Je me demande pourquoi l'auteur de l'article se garde de me citer nommément alors qu'il a tout fait pour que le lecteur me reconnaisse. Je me pose surtout la question de la finalité de son attaque contre le secteur privé national productif et celle d'avoir voulu le faire à travers le dénigrement de ma personne, sans même faire l'effort de prendre connaissance de mon réel parcours d'entrepreneur. L'auteur profère en effet, de graves accusations à mon encontre et selon lesquelles l'essor de Cevital, le groupe dont je suis le fondateur, trouverait son fondement dans des «crédits de l'Etat généreusement alloués» qu'il n'aurait «jamais remboursés» et qu'il jouirait de «monopoles très lucratifs». Comme toute entreprise, Cevital recourt parfois, pour les besoins de son développement, au crédit bancaire. Il s'agit de crédits de banques publiques. Ainsi, Metalsider (qui a précédé Cevital) a sollicité, à la fin des années 1980, un crédit auprès de la BNA pour l'accompagner dans la réalisation du projet sidérurgique de Larbaa déjà réalisé à 75% sur fonds propres et grâce au cash-flow de l'entreprise Profilor, que j'avais créée en 1975. Après constat de visu de l'avancement du projet, la BNA a accordé à Metalsider un crédit de 50 millions de dinars pour l'acquisition d'équipements supplémentaires pour compléter les installations du complexe. Ce crédit a été intégralement remboursé en respectant l'échéancier établi par la BNA. De plus, et en raison de la dévaluation ultérieure du dinar algérien, nous avons remboursé plus de 450 millions de dinars pour compenser les pertes de change. Le groupe Cevital, monsieur Boukharouba, n'a aucune dette envers l'Etat ou envers une banque publique. Au contraire, par sa contribution fiscale, le groupe alimente régulièrement les caisses de l'Etat. Deuxième exportateur, il est aussi deuxième contribuable après Sonatrach. Outre l'emploi de dizaines de milliers de collaborateurs, les richesses créées par le groupe sont ainsi réparties : 59% en impôts et taxes, 40% en investissements et 1% en dividendes distribués aux actionnaires. S'agissant de monopole, rappelons à M. Boukharouba que cette situation ne peut se produire que dans le cas où la loi réserve à une entreprise l'exclusivité de fabriquer ou de commercialiser un produit sur un marché donné. Ce n'est pas le cas de Cevital qui opère dans un contexte de marché ouvert. Il faut faire la différence entre un monopole et une position de leader ! Le groupe peut, en effet, sans disposer d'un monopole, occuper une position dominante dans certains secteurs. Dans l'huile de table, par exemple, cette position a été acquise à la faveur d'importants investissements qui ont permis au groupe Cevital d'atteindre une taille et un niveau de productivité de standards internationaux. Cet avantage industriel lui a permis de se hisser au niveau de deuxième exportateur national, après Sonatrach, tout en assurant au marché national des produits aux meilleurs coûts avec un niveau de qualité parmi les meilleurs au monde. Cevital a ainsi pu renforcer sa position concurrentielle vis-à-vis des importateurs, des autres producteurs nationaux, de la multinationale saoudienne (Savola) installée en Algérie, tout en fournissant au consommateur algérien un choix comparable à celui des Européens des prix difficiles à battre. Grâce à cela, Cevital est aussi compétitif à l'exportation. C'est la philosophie qui guide les projets de développement de Cevital : faire passer l'Algérie de position d'importateur net à celle d'exportateur. Comme aujourd'hui dans le sucre, l'huile, le verre plat et demain dans l'électroménager, le groupe entend valoriser les avantages concurrentiels de l'Algérie. Il est incompréhensible que l'Algérie ne soit pas déjà exportateur dans le ciment, l'industrie pétrochimique, la sidérurgie, l'industrie pharmaceutique, etc. Les confrontations d'idéologies cachant souvent des confrontations d'intérêts inavoués, Cevital n'entend pas intervenir dans un débat doctrinal. Elle se contente d'assurer son utilité sociale et son efficacité économique dans le contexte national qu'elle appelle à s'améliorer. C'est à cela que son expérience et la mienne devraient être appréciées. Afin de lui permettre de se faire une idée dénuée de préjugés idéologiques ou sectaires, je me ferai un plaisir de faire parvenir à M. Boukharouba l'ouvrage de Taïeb Hafsi qui relate mon itinéraire de 40 ans d'efforts et d'embûches. Il y apprendra, par ailleurs, que «le père de sa connaissance» n'a jamais été mon employeur mais un des clients de mon cabinet d'expertise comptable. En matière de choix économiques, pour moi le maître-mot du débat devrait être celui de la compétitivité et non pas de camper sur des positions doctrinales qui ne feront que cliver davantage les Algériens entre eux. C'est en s'éloignant des controverses qui n'ont plus cours aujourd'hui que les débats pourront éclairer l'opinion sur les vrais enjeux du pays. C'est un impératif majeur, car l'Algérie a déjà perdu trop de temps et traîne en queue de peloton dans la plupart des classements internationaux. En misant sur nos atouts compétitifs, nous avons encore la possibilité de redresser la situation et de remettre l'économie algérienne sur les rails d'une croissance soutenue. Mais il faut le faire sans délai! J'observe, pour terminer, que, pour des gens pratiques comme moi l'expérience historique a tranché la question : si l'opérateur public reste pertinent pour certains objectifs et dans certaines circonstances, la pratique a établi le rôle incontournable de l'initiative privée et de la liberté d'entreprendre dans le développement économique et social des nations. Nous regrettons beaucoup les propos de M. Boukharouba. Heureusement, beaucoup d'universitaires algériens, loin des professionnels de l'invective, apportent aujourd'hui leurs contributions au débat sur la relance de l'économie algérienne et les moyens de donner à notre pays une vraie ambition industrielle. Un débat peut être contradictoire, mais n'a pas besoin pour cela d'utiliser l'injure et la désinformation.