L ors d'une conférence de presse donnée en janvier 2012 après la fin d'un stage pour joueurs locaux, le sélectionneur national, Vahid Halilhodzic, avait déclaré être désagréablement surpris de constater que les joueurs locaux ne pouvaient physiquement tenir tout un match ! «Nous avons bien travaillé sur tous les plans, mais je dois vous avouer que j'ai été très déçu de constater que physiquement, les joueurs n'étaient pas prêts. Je dirais même mieux, aucun d'entre eux ne peut tenir un match complet et c'est très grave. Les tests physiques que nous avons effectués étaient tous au rouge, et c'est ce qui m'a contraint à réduire la charge de travail.» A la suite de ces déclarations tonitruantes, nous avions pu constater, çà et là, quelques réactions plutôt épidermiques de quelques techniciens, ayant le sentiment d'être visés et mis en cause. Cette approche du coach national, fort probablement volontairement provocatrice dans le sens utile du terme, devrait tous nous inquiéter, d'autant que nos sélections de jeunes et nos équipes de club se heurtent depuis quelques années au niveau physique et athlétique impressionnant de leurs adversaires africains. A notre sens, la polémique est improductive. Il faut plutôt répondre aux questions posées, toujours sans réponses : le médiocre niveau athlétique des footballeurs algériens, tous âges et niveaux confondus, est-il une vue de l'esprit ou une triste réalité ? S'ils sont réellement limités, cet état de fait est-il lié à leurs capacités physiques propres ou à des programmes de préparation obsolètes ? Comment, du reste, ceux qui l'affirment sont-ils arrivés à cette conclusion ? Les ont-ils évalués ? Selon quels tests ? Dans quelles conditions ? Par rapport à quel autre groupe ? Existe-t-il un ou plusieurs protocoles d'évaluation des performances physiques actuellement utilisés au sein du football algérien ? A cette dernière question, en particulier, aucune réponse satisfaisante ne nous est jamais parvenue. Et nous avons de la tristesse à constater que le métier de préparateur physique n'existe qu'à peine au sein du football algérien. Nous avons eu à le déplorer lors des tentatives désespérées d'introduire le programme d'échauffement 11+ de la FIFA, extrêmement important et efficace, dans le cadre de la prévention des blessures. Il est, de ce fait, tout à fait inutile de commenter à la ronde, de se lamenter ou d'accuser. Pour tenter de répondre à toutes ces questions, il faut nécessairement faire un état des lieux ; un véritable audit du niveau physique du joueur algérien ! Sans concession et sans faux-semblant. Et aussi une évaluation des programmes de préparation physique qui lui sont appliqués surtout au niveau des plus jeunes catégories. Pour ce faire, il s'agit tout d'abord de mettre au point un protocole d'évaluation «standard» de la performance physique au sein du football algérien. Ce protocole ne peut, c'est notre sentiment, naître qu'à l'occasion de la création d'un espace de travail et de réflexion entre les deux groupes techniques et de médecine du football. Il ne s'agira pas non plus, à travers ce programme de «réinventer l'eau chaude»… De nombreux programmes d'évaluation dûment validés existent, parfois très spécifiques et plus ou moins sophistiqués de laboratoire et/ou de terrain. Mais, ne dit on pas que le progrès n'est valable que s'il est applicable partout et pour tous ? Pourquoi ne pas se baser sur la «batterie de tests» de la FIFA mise au point par le F-Marc et l'adapter aux possibilités nationales, en particulier en termes d'infrastructures, pour qu'il puisse être standardisé et réalisé partout de manière simple ? Nous avions d'ailleurs utilisé, avec bonheur, cet outil d'évaluation lors de l'étude «Ramadan et Football» afin de comparer l'impact du jeûne du mois sacré sur la performance. Cette batterie de tests réellement adaptée à la pratique du football permet d'évaluer : – La vitesse et la récupération, par le test de sprint répété de 7 x 30m. Il se compose de sept sprints maxima de 30 m (avec un temps de passage intermédiaire à 10 m) avec 25 s de récupération active entre les sprints. – La vitesse avec ballon : par le test de dribble de Loughborough qui exige d'un joueur à dribbler aussi vite que possible, aller et retour, slalomant entre une ligne de six cônes espacés à intervalles de 3 m. – L'agilité : par le «test des 4 lignes» réalisé dans une zone marquée par quatre lignes parallèles. – La vitesse avec ballon liée à la capacité technique : le Loughborough Passing Test. Le joueur doit viser et toucher un certain nombre de cibles de couleurs différentes selon les ordres donnés, sous la contrainte du chronomètre. – La résistance et la récupération : série de tests de course de 20m en plusieurs étapes (navette). – La force explosive par le test du saut vertical avec plateforme de force ou simple mesure des sauts Je suis personnellement persuadé qu'à l'origine nos footballeurs ne sont pas plus faibles physiquement que leurs camarades européens ou sud-américains. Ils doivent cependant affronter, lors des joutes continentales et lorsqu'ils veulent se qualifier aux compétitions mondiales, des athlètes physiquement supérieurs de l'Afrique subsaharienne. Leur évaluation et leur sélection doivent se faire selon des critères définis, y compris subjectifs. Leur préparation d'athlète, et non plus seulement de joueur, doit être scientifiquement programmée, individualisée par rapport à leur morphotype et leur capacité physique, avec l'intention d'améliorer leur performance, afin qu'ils puissent mettre en évidence leur capacité technique, leur capacité d'assimilation des schémas tactiques et leur talent. Ce talent dont nous ne doutons pas…