Qu'y a-t-il lieu de faire pour faire valoir ses droits ? L'on aura compris que faire valoir ses droits lorsque l'on est victime de bévues est un véritable parcours du combattant. Rares, voire inexistants sont les organismes ou associations à même d'aider ces personnes et leur indiquer la marche à suivre. La première démarche à accomplir, en cas de suspicion d'erreur, est de demander au médecin ou carrément à la structure sanitaire le compte-rendu opératoire ou la fiche de traitement. Ces dossiers techniques sont indispensables aux experts afin de s'assurer du respect ou non des procédures et des protocoles. Y sont enregistrés les signes vitaux du patient et le déroulement de l'intervention, qui peuvent renseigner sur une anomalie dans le timing du traitement, la nature de la prise en charge et sa qualité. De même, ces fiches permettent de juger qu'un geste médical a été judicieux, salutaire, nécessaire ou fatal. Ensuite, une fois ce document obtenu, plusieurs juridictions peuvent et doivent être saisies, car une faute médicale est différemment appréciée par une cour de justice professionnelle qui est le conseil de discipline de l'Ordre des médecins, par une cour de justice civile ou pénale qui est le tribunal civil ou pénal. Ces institutions ont des prérogatives différentes et interviennent dans des domaines distincts. « Le citoyen peut même se référer à ces deux instances en même temps, la première donnant une condamnation morale, la seconde étant la seule habilitée à ordonner l'octroi de dommages et intérêts », expose un avocat à la cour. Réparation judiciaire La partie qui a subi le préjudice, la victime ou ses ayant droits, peuvent porter directement plainte auprès de la juridiction civile ou, si l'erreur est gravissime, le parquet, le procureur de la République ou le juge d'instruction se doivent d'engager des poursuites de leur propre chef. L'affaire entrera dans le cadre d'une plainte dans le pénal pour coups et blessures involontaires, voire homicide involontaire, et sera jugée en correctionnel. Ainsi, les personnes incriminées sont passibles de peines de prison ferme ou avec sursis, d'amendes mais aussi et surtout de dommages et intérêts. Cependant, rares sont les affaires qui aboutissent en faveur des plaignants et minces sont leurs chances d'obtenir gain de cause, une condamnation ou un dédommagement, « particulièrement quand c'est un professeur qui a pignon sur rue ou qui active dans les hautes sphères. Lorsqu'il s'agit d'un petit médecin ou que le scandale prend de l'ampleur médiatique, tout va très vite et la procédure suit sa cadence normale », déplore le fils d'une victime de bavure médicale, qui ajoute : « Sinon, c'est appel sur appel, jusqu'à la Cour suprême. En général, les victimes ne peuvent pas suivre financièrement et il y a beaucoup plus d'acquittements que de condamnations. » Sanctions professionnelles Dans le même temps, d'un côté « professionnel » la personne ayant subi un préjudice peut obtenir une condamnation morale. Et ce, en s'adressant au conseil de l'Ordre des médecins, par le biais de l'un de ses bureaux régionaux. Le conseil de discipline de cette juridiction professionnelle examine le dossier et fait appel à des experts. A l'issue du traitement du dossier, les membres du conseil statuent et aboutissent à l'une des quatre sanctions prévues en pareil cas : le blâme, l'avertissement, l'interdiction d'exercice temporaire et enfin l'interdiction définitive. « Sur les 200 infractions avérées, pour l'heure, il n'y a eu que des blâmes et des avertissements. Mais nombre d'affaires sont encore en jugement et nous ne pouvons pas nous prononcer ou statuer quant à ces cas tant que la justice n'aura pas rendu son verdict », précise le Pr Bekkat-Berkani, président de l'Ordre national des médecins. En sus de ces sanctions, les erreurs médicales peuvent aussi prendre une dimension administrative lorsque le drame a lieu dans un établissement public. Le cas échéant, plusieurs mesures réglementaires peuvent être prises, l'administration pouvant même diligenter de son propre chef une enquête, avec l'installation de commissions paritaires. « Cependant, cela s'applique surtout aux grosses affaires relayées par les médias et qui pourraient entacher la réputation d'un établissement », tempère un magistrat. De la transparence ! Evidemment, il est vrai qu'une part de risque est indéniablement indissociable de tout acte médical et que « l'erreur est humaine », comme arguent de nombreux praticiens. Toutefois, comme le souligne le Pr Bekkat-Berkani, il est impératif que « la profession ait le courage de regarder ses dérives et ses manquements en face et que ceux qui ont commis des erreurs prennent leurs responsabilités, qu'ils soient médecins ou administrations ». Et ce, en toute transparence, selon les sanctions prévues par la loi et par le code de déontologie médicale.