La capitale belge avec un ciel bas et un déploiement policier sans précédent avait l'air hier d'une ville assiégée. Autant dire que les mesures de sécurité étaient tout simplement draconiennes pour assurer la sécurité du président américain George W. Bush, dont on attendait surtout le sens que prendra ce premier déplacement du second mandat. Et très vite, Bush en a donné le ton en déclarant à propos du Proche-Orient que les Etats-Unis et l'Europe partagent le « but immédiat » de mettre un terme au conflit israélo-palestinien. En très peu de mots, il a situé un objectif, et aussi d'une certaine manière un délai, il est vrai imprécis, même s'il est immédiat. Il lui revient donc, et à la diplomatie américaine, d'en expliciter le contenu. L'autre particularité, si elle se confirme, c'est l'implication éventuelle de l'Europe, déjà présente dans le cas de la Feuille de route - ce plan de paix à l'élaboration duquel sont associés les Etats-Unis, la Russie et l'ONU - qui s'était fixé pour échange l'édification d'un Etat palestinien avant la fin de cette année, et nul ne sait si cet objectif est toujours réalisable, puisque Israël en a bloqué la concrétisation en lui substituant son plan de retrait de Ghaza approuvé dimanche dernier par son gouvernement. L'élargissement du cercle des négociations jusque-là refusé par Israël pour leur donner un autre sens et finir avec cet esprit de « à prendre ou à laisser » qui se dégageait jusque-là. « Notre meilleure opportunité - notre but immédiat -, c'est la paix au Proche-Orient », a ainsi affirmé M. Bush. La relance du processus de paix israélo-palestinien après la reprise du dialogue entre le Premier ministre de l'Etat hébreu, Ariel Sharon, et le nouveau président palestinien, Mahmoud Abbas, est l'un des principaux sujets au menu des entretiens qu'aura M. Bush à Bruxelles avec ses homologues européens. Il est toutefois bien difficile d'aller dans les déductions sauf si l'on venait à prendre en considération ce que les Israéliens appellent eux-mêmes le changement du monde à leur égard et, par conséquent, leur besoin de se réconcilier avec leur voisinage et, pourquoi pas, comme ils le disent également, normaliser leurs relations avec cette dizaine de pays arabes qu'ils refusent de citer. Il n'est pas toutefois exclu que ce ne soit là qu'un simple bluff, Israël aimant particulièrement les coups médiatiques. Et la libération de prisonniers palestiniens se situerait dans cette catégorie. Israël a effectivement libéré hier 500 prisonniers palestiniens dans le cadre de gestes de confiance envers l'Autorité palestinienne destinés à favoriser la relance du processus de paix, a indiqué un porte-parole de l'armée israélienne. Un communiqué militaire a indiqué dimanche soir que ces libérations devaient être supervisées conjointement par l'armée et les autorités pénitentiaires et qu'elles concernaient des Palestiniens « détenus soit pour des raisons sécuritaires, soit à titre administratif » sans jugement pour des périodes reconductibles de six mois. Sur cette liste figurent 382 prisonniers condamnés effectivement à des peines de prison et 118 autres détenus « à titre administratif ». Israël a annoncé son intention de relâcher en tout quelque 900 prisonniers palestiniens sur les quelque 7600 qu'il détient. Un chef emprisonné du Fatah et de l'Intifadha, Marwan Barghouthi, a averti mercredi dernier Israël qu'il affaiblirait M. Abbas s'il ne libère pas des milliers de prisonniers. « Au lieu d'aider Abou Mazen (M. Abbas), vous en faites un objet de risée. Si cela continue ainsi, il s'en ira au bout de six mois et vous allez le regretter », a déclaré M. Barghouthi depuis sa prison au quotidien israélien Maariv. « Vous devez relâcher 5000 prisonniers en un seul coup et tout de suite. C'est la seule façon d'aider Abou Mazen et faire comprendre aux Palestiniens que des discussions sont possibles et qu'il y a quelqu'un avec qui discuter », a-t-il ajouté. Dimanche dernier, rappelle-t-on, le gouvernement israélien avait approuvé le plan de retrait de la bande de Ghaza. Mais la poursuite de la construction par Israël du fameux mur de séparation en Cisjordanie sape les efforts de relance du processus de paix, a estimé le même jour l'Autorité palestinienne en réaction à l'approbation par le cabinet d'Ariel Sharon d'un nouveau tracé de cet ouvrage. « La poursuite de la construction du mur va saper les efforts pour relancer le processus de paix et nous empêcher d'appliquer la Feuille de route », a déclaré le ministre palestinien chargé des Négociations, Saeb Erakat. « Nous appelons le gouvernement israélien à reprendre les négociations sur le statut final (...) afin qu'un retrait (israélien) total des territoires occupés depuis 1967 puisse être réalisé », a ajouté M. Erakat en appelant à la création d'un Etat palestinien vivant pacifiquement aux côtés d'Israël conformément à la Feuille de route. Le gouvernement d'Ariel Sharon a approuvé dimanche par vingt voix pour, une contre et une abstention un nouveau tracé de la barrière situé davantage à proximité de la « ligne verte » démarquant Israël des territoires occupés en Cisjordanie depuis juin 1967. Cette décision a été prise dans la foulée du vote en faveur du retrait de la bande de Ghaza et de l'évacuation des colonies juives installées dans cette région après plus de 37 ans d'occupation. « Nous ne pensons pas que des initiatives unilatérales soient la meilleure des choses pour le processus de paix et nous préférerions que des progrès soient le fruit de pourparlers », a de son côté indiqué Ghassan Khatib, le ministre palestinien du Travail. « Ce qui nous inquiète, c'est que ces retraits vont s'accompagner du renforcement de colonies en Cisjordanie et cela nous interpelle sur la valeur de ces retraits au niveau stratégique », a-t-il ajouté. Autant dire que les Palestiniens se méfient des initiatives israéliennes et ils viennent de rappeler leur préférence pour des approches négociées en commun. C'est d'ailleurs la position des Nations unies qui ne cessent d'affirmer leur opposition à des initiatives unilatérales qui vont à l'encontre de la légalité internationale.