Des chercheurs américains et thaïlandais ont annoncé hier avoir mis au point un vaccin expérimental qui réduit d'un tiers les risques de contamination par le virus du sida. Une première trouvaille depuis la découverte du virus du sida en 1983. Présentée comme la plus importante jamais effectuée pour un vaccin contre le sida dans le monde, l'opération a été conduite par le ministère thaïlandais de la Santé et l'armée américaine. L'étude a concerné 16 000 personnes. « C'est la première démonstration qu'un vaccin contre le virus HIV peut protéger d'une contamination », s'est réjoui, dans une vidéoconférence, le colonel de l'armée américaine, Jérôme Kim. « C'est une avancée scientifique très importante et cela nous donne l'espoir qu'un vaccin efficace dans le monde entier sera possible à l'avenir. » Le vaccin est une combinaison de deux produits testés précédemment mais qui ne s'étaient pas révélés efficaces indépendamment l'un de l'autre. Il s'agit du vaccin Alvac du laboratoire français Sanofi-Aventis, et de l'Aidsvax produit par l'Américain VaxGen, cédé depuis à l'organisation Global Solutions for Infectious Diseases. L'expérience a été menée depuis octobre 2003 dans deux provinces thaïlandaises sur 16 400 volontaires – tous séronégatifs et âgés entre 18 et 30 ans – dont l'exposition au risque de contamination était jugée similaire à la moyenne. La moitié a reçu des produits actifs, l'autre moitié des placebos. 51 des 8197 individus vaccinés ont été contaminés par le virus, contre 74% qui n'ont pas été traités. Suite à cette annonce, des scientifiques et des organismes internationaux ont réagi pour qualifier la découverte d'encourageante tout en exprimant une satisfaction prudente. Jean-François Delfraissy, directeur de l'Agence nationale de recherche sur le sida (Anrs), estime que les résultats des essais du vaccin contre le virus du sida constituent « une bonne nouvelle pour un effet modeste ». Pour la première fois, on montre qu'un vaccin contre le VIH a un effet significatif au niveau clinique, c'est-à-dire au niveau infection, et qu'on peut obtenir une protection. Mais 31% de réduction du risque, « cela veut dire que ce n'est pas un outil vaccinal utilisable en termes de santé publique, au sein d'une population », note-t-il en signalant qu'« il faut poursuivre la recherche pour avoir de meilleurs outils vaccinaux », déclare-t-il. Dans un communiqué rendu public hier, l'ANRS estime que les résultats de l'essai thaï soulèvent plusieurs questions et permettront d'orienter les futures recherches afin de mieux comprendre, en particulier, quels sont les éléments immunologiques impliqués dans la protection et a contrario dans la non-protection, l'absence de différence de charge virale entre les deux groupes, et comment améliorer l'efficacité des vaccins. « Les résultats encourageants de l'essai thaï ne sauraient faire relâcher l'effort international de recherche et soulignent l'importance d'une collaboration internationale entre les scientifiques mais aussi les acteurs politiques et économiques impliqués dans la mise au point d'un vaccin efficace », signale l'ANRS. L'OMS et l'Onusida ont évoqué leur « optimisme ». Mais « beaucoup de travail reste à faire », ont-elles averti en soulignant qu'il restait notamment à déterminer la durée de la protection et si le vaccin était efficace sur d'autres sous-types du VIH. Sanofi-Pasteur a estimé que l'étude constituait une « première démonstration concrète » qu'un vaccin pouvait « un jour devenir une réalité ». « Bien que modeste, la réduction du risque d'infection par le VIH est statistiquement significative », a souligné Michel DeWilde Senior, vice-président recherche et développement de Sanofi-Pasteur. A New York, l'organisation internationale AIDS Vaccine Initiative (IAVI) a salué un « résultat scientifique significatif ». « C'est la première fois qu'un projet de vaccin est efficace sur des humains. Jusqu'à maintenant, nous n'avions de preuve d'une faisabilité que sur des animaux », a indiqué le président de l'IAVI, Seth Berkley.