Selon des sources judiciaires, la nouvelle composante de cette haute instance a été installée, jeudi dernier, par le ministre de la Justice, Tayeb Belaïz, «sur délégation du président de la République», au siège du ministère. La cérémonie n'a duré que quelques dizaines de minutes seulement, au cours desquelles le garde des Sceaux a échangé quelques propos avec les magistrats. Le plus étonnant c'est que la nouvelle composante du Conseil va se réunir aujourd'hui, en session disciplinaire. Elle va examiner les dossiers d'au moins sept magistrats suspendus de leurs fonctions pour une raison ou une autre. A en croire nos sources, cette précipitation dans l'installation du CSM est liée justement à la tenue de la session disciplinaire pour trancher le cas des magistrats suspendus. La loi est très claire sur cette question. Si durant les six mois qui suivent la sanction, le magistrat n'est pas déféré à la session disciplinaire du Conseil supérieur de la magistrature, il est automatiquement réintégré. Représentants des tribunaux administratifs Selon nos sources, la tenue de cette session a été rapidement programmée sans que les magistrats devant être «jugés» soient informés à temps, les privant ainsi du droit d'accès au dossier et de celui de se défendre dans de bonnes conditions. Est-ce dans le seul but de sceller leur sort ? On n'en sait rien. Néanmoins, nos interlocuteurs se déclarent optimistes quant au travail de leurs collègues fraîchement élus, parmi lesquels, nous dit-on, «certains ne se laissent pas marcher sur les pieds». Après l'expiration du mandat (4 ans non renouvelable) de l'ancienne composante du CSM, la moitié des sièges à pourvoir a été renouvelée à l'issue d'une élection tenue le 10 janvier dernier. Pour la première fois, la composante a été renforcée par des représentants des tribunaux administratifs, dont les sièges sont restés vacants durant trois mandats successifs. En tout état de cause, le cafouillage qui marque l'installation de cette haute instance suscite de lourdes interrogations et remet sur le tapis la question de l'ingérence de la chancellerie dans les prérogatives du pouvoir judiciaire. Jeudi dernier, le secrétaire général de l'association des magistrats injustement révoqués, Mohamed Bakhtaoui, avait dénoncé la mainmise du ministre sur l'appareil judiciaire en affirmant : «Sur les 70 magistrats révoqués entre 2002-2004, une bonne partie avait obtenu gain de cause auprès de la Cour suprême. Ce qui a poussé le ministre à muter toute l'équipe qui dirigeait cette haute juridiction et à placer une autre qui lui est acquise, tout comme le Conseil supérieur de la magistrature. Récemment le président de la Cour suprême avait déclaré que les sanctions contre les juges sont décidées par les pairs de ces derniers. Faux. Ces décisions émanent de la chancellerie. D'ailleurs, elles sont connues avant même que le Conseil ne statue, puisque plusieurs d'entre nous avaient été informés de la sanction la veille de la comparution.» Au-delà du bien-fondé ou non de ces révélations, le lien entre la précipitation de l'installation du CSM et la programmation de la première session disciplinaire sans que les concernés aient suffisamment de temps pour se défendre laissent croire qu'il y a anguille sous roche.