Dans la société pétrochimique Fertial, le principe gagnant-gagnant a bel et bien été respecté du côté algérien (34% des parts) comme du côté espagnol (66%) dans le partenariat conclu le 5 août 2005 entre le holding Asmidal et Grupo Villar Mir. C'est ce qui ressort de l'entretien qu'a bien voulu nous accorder Jorge Requena Lavergne, le directeur général de Fertial. Depuis que le groupe Villar Mir est devenu le nouveau propriétaire de Fertial, la production d'engrais phosphatés a connu une sensible baisse. Une production destinée au marché algérien d'à peine 150 000 t pour des capacités installées de 600 000 t/an. En revanche, la production d'ammoniac, à très forte valeur ajoutée, est en évolution. Comment l'expliquez-vous ? Effectivement, entre les deux quinquennats 2001/2005 et 2005/2009, depuis notre reprise, une évolution de plus de 13% en matière de production d'ammoniac a été enregistrée. Pour les engrais phosphatés, certes les capacités de production installées sont de l'ordre de 600 000 t, mais, nous n'en produisons que 160 000 t/an. La demande sur le marché algérien est de seulement 200 000 t. Notre part est de 60%. Donc nous produisons en fonction de la demande, qui est excessivement faible. Il faut savoir que l'Algérie est le dernier consommateur d'engrais dans tout le pourtour méditerranéen. Elle consomme 6 à 7 fois moins que la Tunisie et le Maroc, plus de 10 fois moins que l'Egypte, pour ne citer que ces pays-là. Il y a également un autre problème qui a eu son impact sur la production. L'acheminement de notre produit vers nos dépôts pose un sérieux problème. La situation devient de plus en plus difficile. C'est un goulot d'étranglement dans la voie logistique qui nous est imposée. Pour des raisons d'ordre sécuritaire, l'Etat algérien nous a limités à l'acheminement de 1600 t/rotation/semaine. Nous en étions à 1900 t. L'acheminement de nos produits se fait sous escorte. Comme vous le savez, pour les services de sécurité, il y a des priorités que tout le monde connaît, ce qui ne nous empêche pas de redoubler d'efforts pour encourager les agriculteurs à utiliser davantage les engrais à l'effet d'améliorer les rendements de leurs terres. Dans les prochains jours, nous allons lancer une grande campagne de sensibilisation et de formation à leur adresse et ce, à travers tout le pays pour plus de recours et une meilleure utilisation des engrais. Nous allons également leur consacrer une page web. Beaucoup de moyens seront mis en œuvre pour améliorer les rendements. Justement, dans le contrat de partenariat que vous avez conclu avec votre partenaire Asmidal, vous vous êtes engagés à réaliser des laboratoires d'analyse des sols pour produire des engrais à la carte, c'est-à-dire adaptés aux sols. Peut-on savoir où vous en êtes ? Nous avons mis en place un laboratoire ultrasophistiqué d'analyse des sols et autres au niveau du complexe de Annaba, pour un coût de plus de 150 000 euros. Il est au service des agriculteurs. Nos représentants font actuellement le tour du pays pour les informer de son existence. Fertial a les moyens de fabriquer localement le triple super phosphate (TSP), qui est un engrais phosphaté. Vous en faites l'importation, à quelles fins ? Fertial produit des engrais phosphatés et des engrais azotés. Le TSP est un engrais que nous pouvons produire mais que nous importons. Il est produit à base d'acides sulfurique et phosphorique. Les deux usines qui produisaient ces deux intrants essentiels pour la fabrication des engrais phosphatés ont été démantelées en 1995 par l'Etat algérien. Une décision souveraine. Ces deux matières coûtent excessivement cher sur le marché mondial. Les prix ont connu une folle envolée ces dernières années, notamment en ce qui concerne l'acide phosphorique. On aurait pu diversifier nos produits à forte valeur ajoutée si on pouvait produire localement beaucoup d'engrais phosphatés. Depuis que Villar Mir est actionnaire majoritaire de Fertial, on constate que votre activité est essentiellement axée sur l'exportation de l'ammoniac. Qu'en est-il exactement ? En 2008, la production était de 280 000 t, c'est-à-dire que les objectifs ont été atteints à 100%. Cette année, nous tablons sur une production record de 300 000 t. Nous sommes sur la bonne voie pour les atteindre. L'usine de Annaba est notre fierté. Par contre, nous sommes moins satisfaits en ce qui concerne sa sœur jumelle d'Arzew, que nous n'arrivons toujours pas à stabiliser. La production y est plus que timide avec 850 t/jour contre plus de 980 t/j à Annaba. Nous allons redoubler d'efforts pour améliorer ses performances en lançant un plan de recrutement de 40 à 50 techniciens pour l'unité ammoniac. Le marché mondial en est très demandeur et avec la flambée des cours, la conjoncture est plus que favorable. En termes d'investissement, avez-vous respecté vos engagements ? Dans le contrat de partenariat signé entre la société holding Asmidal et le groupe Villar Mir, nos engagements portaient, entre autres, sur la réhabilitation des installations existantes à Annaba et Arzew. Cette opération se fait avec le contrôle très pointilleux des organismes de l'Etat algérien. La réhabilitation devait s'étaler sur trois ans avec une enveloppe de 167 millions de dollars devant être injectée par Grupo Villar Mir. A fin 2008, au lieu de 100%, nous n'avons pu réaliser que 84% du programme de réhabilitation. Il y a eu un léger glissement de planning de 9 mois par rapport à cet engagement et ce, avec l'accord de l'Agence nationale de développement de l'investissement (ANDI). Dans son business plan, notre groupe n'avait pas pris en compte la réalité du terrain en Algérie. Beaucoup de contraintes nous sont imposées. Pouvez-vous nous en dire plus ? Pour l'achat d'équipements sous pression, il nous faut l'aval du ministère de l'Energie et des Mines, à travers sa direction du patrimoine. Pour le génie civil, il nous faut une autorisation du CTC. Un énorme retard a été pris par Fertial et l'ANDI pour se mettre d'accord sur les avantages. Il y a aussi le retard dans la livraison des équipements par nos fournisseurs. A ce propos, il faut savoir que d'importants investissements ont été engagés dans le monde, y compris en Algérie dans l'industrie pétrochimique, notamment en ce qui concerne l'ammoniac. Les équipementiers avaient plusieurs commandes en même temps, ce qui explique ce retard. Le processus d'investissement va se poursuivre, mais dans une moindre mesure. Qu'en est-il de la nouvelle unité d'ammoniac de 1,1 million de tonnes par an que vous deviez réaliser à Arzew ? Avez-vous abandonné ce projet ? L'unité n'a pas pu être réalisée pour diverses raisons. Fertial n'a pas pu répondre à trois préalables essentiels. D'abord, nous n'avons pas pu mettre en place un contrat d'approvisionnement en matière première avec le fournisseur algérien de gaz. En second lieu, nous avons été confrontés à un problème de site pour installer nos bacs de stockage. Enfin, le troisième problème se situe au niveau des installations portuaires qui ne peuvent pas répondre à nos besoins. Les tirants d'eau sont très faibles. Les quais en place ne peuvent pas accueillir des navires de plus de 40 000 t, les tirants d'eau sont limités aux navires de 10 000 t seulement. Tous ces préalables ne sont pas réunis pour mettre sur rails cet important projet. Ce dernier qui nécessitait une enveloppe de 460 millions de dollars au moment de la conclusion du contrat de partenariat en août 2005, nous reviendrait aujourd'hui à environ un milliard de dollars. Le projet n'est pas abandonné. La prise en charge des dettes des deux filiales de Annaba et Arzew a-t-elle abouti ? Au moment de la signature du contrat de partenariat, c'est-à-dire en août 2005, l'entreprise avait un endettement de 15,5 milliards de dinars, soit l'équivalent de 213 millions de dollars. Au 31 décembre 2008, cet endettement à long et moyen termes a été réduit à 4,5 milliards de dinars, l'équivalent de seulement 64 millions de dollars. Les dettes ont été réglées à hauteur de 70%. Votre installation est récente. Peut-on connaître les grandes lignes de votre business plan ? Nos objectifs pour l'avenir seront axés sur différents points : la sécurité et l'hygiène au travail. Notre but est d'arriver à zéro accident. Nous envisageons la certification aux normes ISO 14001 pour l'environnement et ISO 9001 pour la qualité et pouvoir entreprendre la certification aux normes OHSAS 18001 pour atteindre une sécurité maximale dans tous les domaines. En termes de production, nous projetons d'atteindre 1,2 million de tonnes/an en 2012 entre nos deux complexes de Annaba et Arzew, soit 900 000 t/an en ammoniac et 300 000 t en calcium ammonium nitrate (CAN) à 27% d'azote. Comme la commercialisation du nitrate d'ammonium est strictement interdite en Algérie et compte tenu des importantes restrictions en la matière de par le monde, pour des raisons d'ordre sécuritaire, nous avons adapté les unités existantes à Annaba et Arzew pour produire du CAN exclusivement destiné à l'exportation. Y aura-t-il une réduction d'effectifs à l'avenir, comme chez ArcelorMittal ? Nous n'avons pas de plan social. Le dernier pacte que nous avons signé au mois d'avril avec le partenaire social sera respecté. Donc il n'y aura pas de compression d'effectifs. Quel bilan faites-vous de votre partenariat avec l'Algérie ? Pour moi, le bilan du partenariat est positif pour les deux parties. L'évolution du chiffre d'affaires de Fertial SPA durant la période 2004/2008 et les prévisions pour l'exercice 2009 l'attestent. 14,459 milliards de dinars (MDA) en 2004, 16,624 MDA en 2005, 14,299 milliards de dinars en 2006, 15 456 MDA en 2007, 22,320 MDA en 2008. Nos prévisions pour l'exercice 2009 sont de l'ordre de 23, 664 MDA. En ce qui nous concerne, les engagements financiers ont été respectés à 100% et à 80% en termes de production. Côté Algérie, j'estime qu'elle ne peut recevoir que du positif via l'internationalisation de son économie. Rectificatif … Dans l'article paru hier sous le titre « Le parquet d'Alger se saisit d'une lourde affaire de corruption : 6 personnes placées sous mandat de dépôt », une erreur s'est glissée malencontreusement au début du texte. Il fallait lire : « Parce qu'elle constitue une des plus importantes affaires de corruption, l'audition de 7 personnes, dont le secrétaire général du ministère des Travaux publics (et non des Transports, comme écrit) au parquet a duré plus de 12 heures. » Le reste sans changement. Toutes nos excuses au concerné.