L'article 69 de la loi de finances complémentaire 2009, publié au Journal officiel, stipule que les paiements des importations s'effectuent obligatoirement au moyen du seul crédit documentaire. En d'autres termes, seul le crédit documentaire est autorisé comme moyen de paiement des opérations d'importation. Les autres modes de paiement internationaux, que sont le transfert libre et la remise documentaire, sont désormais interdits. Cette disposition de la loi de finances complémentaire 2009 a soulevé des appréhensions. Trois inquiétudes principales ont été exprimées : augmentation des commissions ; prolongation des délais ; incidence sur la trésorerie des entreprises. Le crédit documentaire est un engagement pris par une banque à la demande de son client de payer (à vue ou à échéance) le montant du crédit, à condition que les documents présentés soient conformes aux termes du crédit. La remise documentaire est un moyen de paiement par lequel une banque assure l'encaissement du montant de crédit contre remise des documents selon les instructions stipulées sur l'ordre d'encaissement, à la demande de son client (donneur d'ordre). Le transfert libre, par contre peu coûteux, suppose l'existence de rapports de confiance totale entre les partenaires. Selon un banquier, 40% des opérations d'importation en Algérie sont effectués en recourant au transfert libre, 30% en utilisant le crédit documentaire (Credoc) et 30% la remise documentaire (Remdoc). Le président-directeur général d'Alexo, une entreprise spécialisée dans l'extrusion d'aluminium, estime qu'obliger tout producteur à utiliser le crédit documentaire comme unique moyen de règlement des opérations constitue une mesure à la fois onéreuse et réductrice portant atteinte à la flexibilité de l'entreprise. “C'est là une mesure onéreuse, qui va profiter aux banques étrangères, exiger des confirmations coûteuses par rapport à d'autres moyens de paiement extérieurs, mobiliser des fonds et allonger les délais de traitement et de règlement”, soutient M. Aberkane, estimant, par ailleurs, que le recours exclusif à un moyen de paiement extérieur tel le crédit documentaire “n'est pas de nature à réduire les volumes et la valeur des flux d'importations”. Le P-DG d'Alexo indique que pour l'entreprise de production, la remise documentaire (Remdoc) “participe pleinement au financement du secteur industriel national et, par là même, à sa pérennité dans un marché en expansion.” En revanche, selon lui, “le crédit documentaire, hormis qu'il soit un paiement sécurisé, certes — il l'est surtout pour les fournisseurs — demeure un mode de paiement opératoire favorisant un financement garanti des cycles d'exploitation des entreprises étrangères”. De son point de vue “il n'est pas juste moralement, ni efficace économiquement d'aligner sur un pied d'égalité des entreprises de production, payant impôts et charges sociales, créant des emplois, produisant de la valeur ajoutée avec des opérateurs importateurs disposant seulement d'un fax et d'un téléphone”. Les banques semblent avoir entendu les cris de détresse lancés par les entreprises. Dans le cadre d'un “accompagnement actif” de leur clientèle, les banques ont décidé de prendre des mesures particulières susceptibles d'optimiser les conditions d'engagement du crédit documentaire au profit des opérateurs économiques, notamment ceux important des matières premières, des inputs, des produits semi-finis ou des équipements entrant dans le cadre de leurs activités de production. M. Slim Othmani, membre du Forum des chefs d'entreprise, même s'il juge louable l'initiative des banques, comme la BEA, d'assouplir les conditions d'engagement du crédit documentaire, estime que cela ne répond pas aux préoccupations des opérateurs économiques. Le patron de NCA indique qu'on “ne peut construire une économie compétitive avec un seul mode de paiement des importations. Cela ralentit la chaîne de production et touche à la performance de l'entreprise”, en donnant une image “de fabricant de voitures à qui l'on demande de fabriquer son véhicule avec un seul outil”. M. Othmani estime qu'il faut faire une distinction entre les industriels, les importateurs qui font de la revente en l'état pour l'amont industriel et les autres. Quant à l'objectif recherché de freiner les importations, le patron de NCA avertit sur les risques de minoration de la facture et l'alimentation du marché parallèle de la devise.