Si les footballeurs musulmans ne se distinguent en rien de leurs collègues tout au long de l'année, la période du Ramadhan les place face à un défi de taille. Rappelons qu'au cours de cette période, les croyants doivent s'abstenir de manger ou de boire, du lever au coucher du soleil. Le Journal of Sports Sciences, l'une des principales publications académiques consacrées à la médecine sportive, a récemment présenté une étude complémentaire sur le Ramadhan et le football. Celle-ci regroupe les travaux des docteurs algériens, Hakim Chalabi et Yacine Zerguini, membres de la commission médicale de la FIFA. «Nous sommes conscients des problèmes que joueurs et entraîneurs peuvent rencontrer pendant le mois du Ramadhan. Nous sommes actuellement à la recherche de recommandations consensuelles», explique le professeur Jiri Dvorak, président du F-MARC et médecin en chef de la FIFA.L'étude a fait l'objet d'une publication quelques jours avant le début du Ramadhan, qui coïncide cette année avec le début des Jeux olympiques de Londres. Cet événement planétaire rassemble de nombreux athlètes musulmans, notamment dans le cadre du tournoi olympique de football.FIFA.com a rencontré les docteurs Zerguini et Chalabi pour évoquer le résultat de travaux très attendus par les footballeurs musulmans du monde entier. Les défis Les footballeurs musulmans sont confrontés à de nombreux défis durant le mois du Ramadhan. «Nous menons des tests depuis plus de dix ans», précise le docteur Zerguini. «Les athlètes doivent faire face à de grands changements pendant le Ramadhan, notamment en ce qui concerne le sommeil.» En effet, leur métabolisme doit s'adapter à un nouveau rythme de sommeil, un nouveau régime et une nouvelle façon de s'hydrater. «Le jeûne modifie le rythme biologique des joueurs. Il est important de réorganiser son sommeil en conséquence», poursuit-il. «Il est également essentiel de traiter les aspects psychologiques liés au changement de régime et d'hydratation au cours de ce mois.» L'étude revient en détail sur la condition des athlètes qui pratiquent un sport de haut niveau pendant le jeûne. Le docteur Zerguini estime que ces travaux constituent une référence intéressante pour les joueurs, mais il rappelle également que la décision de jeûner appartient à chacun. «Notre objectif n'est pas d'aider ou au contraire de dissuader les personnes concernées», souligne-t-il. «Notre seule ambition était de réunir un maximum de données, afin de permettre aux jeunes sportifs d'appréhender au mieux la situation.» L'étude évoque donc la préparation des joueurs pendant le Ramadhan. Pour le docteur Zerguini, tout dépend des heures d'entraînement et des conditions climatiques. «Il y a différentes stratégies possibles, car chaque cas est différent. Il faut s'adapter en fonction de l'heure et selon que l'entraînement a lieu le matin, l'après-midi ou en soirée. La question de la saison se pose également avec beaucoup d'acuité : en hiver, il faut se concentrer sur la nutrition et l'énergie, tandis qu'en été priorité doit être donnée à l'hydratation.» Spécialiste reconnu, le docteur Zerguini produit plusieurs exemples de footballeurs engagés dans de grands clubs européens et qui n'ont aucun mal à respecter le Ramadhan. Selon lui, les meilleures stratégies pour gérer le jeûne sont celles qui s'adaptent aux spécificités de chaque cas. «Ces joueurs évoluent à un très haut niveau, mais leurs performances s'améliorent encore pendant le jeûne. Nous en avons parlé avec eux. Il ne faut pas chercher les réponses à ces questions dans le fonctionnement du métabolisme humain mais auprès des intéressés eux-mêmes.» Questions sociales Si le Ramadhan ne pose aucun problème dans les pays et les sociétés où l'Islam tient une place prépondérante, il n'en va pas obligatoirement de même partout ailleurs. Le docteur Hakim Chalabi, ancien responsable médical du Paris Saint-Germain, estime que les footballeurs musulmans qui souhaitent suivre le Ramadhan sont parfois confrontés à des difficultés supplémentaires. «Dans les pays musulmans, le Ramadhan ne pose pas de problème particulier, car les clubs modifient leurs programmes d'entraînement en fonction de cette donnée. Les matches ont lieu le soir, pour arranger les joueurs qui jeûnent», poursuit l'ancien directeur médical adjoint de la prestigieuse Clinique du Sport. «En revanche, la situation est plus compliquée pour les musulmans qui jouent en France ou en Angleterre, par exemple. Dans ces pays, rien ne change pendant le Ramadhan, ce qui est particulièrement problématique en été, lorsque les jours sont les plus longs. Avec cette étude, nous avons voulu donner quelques conseils aux footballeurs qui souhaitent continuer à jouer pendant le jeûne, afin de réduire les risques de blessure et de contre-performance. Nous avons aussi voulu apporter des solutions aux problèmes de l'hydratation et du sommeil», explique le directeur médical et directeur exécutif du Programme national de la médecine sportive d'Aspetar (Qatar). Le docteur Chalabi offre également quelques conseils pour optimiser les performances pendant le Ramadhan, notamment pour les musulmans qui évoluent dans des pays non-musulmans. «Le niveau de nutrition doit changer. Il faut aussi modifier la qualité des aliments, afin de s'adapter à l'exercice», assure le docteur Chalabi, qui a également été le médecin de l'Algérie pendant la Coupe du monde de la FIFA, Afrique du Sud 2010. «Les joueurs doivent mieux s'hydrater. Nous leur conseillons en outre d'allonger la durée de leur sieste pendant l'après-midi, afin de récupérer une partie de leur temps de sommeil.» «D'ordinaire, les joueurs ne peuvent pas modifier l'horaire d'un match ou d'un entraînement», note le docteur Chalabi, qui a déjà travaillé avec des footballeurs musulmans comme Nicolas Anelka, lors de son passage au Paris Saint-Germain. «En revanche, ils peuvent parler à leur nutritionniste pour obtenir un meilleur soutien et conserver ainsi la confiance de leurs entraîneurs.» Ahmed Hassan, capitaine de l'Egypte et Pharaon le plus capé de tous les temps, confirme : «J'ai eu des problèmes avec certains entraîneurs européens pendant le Ramadhan. Mais une fois qu'ils ont vu que je pouvais jeûner et rester performant, ils se sont rendu compte que ma pratique religieuse n'aurait aucun impact négatif sur ma contribution au sein du groupe. En fait, je pense même que c'est tout le contraire.»