L'inquiétude est très grande chez les éditeurs de livres à qui il est dorénavant interdit de recourir au crédit fournisseur et donc il leur est exigé de régler au comptant la valeur des importations de livres, nous a déclaré hier Radia Abed, présidente du Syndicat professionnel du livre (SPL). « Non seulement il s'agit des livres de culture générale, mais surtout ceux dont les universitaires ont besoin, alors que la rentrée est pour bientôt », précisera-t-elle. Un éditeur contacté hier relève que « pour recouvrer les créances auprès des universitaires, cela demande 8 mois et plus dans certains cas ». C'est dans cette trame que le 14e Salon international du livre d'Alger (Sila), prévu le 27 octobre prochain, risque grand de voir ses rayons totalement vides. Il faut savoir, indiquera la présidente du SPL, que « trois quarts des livres exposés au salon proviennent de l'importation alors que la loi de finances complémentaire (LFC) 2009 impose de payer la totalité des fonds ». D'ailleurs, ajoutera-t-elle, les patrons des maisons mères à l'étranger ont gelé pour l'instant les commandes dans la perspective du prochain Salon du livre, puisque leurs représentants en Algérie doivent se conformer à cette LFC. Pourtant, Smain Améziane, commissaire du 14e Sila, nous a affirmé hier « qu'aucun désistement n'a été enregistré pour l'heure, mais il faut admettre que cela risque de déranger le salon et les lecteurs en seront profondément affectés ». Tout le monde reste mobilisé pour cette manifestation, mais « ça reste un événement dans l'année au moment où l'avenir de la production nationale du livre et du papier risque d'être compromis », note Radia Abed. Bien évidemment, poursuit-elle, « il ne s'agit pas là d'un boycott, mais d'une incapacité professionnelle à participer au salon au mois d'octobre ». C'est devant cette situation que le Syndicat professionnel du livre (SPL) et le Syndicat national des éditeurs de livres (Snel) se sont réunis, la semaine dernière, pour relever les risques très graves - notamment par rapport à l'article 69 de la LFC relatif au crédit documentaire - qu'encourt aujourd'hui cette activité. Une activité qui ne représente que 30 millions de dollars, soit 0,075% du montant global des importations de l'année 2008, est-il indiqué dans la lettre ouverte adressée hier au président Bouteflika. Les 34 éditeurs, qui, jusqu'à présent, ont apposé leur signature sur cette lettre, relèvent que « s'installera dans les prochains mois une véritable pénurie du livre et de la presse engendrant l'augmentation des prix et la naissance d'une spirale inflationniste, sans compter que des pans entiers de l'industrie du livre encourent la fermeture pure et simple ». Pour Smain Améziane, patron également de Casbah Edition, « les revendications sont légitimes, sachant qu'aucun éditeur ne peut payer cash, alors que le métier intègre beaucoup de risques ». En effet, personne n'est sûr de vendre les livres en général et encore plus lors du Sila. Aucune réaction de la part du ministère de la Culture n'a été enregistrée, affirment des membres des deux syndicats, alors que Radia Abed évoque « une exception culturelle » qui devrait être réservée pour le secteur de l'édition du livre. Pour l'instant, c'est le wait-and-see à moins d'un mois et demi de la tenue du Sila.