L'exposition « Une nation en exil » s'ouvre jeudi 1er octobre au musée d'Art moderne d'Alger. Gravures, calligraphies et poésies se mêlent, au service des vers de Mahmoud Darwich, poète et porte-voix du peuple palestinien. L'artiste plasticien algérien Rachid Koraïchi, à l'origine de ce projet, explique à El Watan Week-end la genèse de cette œuvre multiple, commencée aux côtés de celui qu'il appelle simplement « Mahmoud ». Comment est né le projet « Une nation en exil » ? J'ai rencontré Mahmoud Darwich à Tunis en 1981. Mahmoud était, comme beaucoup de Palestiniens, en exil, et j'étais moi-même très sensible à la cause de la résistance palestinienne. Je leur ai toujours apporté mon soutien intellectuel et artistique. Avec Mahmoud, c'est une longue histoire. Nous nous voyions très souvent et avions tout de suite été liés par une grande complicité. Je le voyais tous les jours et nous nous sommes dits : pourquoi ne pas travailler ensemble ? Comment avez-vous travaillé ? Mes gravures ne sont pas des illustrations. Ce sont des créations parallèles. J'ai revisité par exemple le célèbre A ma mère (Ila oummi), que Marcel Khalifa a chanté. Mais je ne voulais pas choisir des poèmes de façon arbitraire pour ensuite les illustrer. Je me rappelle qu'en 1982, Mahmoud m'appelait de Beyrouth, j'entendais les bombardements et les gens hurler. A chaque fois que nous raccrochions, Mahmoud écrivait sa « Qasida de Beyrouth » et de mon côté, je réalisais des gravures que m'inspirait ce qu'il me rapportait. En 1987, le penseur marocain Abdelkebir Khatibi a accepté de se joindre au projet. Il a écrit un texte d'analyse métaphysique et politique. Quatre ans plus tard, le calligraphe irakien Hassan Massoudy et son confrère égyptien Kamel Ibrahim ont apporté leurs contributions pour accompagner les poèmes de Mahmoud. Il s'agissait d'ouvrager l'ensemble à la manière des mou'allaqate. L'exposition qui réunit poèmes, gravures et calligraphies est présentée pour la première fois dans sa totalité en Algérie. Cela prend-il un sens particulier pour vous ? Je parlais de mou'allaqate. Cette comparaison a déjà porté bonheur aux gravures, comme une sorte de talisman pour Mahmoud. Une partie des œuvres présentées à partir du 1er octobre au MaMa avaient déjà été exposées en Algérie en 1988. A l'époque, les émeutiers avaient saccagé la galerie où se tenait l'exposition, mais quand ils ont vu les gravures, ils ont cru qu'il s'agissait de versets coraniques ou de textes religieux. Elles n'ont pas eu une seule égratignure !