À l'exception de la prime de rendement, les neuf points inscrits à l'ordre du jour n'ont reçu que des réponses partielles. Les fonctionnaires des corps communs, des personnels de l'administration locale et de certains corps spécifiques verront leurs primes de rendement augmentées de 20%. Cette augmentation prend effet à partir du premier septembre 2003. Elle concerne 877 000 agents de la Fonction publique, oubliés lors de la dernière revalorisation des salaires. C'est la principale décision à laquelle sont parvenus le gouvernement et l'UGTA après plus de 18 heures de négociations non-stop. La bipartite gouvernement-Union générale des travailleurs algériens a débuté jeudi à 10 heures pour ne prendre fin que hier, à 6 heures avec la signature du communiqué final par le chef du gouvernement et du secrétaire général de l'UGTA. Par catégorie, la prime de rendement des corps communs et ouvriers professionnels (320 000 agents) passe de 10% actuellement à 30% ; celle des personnels de l'administration communale (305 000 agents) de 5% à 25%. Pour les corps spécifiques, 245 000 agents découvriront, sur leur fiche de paye, à partir de ce mois, la prime de rendement de 20% qui n'existait pas auparavant. Le coût de ces augmentations a été chiffré par Ouyahia à 30 milliards de dinars. L'UGTA a demandé une valorisation de 40%. Elle n'a obtenu que 20%. Le gouvernement estime que “les mesures budgétaires demeurent fragiles”. Les huit autres questions inscrites à l'ordre du jour n'ont reçu que des réponses partielles, même si Ahmed Ouyahia, dans son allocution d'ouverture, avait souligné “l'intérêt que le gouvernement accorde aux préoccupations exprimées par l'UGTA et qui constituent autant de sujets partagés et auxquels des solutions et des démarches consensuelles devront nécessairement être apportées”. C'est le cas du Salaire national minimum garanti (Snmg), des salaires impayés et des décisions de justice notamment. Sur la question du Snmg, le gouvernement a exprimé son accord de principe pour une révision du Snmg qui, conformément à la loi, ce principe sera examiné avec la participation des représentants du patronat (public et privé), lors de la prochaine tripartite dont la date sera fixée entre les parties concernées. L'UGTA vise un Snmg entre 12 000 et 15 000 dinars. La centrale syndicale prépare un document “Budget familial type”. Elle estime que, pour qu'une famille de sept membres puisse vivre décemment, il lui faut un revenu de 22 000 dinars. Lors de la dernière tripartite, le secrétaire général de l'UGTA, pour convaincre ses partenaires du gouvernement et du patronat, est allé jusqu'à calculer les dépenses mensuelles d'une famille de cinq membres. Elles sont été estimées à 12 000 DA, sans la viande ni le poisson et avec en moyenne 10 œufs et 10 baguettes par semaine. C'est dire le degré de paupérisation de la population algérienne. Forte de cet argument, la Centrale syndicale avait proposé “un Snmg de 10 000 DA et une majoration des salaires pour les fonctionnaires de 25%”. Le Conseil des ministres a seulement porté le Salaire national minimum garanti de 6 000 à 8 000 DA. Il avait, par ailleurs, décidé de relever des salaires de la Fonction publique de 15%. Le secrétaire national, à l'époque, avait jugé “insuffisante l'augmentation” eu égard à la détérioration du pouvoir d'achat des travailleurs. Concernant les salaires impayés de certaines entreprises publiques, et qui, semble-t-il, concernent plus de 70 000 travailleurs, le gouvernement et l'UGTA se sont mis d'accord sur le règlement de la question “sur une période transitoire allant jusqu'au 31 mars 2004”. Au-delà, “un dénouement doit être trouvé, soit par la relance de l'activité desdites entreprises, soit par leur reprise, y compris par les travailleurs, soit conformément à la loi”. Cet épineux problème, faut-il le rappeler, a été posé à trois reprises en bipartite et tripartite, sans qu'une solution soit trouvée. Cette fois-ci, une cellule mixte a été créée pour le suivi de l'accord. L'UGTA a, par ailleurs, sollicité “l'intervention énergique du gouvernement pour mettre fin à la non-application des décisions de justice d'intégration des travailleurs abusivement licenciés”. Cette question, tout comme celle des salaires impayés, est récurrente. Le gouvernement a rassuré l'UGTA de sa disponibilité à mettre en œuvre tous les moyens pour prendre en charge les préoccupations exprimées par l'UGTA, “pour préserver les droits des travailleurs concernés et faire respecter les décisions de justice”. L'ordre du jour de la bipartite comprenait aussi la réforme du statut de la fonction publique, la stratégie économique en direction des entreprises publiques économiques, y compris le secteur énergétique, l'adaptation du système de sécurité sociale au nouvel ordre économique et social, l'élargissement des possibilités d'accès des travailleurs au logement et, enfin, le Fonds syndical d'investissement pour l'emploi. Les négociations ont été terminées, hier, à 4h30 du matin. La fatigue se lisait sur les visages des négociateurs. Le ministre des finances et certains syndicalistes somnolait. Ouyahia et Sidi Saïd se sont par la suite retirés, en tête à tête, pour apporter les dernières retouches au communiqué final. Ce dernier a été signé à cinq heures. Le chef du gouvernement et le secrétaire général de la centrale syndicale ont, par la suite, répondu aux questions de quelques journalistes restées jusqu'à la fin des négociations. Les deux parties se disent “satisfaites” des résultats de la bipartite. Le patron de l'UGTA juge les résultats “très corrects et même satisfaisants”. Pour lui,“il n'était pas évident dans une conjoncture aussi difficile, d'obtenir ce genre de résultat”. M. R. Repères Le chef du gouvernement a été interrogé sur certaines questions politiques à l'issue de la bipartite. Même s'il trouve les questions sans rapport avec le sujet, c'est-à-dire la bipartite, il a tenu tout de même à répondre. Abassi Madani : Interrogé sur les déclarations politiques de Abassi Madani à partir de Kuala Lumpur, le chef du gouvernement soutient que “l'époque de l'anarchie est terminée”. Pour lui, la république est solide, pour le reste, “nous l'évaluerons au moment voulu”, souligne-t-il. Le chef du gouvernement affirme que l'Etat algérien a délivré un passeport à Abassi Madani pour des soins à l'étrangers. Dialogue avec les archs : Ouyahia se dit optimiste quant à l'aboutissement du dialogue. Un groupe a été constitué au niveau de la chefferie du gouvernement et travaille à préparer la rencontre avec les délégués du mouvement citoyen. “Nous sommes en train de travailler. Nous comprenons parfaitement que les archs doivent s'organiser aussi. Nous suivons avec beaucoup d'intérêt ce qui se passe chez eux et les préparatifs qu'ils mènent”, a-t-il dit. Presse : Le chef du gouvernement maintient que les problèmes qui opposent certains journaux aux sociétés d'impression sont des “problèmes économiques”. “Ceux qui ont payé sont sortis. J'espère que les autres payeront et sortiront”, a-t-il dit. Par ailleurs, le chef du gouvernement renvoie “l'effervescence politique” que connaît l'Algérie, à l'agenda politique qui “fait que certains le vivent avec une certaine effervescence”, ajoutant qu'il s'agit d'un climat “d'un pays qui vit ses réalités avec une sérénité”.