La réapparition des CNS signe-t-elle la volonté des pouvoirs publics de reprendre leur autorité dans une région où la colère continue à couver ? La ville de Darguina, à l'extrême est de la wilaya de Béjaïa a repris hier son calme après une émeute qui l'a secouée toute la journée de jeudi et à laquelle elle ne s'attendait pas. De nombreux habitants de Tadergount, un village de 2400 âmes, perché sur les hauteurs d'Adrar Amelal (mont blanc), à 7 km de la ville, ont crié leur colère de n'avoir pas de réseau d'eau potable et d'être oubliés par les plans de développement. Des slogans anti-pouvoir, pneus brûlés, jets de pierres, et puis gaz lacrymogènes, heurts et arrestations. Darguina a vécu une journée de colère qui aurait pu être celle des autres villes de la wilaya de Béjaïa, y compris au chef-lieu de wilaya, où des mouvements de protestation se sont fait entendre dans la rue et se sont multipliés. Jusque-là sans incidents. Les nombreuses actions de rue qui ont abouti à la fermeture de la voie publique dans les quatre coins de la wilaya ces derniers temps ont souvent été sanctionnés d'une fin « heureuse ». Les pouvoirs publics finissant dans la plupart des cas par accéder aux exigences des manifestants. Ce fut le cas, entre autres, à Souk El Tenine lorsque des citoyens ont fermé la RN9 pour protester contre la distribution « illégale » de locaux commerciaux. Promesse leur a été faite de les rétablir dans leurs droits avec, à la clé, un engagement écrit du P/APC. C'est au même aboutissement qu'ont eu droit les habitants de Tizi n'Berber qui ont manifesté, début septembre, contre la dégradation du réseau routier et l'augmentation des tarifs de la part des transporteurs. En fermant la même RN9 pendant deux jours, ils ont exigé une rencontre avec le wali. Ce qui fut fait. Décision est aussitôt prise de lancer sur le champ des travaux d'aménagement du chemin de wilaya dégradé. Avant même de descendre dans la rue, les élèves, leurs parents et le personnel du technicum de Sidi Aïch viennent de réussir à faire annuler la décision de fermeture de leur établissement. La fermeture des sièges d'APC est aussi une option à laquelle on a opté dans bien des cas. Et souvent avec gain de cause. Les habitants d'Ahamam, un village d'Amizour, ont réussi, après avoir assiégé le siège de l'APC, à faire déplacer les responsables de la DMI et leur arracher l'engagement d'inscrire leur localité sur les plans de raccordement en gaz naturel. A Barbacha, les habitants du village Boughiden ont laissé fermé le siège de l'APC une semaine durant, réclamant l'attention des autorités. Ils n'ont consenti à lever leur siège qu'au prix d'une rencontre avec l'exécutif de la wilaya qui a accouché d'un budget dégagé pour des projets de développement. Ces actions de rue que leurs initiateurs découvrent « efficaces » et qui font boule de neige semblent exacerber les autorités, à en juger par l'intervention des forces antiémeute à Darguina. Des CNS que l'on n'a pas vus depuis l'accalmie de l'après événements de Kabylie de 2001. Cette réapparition signe-t-elle la volonté des pouvoirs publics de reprendre leur autorité dans une région où la colère continue à couver, quitte à envenimer la situation ? Premier acte de ce retour à l'« ancienne » méthode : libération mardi dernier par la force publique de 50 logements sociaux squattés dans la ville d'Akbou.