Ce que la Télévision nationale ne nous dit pas – pas d'images, pas de commentaires, pas d'analyses – c'est que rien ne va plus, semble-t-il, entre Alger et Paris. La température des relations bilatérales entre les deux pays serait au plus bas niveau. Le signe le plus marquant de ce « refroidissement » aura été, selon un haut responsable algérien qui s'est exprimé sous le sceau de l'anonymat dans le quotidien londonien El Qouds El Arabi, le refus catégorique du président Bouteflika de rencontrer son homologue français en marge de la dernière assemblée générale de l'ONU. Une attitude éminemment politique d'une grande signification qui aurait été, toujours selon la même source, naturellement suivie de l'annulation des contacts que devaient avoir les ministres des affaires étrangères des deux rives. Les distances sont prises une nouvelle fois, mais le retour d'écoute n'est pas évident. Ainsi donc, l'embellie entre l'Algérie et la France qu'on croyait avoir suffisamment de poids pour prospérer dans la durée n'aura tenu qu'un temps, mais pour l'opinion publique des deux pays, tout reste sujet à mystère lorsqu'il s'agit d'exposer dans la transparence les faits pour savoir exactement les raisons objectives qui minent ces relations. Si la partie française reste étrangement muette sur le durcissement de ses positions, les Algériens semblent plus disposés à monter au créneau pour mettre à nu les agissements inconsidérés de leurs partenaires qui portent à chaque fois des coups meurtriers à la bonne marche des relations aussi bien politiques qu'économiques. En vérité, Alger a pour elle les arguments les plus fiables pour dire que c'est la partie française qui manque à ses engagements, avec toujours cet esprit de ne pas accepter notre pays comme un partenaire à part entière. Sarkozy a accentué cette vision au relent colonial, allant jusqu'à prendre de sérieux risques de faire exploser les rapports algéro-français depuis la réouverture du dossier des moines dont le crime a été attribué à l'armée algérienne, alors que tout le monde sait que c'est le GIA qui a commis cet odieux assassinat. L'affaire du diplomate algérien Mohamed Ziane, accusé à tort d'être derrière l'assassinat de Ali Mecili, a laissé aussi des traces, tout en reflétant les manigances des autorités françaises à vouloir saisir les prétextes les plus tonitruants pour créer la zizanie et au final faire pression sur le Pouvoir algérien. Que cherche donc Paris en maintenant le cap de ses hostilités envers l'Algérie ? Pourquoi aussi freiner radicalement le mouvement des investissements alors qu'en surface on n'hésite pas, côté français, à louer la bonne santé des relations commerciales ? Un double jeu qui a fini par exaspérer nos dirigeants au point où il faut s'attendre de leur part à des réactions, dans les jours ou les mois à venir, qui vont rendre les relations algéro-françaises encore plus caduques. Mais dans l'intérêt de qui ? En tout état de cause, si les conséquences de cette démarche française n'était pas aussi graves, on aurait cru à un nouvel épisode de la story telling (vous vous en rappelez ?) qui utilise les ingrédients les plus dramatiques pour dévier l'attention des vrais problèmes. On ne peut pas dire que c'est ce qui manque le moins à la France de Sarkozy aujourd'hui. La preuve, alors que le petit peuple français s'enfonce dans les problèmes sociaux qui ne semblent avoir aucune solution, on lui offre un beau feuilleton sur l'affaire du vrai-faux listing de Clearstream, un procès qui a la force de tenir l'opinion en haleine et lui faire oublier ses misères. Une histoire n'est pas encore finie, qu'une autre est enclenchée grâce aux médias lourds, à savoir le conflit qui oppose les Dati révélé par le frère de l'ancienne garde des Sceaux à travers un livre sulfureux. ça fait jaser sous les chaumières, mais mêler ces historiettes au contentieux algéro-français juste pour donner l'impression de…, c'est franchement jouer avec le feu.