C'est l'alchimie que nous tentons de découvrir. Pourtant, ce miracle risque de se produire en Algérie «Bled el-moudjizate» ! Le secteur des TIC (moins de 4% du PIB algérien, 12% au Maroc et 8% en Tunisie), est un secteur stratégique, s'il en faut, cela n'est plus à démontrer. Qui dit «secteur stratégique» arrête une vision prospective, à moyen et long termes, dotée de moyens spécifiques et prioritaires et évaluée par étapes avec un dispositif correctif. Un ou plusieurs organismes «mezzo» sont chargés par les pouvoirs publics de mobiliser les voies et les moyens (humains, matériels et financiers) pour mener cette mission délicate qui a un impact certain sur l'économie du pays (création d'entreprises, emploi, ingénierie, commerce…) et qui génère des marges substantielles. Le droit d'entrée dans ce fabuleux marché (le droit du propriétaire du gisement), nécessite des contreparties financières, mais également avec des arguments techniques et de fiabilité dans le cadre de la mondialisation, dans la mesure où cette activité a une relation directe avec la sécurité nationale du pays, puisque la communication concerne les aspects militaires et de souveraineté. Comment se fait-il que notre pays ait fixé son choix sur OTH comme partenaire dans le domaine des TIC ? Qui a choisi cet opérateur que rien ne prédestinait à activer dans notre pays, a priori ? Le choix d'OTH répondait-il à des considérations techniques, sécuritaires ou relationnelles ? Autant de questions qui nous interpellent aujourd'hui et qui nous confortent dans nos convictions qu'il y a eu une «maldonne» originelle et, qu'aujourd'hui, nous sommes les témoins passifs des derniers soubresauts d'un dossier sensible mal ficelé. Entre-temps, pour amuser la galerie, le secteur des P et T va être dangereusement restructuré sans vision globale, ni cohérence interne et encore moins de préparation des ressources humaines nationales, rompues aux technologies de pointe du secteur. Un paravent, dénommé «autorité de régulation», va voir le jour avec pour mission principale et unique de mettre en œuvre les décisions qu'une «boîte noire» va lui dicter. C'est ainsi que va naître, au forceps, dans la confusion et la précipitation, Algérie-Poste (AP) et Algérie-Télécom (AT). Ces deux entités (appelées opérateurs historiques) auraient dû faire l'objet d'une opération de séparation, à long terme, susceptible de préserver la cohérence du secteur, de former les ressources humaines nécessaires à la restructuration, d'introduire les innovations technologiques, de réduire les coûts du passage et de consolider les synergies existantes. Le résultat a été catastrophique, à plus d'un titre pour le secteur, avec son lot de procès pénaux, de nomadisme des cadres et des tutelles. Un retard important et palpable, à tous les niveaux du secteur, par rapport à nos voisins maghrébins (beaucoup moins riches), s'est traduit par un niveau de prestations des plus médiocres, une tarification extravagante qui grève le budget des ménages et des entreprises (alors que dans le monde, la concurrence féroce induit des tarifs en baisse), une sous-qualification des ressources humaines et une maintenance dérisoire détectable par les pannes fréquentes, durables et longues dans le réseau ! Pire encore, le secteur des TIC aurait dû générer des milliers d'entreprises et des centaines de milliers d'emplois dans le secteur privé, qui a, là, un champ d'opportunités très large et très rentable. Or, force est de constater que le seul opérateur privé national agréé (Eepad), a disparu après avoir laissé une facture impayée de plusieurs milliards de DA à AT et volé des dizaines de milliers de consommateurs (dont moi-même) qui ont souscrit à ses abonnements (autour de 9000 DA), en toute bonne foi ! Qui lui a permis d'activer et quelle garantie et autres cautions ont été fixées ? Comment est-il possible que notre pays ait délaissé un secteur aussi vital, créateur d'emplois (pour les jeunes talents), d'une rentabilité certaine et rapide entre les mains des entreprises étrangères uniquement ? Pourquoi l'effort d'investissement dans les infrastructures du secteur est réalisé sur les seuls deniers publics (budget d'équipement) ? Sentant «le vent tourner» et ses protecteurs dans le monde et en Algérie tomber un à un, OTH va opérer un grand roque, en procédant à la cession discrète de l'essentiel de ses parts, dans OTA, à un partenaire étranger… mais pas n'importe lequel. Le choix de ce dernier est crucial pour la suite de l'opération à très grand risque. En effet, tout opérateur qui jouit d'une rente substantielle dans un marché captif comme l'Algérie n'a aucune raison objective de se priver de cette rente par la vente de ses parts, et aussi à quelles motivations occultes cette vente surprise répond-elle ? En outre, il faut se demander pourquoi c'est un groupe russe (Vimpelcom) qui a été retenu pour la cession par OTH ? Enfin, il va bien falloir que l'on nous explique pourquoi l'Algérie affiche une détermination, voire un entêtement à vouloir racheter à tout prix OTA (et sa filiale Djezzy) dans la précipitation, la confusion et à un prix qui défie tout entendement ? L'analyse des pièces du dossier nous révèle que le groupe russe Vimpelcom a racheté, en mars dernier, l'entreprise italienne Wind Telecom, ce qui va entraîner l'entrée du groupe russe Vimpelcom dans OTH à concurrence de 51% de son capital social. Or, OTH est propriétaire à hauteur de 97% d'OTA, dès lors, le groupe russe détient 51,7 % des 96,8% d'OTA, soit donc une confortable majorité au sein de son assemblée générale des actionnaires et de son conseil d'administration, ce qui lui permet de contrôler l'entreprise ! C'est l'une des phases de l'opération la plus floue, puisque notre pays a été maintenu à l'écart de toutes ces étapes de la transaction, jusqu'à ce qu'elle fut totalement conclue (et notamment le coût, les conditions, l'actionnariat et les pouvoirs…). En effet, la tenue à l'écart de notre pays dans la transaction dénote du caractère opaque de l'opération, du moins dans son aspect commercial, et nous oblige à être dubitatif et circonspect sur les dessous de cette dernière et notamment pour ce qui est des «clauses non écrites». Le choix d'un groupe russe est dicté par les relations privilégiées qu'entretient notre pays avec la Russie et, notamment, en matière de défense et de sécurité. Partenaire depuis notre indépendance (et même avant) l'URSS (la Russie), demeure le principal fournisseur d'armements et de formation de cadres civils et militaires. Cette relation privilégiée, solide et significative, devient donc un argument commercial majeur dans la transaction, au cas où cette dernière venait à être «parasitée» par un quelconque intrus. En d'autres termes, il serait, pour le moins difficile voire impossible d'imposer la volonté unilatérale de notre pays dans cette affaire au groupe russe Vimpelcom… sauf à y mettre un prix exorbitant, injustifié, indu et à fournir des compensations, non écrites, subséquentes. Afin de conjurer le sort, les deux ministres (Finances et TIC), «exécuteurs testamentaires», se protègent en annonçant en duo que «l'opération d'évaluation de l'opérateur de la téléphonie mobile Djezzy sera effectuée par la banque d'affaires ‘‘Shaman and Sterling''» et que «L'Etat algérien va prendre la majorité du capital (51%) de l'opérateur de téléphonie Djezzy… Un accord a été passé dans ce sens, conformément à la loi de finances». Cette déclaration technique cache mal le péché originel qui a consisté à brader la vente de la licence à un prix dérisoire, et à devoir payer un prix astronomique (certains parlent de 8 milliards de US$) pour sa récupération. D'autant que le groupe russe Vimpelcom ne l'entend pas du tout de cette oreille, contrairement aux déclarations lénifiantes du ministre «kamikaze» des TIC. En effet, ce groupe déclare que «Vimpelcom a convenu qu'il étudiera la vente d'une participation majoritaire dans OTA, sous réserve d'un prix acceptable et la satisfaction des autres conditions…» En outre, le protocole d'entente «non contraignant» conclu avec le gouvernement algérien servira d'une simple base afin «d'étudier la vente éventuelle à l'Etat algérien par Orascom Télécom Holding, d'une participation dans sa filiale Orascom Télécom Algérie». Nous sommes donc très loin des fumigènes des déclarations officielles et l'accord final est encore loin ! Mais au fait, pourquoi l'Algérie recherche avec insistance et acharnement même à racheter OTA ? Est-il possible que notre pays accepte de payer entre 7 et 8 milliards de US$ pour racheter OTA, cette entreprise qui s'est vu attribuer le privilège d'activer dans le plus grand marché captif du Maghreb et qui est entrée sur ce marché avec une mise de départ de moins de 500 millions de US$ ? Y a-t-il des raisons objectives, subjectives, cachées, non dicibles, à ce qui s'apparente à un «jackpot ou le bingo» du siècle ou, c'est selon, à un hold-up ? On a beau retourner le problème dans tous les sens techniques, économiques, financiers, sécuritaires, rien ne justifie cette démarche suicidaire, aucune raison intelligible ne peut valider cette volonté de récupération d'OTA ! Qui craint des représailles ou des révélations qui pourraient à ce point l'éclabousser et qui l'obligeraient à débourser, «rubis sur l'ongle», 7 à 8 milliards de US$ pour récupérer OTA ? Y a-t-il une autre solution moins onéreuse et plus transparente ? Certainement oui ! Il y a une solution que tout le monde peut comprendre et partager. Il s'agit simplement de ne pas racheter OTA ! En effet, cette compagnie privée internationale activait sous la propriété d'OTH sur le marché algérien (et bien d'autres), à l'instar d'autres compagnies étrangères, sans que personne ne s'en offusquât outre mesure. Durant plusieurs années, elle était et demeure un exemple d'efficacité dans notre pays. Pourquoi, dès lors qu'une part du capital change de mains (vers le groupe russe Vimpelcom), des apprentis sorciers obligent l'Etat algérien à faire un cadeau royal de plusieurs milliards de US$ à OTH via Vimpelcom ? L'argument blasphématoire suprême, dans ce dossier, se confine dans le concept de «souveraineté nationale» que ne manqueront pas d'exhiber les promoteurs internes et externes du projet pharaonique de rachat. Est-il sérieux d'introduire ce concept dans le secteur des TIC qui est, par excellence, un moteur d'intégration internationale et de globalisation ? Qui a fait entrer OTH en Algérie et pourquoi ce risque n'a pas été mis en avant au départ ? Pourquoi continue-t-on à accorder des licences à d'autres opérateurs étrangers, sans se soucier de la souveraineté nationale ? Va-t-on assister, dans quelques années, à d'autres hold-up du même type, avec les derniers élus ? Pourquoi ajouter, par ce rachat, un deuxième opérateur public (il y a déjà AT) sur le marché national, alors que tous les experts réclament, à l'unisson, plus de soutien et d'investissements dans AT et des aides pour la création de start-up privées algériennes ? Le rachat d'OTA nous semble très mal engagé et se dirige tout droit, à terme, vers un scandale financier domicilié sur les rives du Lac Léman. La dernière sortie médiatique incongrue du PDG de Sonatrach, qui déclare être prêt «à prendre une participation dans OTA si l'Etat le demande» est très inquiétante. Aussi, il nous paraît plus que nécessaire que les autorités de notre pays déclarent publiquement et clairement ne plus être candidates au rachat d'OTA pour l'instant ! Dans trois à cinq ans, les indicateurs réels du marché nous indiqueront la marche à suivre sur le marché des TIC et de ses opérateurs nationaux et étrangers. En attendant, la somme de 7 à 8 milliards de US$, qui doit servir à cette opération, sera utilement utilisée à développer AT (ainsi que sa filiale Mobilis), AP (et sa filiale monétique) et à créer des milliers de start-up nationales dans ce secteur très rentable et à forte création d'emplois. C'est dans notre terroir socio-culturel que je puise ce dicton qui s'applique à ce cas de figure, «koul otla fiha keir».
Association des universitaires algériens pour la promotion des études de sécurité nationale