30% à 80% des douleurs ne sont pas soulagées, notamment celles engendrées par les cancers, et 30% des patients ne sont pas pris en charge l Les spécialistes tirent la sonnette d'alarme sur l'insuffisance des moyens thérapeutiques pour soulager ces douleurs et permettre aux malades en fin de vie de mourir dignement. Un débat scientifique sur la question a été animée jeudi dernier lors de la VIIe journée d'information et de lutte contre la douleur organisée par le laboratoire Biopharm en collaboration avec la Société algérienne d'évaluation et du traitement de la douleur (SAET) à l'hôtel El Aurassi. Le Dr Kerrar, de Biopharm, a tenu à signaler l'intérêt que porte le groupe pour le traitement de la douleur en mettant à la disposition des prescripteurs des molécules adéquates pour soulager les malades. Les spécialistes ont souligné que cette douleur est un symptôme et un signe d'alarme ; qui handicape le patient déjà rongé par l'angoisse que lui procure sa maladie. Un cas sur trois souffre de douleurs et deux patients sur trois se plaignent de douleurs chroniques de degré intense. « 30% des malades sujets aux douleurs ne sont pas pris en charge pour un traitement définitif et 31% des patients ne trouvent pas de traitement à leurs souffrances », a indiqué le Dr Fellah du Centre anticancéreux Pierre et Marie Curie (CPMC) en précisant que la douleur causée par les cancers est la plus répandue. Elle a précisé que la chimiothérapie est en cause dans les 15% à 19%. Les douleurs post-chirurgicales, notamment dans le cancer du sein, ont été également évoquées. « Cette douleur est sous-estimée et mal prise en charge. Elle évolue généralement vers une douleur chronique qui fragilise davantage la patiente », a souligné le Dr Benmoussa du CPMC. La douleur, en particulier les douleurs cancéreuses sont un véritable problème de santé publique qu'il faut sérieusement prendre en charge, a indiqué le Pr Greine, président de la Société algérienne d'évaluation et du traitement de la douleur. Pour lui, la prise en charge doit être intégrée dans le plan cancer et mobiliser les différentes spécialités pour accompagner les malades en fin de vie. Comment soulager les malades ? Pour les différents intervenants, il y a lieu d'abord de localiser la douleur, l'évaluer sur la base d'une échelle d'évaluation pour la classer puis la soulager. Les moyens thérapeutiques semblent être limités et les spécialistes déplorent le manque de médicaments tels que les antalgiques et la législation des morphiniques qui datent de 1845. La gamme des antalgiques disponibles en Algérie demeure, selon les spécialistes, insuffisantes car seuls ceux des paliers I et II sont disponibles pour assurer une réelle prise en charge des malades. Ils regrettent d'ailleurs le retrait prochainement du dextropropoxyphène (Di-Antalvic) du marché algérien. Ce qui va réduire considérablement le champ d'action des praticiens dans la prise en charge des patients. Ce retrait, signale le Pr Greine, « ne se justifie pas chez nous. Si le produit en question a présenté des problèmes en Europe, notamment le suicide, en Algérie, aucun problème n'a été signalé ni par le Centre de pharmacovigilance, ni par le Centre de toxicologie, ni par les praticiens. Aucune étude épidémiologique sur les risques engendrés par ce médicament n'a été menée. Nous utilisons ce médicament et ses génériques depuis 10 années, nous n'avons aucun problème. La démarche est irrationnelle d'autant que nous n'avons pas de solution de substitution. On décide de son retrait sans se concerter au préalable avec les spécialistes. Pour le Pr Berrah, président de la Société algérienne de l'hypertension artérielle, l'Algérie n'a fait que dans le « suivisme » sans se soucier des conséquences que cela peut engendrer sur l'état des malades algériens. Un constat appuyé par de nombreux praticiens présents à la rencontre. Une action commune pour saisir les pouvoirs publics sera initiée par les sociétés savantes bien que le ministère de la Santé a été déjà destinataire d'une correspondance de la Société algérienne d'évaluation et du traitement de la douleur. Rappelons que l'Agence européenne des médicaments a recommandé l'arrêt de la commercialisation de l'association dextropropoxyphène-paracétamol (Di-Antalvic) dans les pays membres. Le motif invoqué est l'observation dans plusieurs pays de la Communauté d'intoxications graves, voire mortelles, dans des conditions d'utilisation illicites, marginales, non thérapeutiques. Une décision jugée hâtive par l'Académie nationale de médecine qui estime que cette association est utile, largement mise à profit en thérapeutique, en France, avec sécurité, elle correspond au besoin d'antalgiques de puissance moyenne (niveau 2 de l'OMS), supérieure à celle du paracétamol seul et inférieure à celle des morphiniques forts.