A défaut de travailler la terre, les agriculteurs multiplient les contacts entre eux pour, disent-ils, mieux s'organiser et faire face aux conséquences des dernières intempéries qu'ils estiment être une catastrophe naturelle. Cette expression entendue chez un grand nombre d'entre eux en activité dans le périmètre agricole de Fezzara est révélatrice de l'ambiance de ces dernières semaines dans le monde agricole. Après de longues semaines de pluies presque ininterrompues sur toute la wilaya, les agriculteurs tentent de connaître avec précision les réactions des institutions de l'Etat à leurs déboires. Les dernières informations et constatations ne sont guère encourageantes en matière de surfaces labourées ou emblavées. Les conditions météorologiques très défavorables tendraient à justifier quelques accès de morosité caractérisant le comportement de la majorité des agriculteurs. Face à l'urgence des décisions ponctuelles à prendre, plusieurs ont été contraints de revoir les spéculations à entreprendre pour l'année 2005. D'autres spécialistes de la multiplication comme ceux de la pomme de terre ont dû retarder de plusieurs semaines les opérations de piquage. L'examen de la situation permet de dire que l'on n'est plus à la réflexion sur telle ou telle autre alternative agricole. Les mêmes constatations laissent apparaître que la majorité des 43 850 ha, dont 41 350 en sec et 2500 en irrigué dits superficie agricole utile (SAU) de la wilaya sont inondés. Et si les 75 424 ha en superficie forestière n'ont pas subi de gros dégâts, les gérants des exploitations agricoles collectives, celles individuelles et les agriculteurs particuliers ont bien des soucis à se faire. « Les dernières intempéries n'ont pratiquement rien épargné tant en ce qui concerne les cultures céréalières, industrielles que les plantations. Déjà soumises à la mauvaise répartition des eaux de pluie - les précédentes années à l'origine d'importantes baisses de rendements sur les principales spéculations telles la tomate industrielle, la pomme de terre, le tabac, les céréales - nos terres sont transformées en lac. Nous ne savons pas si nous allons pouvoir respecter nos engagements quant au remboursement de nos crédits bancaires », a estimé Djillal, membre d'une coopérative agricole à Cheurfa. Inondées, les terres figurant dans le lot des 18 600 ha du périmètre du lac Fezzara le sont amplement. De par les investissements consentis par l'Etat, notamment dans le projet de mise en valeur, ce périmètre a été, à une époque récente, au centre d'importants enjeux autres que la rentabilité agricole. La catastrophe aurait pu atteindre également El Hadjar et Aïn Berda. Heureusement que ces deux communes avaient bénéficié d'opérations de réhabilitation et de réalisation des réseaux de drainage des eaux de pluies. Paralysés par des eaux qui ont inondé leur terre, des agriculteurs n'ont pu entamer les travaux de préparation de la campagne semence. Dans le regard des uns et des autres, qu'ils soient de Cheurfa, El Eulma, Berrahal, Aïn Berda, El Hadjar, Tréat, Chetaïbi, on voit dans leur regard la crainte, la peur et le fatalisme. Ils se posent déjà des questions sur leur avenir et sur les crédits bancaires qu'ils ne pourront pas rembourser cette année. Depuis quelques jours, ces agriculteurs n'ont pas cessé de hanter les couloirs de la chambre et la direction d'agriculture. Tous avaient le même sujet de discussion : la météo et les instruments scientifiques capables de déceler l'approche des intempéries.