Réformes économiques en panne, un climat des affaires des plus médiocres, un système bancaire déphasé, une bureaucratie étouffante, un rythme inquiétant des importations et des entreprises jetées pieds et poings liés à la concurence internationale. Tel est le malheureux constat dressé dans la soirée de lundi par les participants aux débats initiés par le Forum des chefs d'entreprises (FCE) autour du thème « La place de l'entreprise algérienne dans le plan quinquennal 2009-2014 ». Réda Hamiani, président du FCE, n'a pas été tendre dans son analyse de la politique économique nationale. « Le mode libéral de gestion a profité à l'informel, à travers les importations sauvages. L'économie de marché n'est pas synonyme d'ouverture. Ce sont les multinationales contre les petites PME. Le réseau informel s'est renforcé et l'ouverture a été dévoyée », regrette-t-il, d'emblée. Pour lui, les dernières mesures décidées par le gouvernement, notamment le paiement des opérations du commerce extérieur, signent « un processus de fermeture ». « L'entreprise algérienne est déstabilisée », juge-t-il, en qualifiant de « gifle » le classement de l'Algérie à la 167e place par le rapport du Doing Business. « Les mauvais résultats sont la conséquence de l'ouverture et du mauvais environnement », renchérit M. Hamiani, qui dit être convaincu que la politique de relance économique « a montré ses limites ». « Nous avons besoin d'une stratégie de développement et d'une vision à long terme. Le choix de IDE est judicieux » , plaide-t-il. L'économiste Abdelmadjid Bouzidi a dressé un autre diagnostic de l'économie nationale. Selon lui, l'économie nationale dispose de beaucoup d'atouts : le payement de la dette, d'importantes réserves de changes et un fonds de régulation des recettes. Même s'il estime que la politique de relance par la demande a permis un retour de croissance, M. Bouzidi souligne néanmoins que l'Algérie peut mieux faire. En revanche, il rappelle que « notre économie est trop peu protégée ». « C'est le bazar. On remarque une explosion des importations au détriment de la production nationale. La relance a atteint ses limites. On ne peut plus continuer à injecter de l'argent. Il faut passer des politiques conjoncturelles vers des politiques structurelles. Il faut aller vers une politique de l'offre (…) », plaide-t-il. Pour le moment, M. Bouzidi déplore le fait que les réformes économiques soient à l'arrêt. Soutenant que le gouvernement doit encourager l'entreprise nationale, il réclame à ce que 15 à 20% des plans de relance doivent aller directement aux PME. « Il faut construire une entreprise performante. Le rôle de l'Etat est déterminant dans ce cas », dira-t-il. Mouloud Hedir, ancien directeur du commerce extérieur ayant eu à négocier l'adhésion de l'Algérie à l'Organisation mondiale du commerce, considère que l'évolution du commerce extérieur est profondément inquiétante. « En l'espace de quelques années, les importations ont explosé sans effet majeur sur la croissance », estime-t-il. Une situation qui, selon lui, interpelle les pouvoirs publics. Rappelant que les entreprises nationales sont mises à rude épreuve en raison de la concurrence due à l'ouverture économique, M. Hedir estime que les autorités doivent trouver une meilleure solution pour protéger les entreprises algériennes. « C'est plus facile d'importer que de produire. Les problèmes de l'entreprise de production ne sont pas posés de la façon qui devrait être. Il faut des contrats de performance pour impliquer les PME. (…) Il faut mettre le focus sur l'entreprise d'autant plus que ces mêmes entreprises ploient sous une tonne de problèmes et que personne n'en parle », analyse-t-il, en rappelant que l'Algérie doit penser à une ouverture « qui correspond à ses intérêts ». D'après lui, la participation des entreprises nationales aux plans de relance reste dérisoire. « Le fait de se focaliser sur l'entreprise est plus important que la vitesse de réalisation d'un projet. Il faut des politiques volontaristes », souligne-il, en notant que l'Etat se doit de mettre en place un véritable mode de gestion à l'endroit des entreprises. « Dans les autres pays, il existe 4 500 modes de gestion d'aide à l'industrie. Le marché ne peut rien faire tout seul », prévient-il. De son côté, Mustapha Mekkidèche, consultant en stratégie, a mis en exergue, citant les conclusions du rapport du Doing Business, la médiocrité du climat des affaires en Algérie, classée d'ailleurs à la 92e place sur 133 pays dans le monde. Par ailleurs, M. Mekkidèche pose, s'agissant du processus de la privatisation, un préalable de taille : la stabilisation du cadrage juridique et la mise à niveau des entreprises ainsi que les instituions de l'Etat. « Pas de développement sans démocratie » Durant les débats, le président de la FCE, interrogé sur son organisation constitue une force de propositions ou simplement un alibi, a estimé que le FCE « souffre d'un déficit de consultations », non sans dire qu'elle est « l'alliée naturelle de tout gouvernement libéral ». Par contre, il critiquera ce même gouvernement, en estimant que « nos politiques ne savent plus quoi faire. Ils agissent avec des attitudes à l'emporte-pièce. Il y a un divorce avec l'administration qui n'est pas au service de l'entreprise. Cette administration se trouve dans un rôle de gendarme et de censeur. Tant que l'évolution culturelle ne sera pas dans les mœurs de nos gouvernants, on continura à souffrir. Notre rôle est de faire du lobbying pour que nous soyons efficaces et nous déplorons la lenteur des réformes depuis 20 ans », réplique-t-il. Abondant dans le même sens, M. Bouzidi clame sa conviction : seule une culture démocratique est à même de sauver l'économie nationale. « Rien ne se donne, tout s'arrache (…) Je ne crois pas à un développement sans démocratie », clame-t-il. Pour M. Bouzidi tout en concédant quelques motifs de bonnes réalisations depuis les années 1970, interpelle l'assistance en estimant qu'« il faut cesser de voir tout en noir ».