailleurs attachent beaucoup d'espoir risque de reproduire les mêmes refrains populistes entendus lors des tripartites qui ont eu lieu ces dernières années. En tout cas, l'idée consistant à réhabiliter le pouvoir d'achat en augmentant le SNMG est loin de séduire. De nombreux observateurs pensent, à ce propos, que la lutte contre la pauvreté et la précarité sociale nécessite bien plus que des demi-mesures tant le mal est profond. Dans l'état actuel des choses, c'est toute la politique des salaires qui doit être revue.