Le FMI vient de rendre public un rapport sur les pays de la région Mena, laissant comprendre que les pays exportateurs de pétrole de la région pourront augmenter de 100 milliards de dollars leurs réserves à l'étranger. Quelle est votre analyse du marché pétrolier à l'heure actuelle et quelles sont vos prévisions pour 2010 ? C'est une anticipation assez réductrice que vient de faire le FMI parce que 2010 sera une année assez compliquée. Le prix du pétrole est en train de fluctuer aujourd'hui autour des 70 dollars le baril sous l'effet de plusieurs paramètres, à titre d'exemple le cours du dollar et les informations qui proviennent de l'économie réelle. L'anticipation du FMI se fonde sur une conviction faisant état d'une reprise de l'économie mondiale, or la croissance, aujourd'hui, dans les principaux pays occidentaux a un fort contenu budgétaire. Je trouve que le rapport du FMI est réducteur aussi du fait que les pays qui donnent plus d'optimisme quant à la demande pétrolière sont les pays émergents, or ils ne sont pas encore dans une ambiance réelle de sortie de crise. Pour l'industrie pétrolière, l'année 2010 sera assez particulière. Je ne pense pas qu'il y aurait une contrainte d'offre pour la simple raison que l'Opep a une capacité de production inutilisée de près de 8 millions de barils/jour, ce qui est de nature à tirer les prix vers le haut. Il y a aussi une baisse de 10 dollars des coûts marginaux ; ils sont entre 70 et 80 dollars le baril, donc très proches des prix. Les vrais signaux de croissance sont donc attendus à partir du second semestre 2010… Je pense qu'à partir du 2e semestre 2010, avec le retour à la croissance de l'économie mondiale, la contrainte d'offre se manifestera et on commencera à s'approcher du seuil structurel de 100 dollars le baril. Et à partir du second semestre 2010, d'ailleurs l'Agence internationale de l'énergie (AIE) anticipe une croissance de 1,7% de la demande mondiale en 2010 (le même niveau de croissance de 2008, avant la crise), l'industrie du pétrole retrouvera ses couleurs pour atteindre rapidement sa vitesse de croisière. Les prix commenceront donc à être tirés vers le haut, tandis que les placements et les investissements des pays pétroliers à l'étranger commenceront aussi à être plus conséquents. A mon avis, les capacités d'investissement seront déterminées par les niveaux des prix du pétrole. Avant la fin du premier semestre 2010, je ne pense pas que les cours vont se situer structurellement à des niveaux qui permettraient aux pays producteurs non seulement de supporter la crise économique, mais aussi d'accroître leurs placements à l'étranger. D'autant qu'il reste encore cette mauvaise ambiance, combinée à un manque de confiance vis-à-vis des placements à l'étranger. D'ici là, quels seront les moyens d'intervention et/ou d'influence de l'Opep sur les marchés ? Je crois que l'OPEP doit se décider d'abord pour ce qui est des 8 millions de barils/jour de capacités inutilisés. La question de la cohésion et de la discipline pose problème aussi au sein du groupe de l'Opep, dont les pays ont besoin aussi de ressources financières pour faire face à la crise et pour relancer leurs machines économiques. Ils sont, pour la plupart, mono-exportateurs et donc totalement dépendants du marché pétrolier. Je reste réservé sur les capacités de l'Opep de réduire sa production car cela accroîtrait sa capacité inutilisée. Cela dit, je ne suis pas certain que l'Opep puisse se diriger vers cette perspective, car en écoutant les ministres du Pétrole des pays membres de cette organisation, leurs discours n'évoluent pas dans le sens d'une nouvelle réduction de la production. J'entends aussi dire que la reprise de la croissance mondiale doit être soutenue et l'Opep devrait donc augmenter sa production. Je crois qu'il faut se méfier des statistiques car nous avons eu l'expérience, en novembre 1997, à la veille de la crise asiatique, lorsque l'Opep avait augmenté sa production et on avait vu les prix chuter de manière vertigineuse. Je suis de ceux qui croient à une crise en deux creux. Je crois qu'il faut traiter rapidement cette question de régulation pour qu'il y ait une autorité capable de contrôler les marchés. Quelle sera, selon vous, la situation des réserves algériennes, voire les recettes pétrolières, en attendant la reprise de l'économie mondiale et des marchés ? Va-t-on assister à une autre chute des recettes pétrolières ? Personnellement, je ne vois pas une chute des prix pointer à l'horizon. Et les recettes ne connaîtront donc pas de chute puisque les prix du pétrole continuent à tourner autour du coût marginal. Ceci ne veut pas dire qu'il faut baisser la garde. En tant que pays mono-exportateur, l'Algérie doit trouver de nouveaux relais de croissance autres que les hydrocarbures.